Aux portes de Gand, le Wijndomein Waes a été planté en 2005 par l’avocat Lodewijk Waes le long de l’Escaut. Aujourd’hui, il produit près de 20.000 bouteilles sur 4 hectares. Entretien.
D’où vient l’idée de créer un vignoble, car à l’époque il n’y en a pas encore beaucoup du côté flamand ?
Non, en effet. Il y avait notamment Genoels-Elderen, Chardonnay Meerdael ou encore Entre-deux-monts qui a commencé en même temps. En réalité, l’idée m’est venue en Espagne, lorsque j’ai effectué un doctorat de droit en 1992 à Léon, entre Burgos et Salamanque. J’avais visité de nombreux vignobles et j’ai décidé que j’allais faire moi aussi des bons vins en Belgique. Lorsque je crée le vignoble en 2005, je suis le premier à commencer professionnellement en Flandre avec des raisins interspécifiques.
Quelles variétés en particulier ?
Solaris et Bianca en blanc, Rondo, Regent et Léon Millot en rouge, tout d’abord sur une petite parcelle d’un demi-hectare avant d’agrandir progressivement jusqu’à 4 hectares aujourd’hui, depuis trois ans. J’ai aussi ajouté du Cabernet blanc et du Cortis, et depuis quelques années du Chenin (qui n’est pas un résistant – ndla), je vais d’ailleurs en ajouter pour faire des vins mousseux.
Le vignoble a toujours été à l’endroit actuel ?
Oui, bien sûr. Dans le temps, j’avais une salle de vinification au centre-ville de Zwijnaarde avant d’acheter ceci proche de mes parcelles. C’était une petite ferme que j’ai réaménagée avant de construire en 2020 le bâtiment où l’on se trouve. Mon frère a emménagé dans la petite ferme, cela permet de garder un œil sur le vignoble.
Comment passe-t-on de 0,5 à 4 hectares ?
Cela ne s’est pas fait d’un jour à l’autre, car je voulais surveiller la qualité. Et puis, j’ai encore d’autres choses à faire comme avocat. Et maintenant, j’ai une profession professionnelle en plus. Les dossiers la semaine et le vin le weekend. J’ai toujours éprouvé le plaisir de travailler avec mes mains aussi.

Je me suis formé en auto-didacte, car dans le temps, Syntra n’existait pas. Lorsque j’étais en Espagne, j’ai visité et discuté avec beaucoup de viticulteurs, cela m’a bien aidé. Je suis aussi conseillé par l’oenologue Hans Van Nyen (Oenoconsult) qui a notamment vécu en Espagne.
Depuis le 1er janvier, j’ai quelqu’un qui m’aide maintenant dans le vignoble. Comme je fais tout moi-même, le chai est adapté à mes besoins, avec de petites cuves que je peux bouger avec un transpalette, et avec un petit labo. C’est pour moi plus facile de travailler avec des cuves de 1100 et de 1700 litres qu’avec une cuve de 4000. Et tout le temps avec un fond de musique classique, cela m’apporte de la tranquillité.

Mais l’Espagne et la Belgique, ce n’est pas tout à fait la même chose ni le même climat ?
Non, bien sûr, mais j’avais dans l’idée de faire un vin comme dans le Ribera del Duero. C’est pour ça que j’ai planté le Cabernet cortis, en plus des autres cépages rouges. Ce n’est pas facile, mais on ne sait jamais que la génération suivante puisse le réaliser, non?
Je pense que j’ai prouvé que je pouvais faire d’excellents vins avec les interspécifiques et c’est pour ça que j’ai aussi cherché un raisin classique et j’ai choisi le Chenin. Pour l’instant, mis à part deux ou trois micro-parcelles, je suis le seul à avoir du Chenin. (Gloire de Duras vient de lancer une cuvée mi-juillet – ndla).

Qu’est-ce qui a été difficile pendant ces 20 années?
Le climat ! Il y a eu quelques années fort difficiles, comme 2010 par exemple. L’année passée aussi, mais cela a été le cas pour tout le monde. Depuis dix ans, nous avons dû résister à des épisodes de gel de plus en plus importants. Je protège mes vignes avec Frolight, un système de lampes LED à infra-rouges. Il y a aussi beaucoup d’oiseaux et de guêpes, surtout sur le Solaris.
La gamme des vins s’est elle aussi développée avec le temps et permet de commercialiser entre 15 et 20.000 bouteilles.
Oui, on a le Waes Wit et Waes Rood, en assemblage chaque année, mais aussi des monocépages de Cortis, de Cabernet blanc ou maintenant le Chenin blanc, une partie en vin tranquille, une partie en effervescent Waes Brut – BelBul.
La création de ce label a aussi représenté du travail, sans oublier la présidence de Belgische Wijnbouwers…
J’ai succédé à Paul Vleminckx qui a été l’un des pionniers des effervescents belges avec “Chardonnay Meerdael”. Je suis dans l’asbl depuis le début mais je trouvais que j’étais trop petit pour être président. Depuis 2015, la présidence est devenu mon troisième travail.
Cette année, nous avons travaillé intensément, Wouter Bogaert et moi, sur la création du label BelBul pour les vins effervescents de qualité. On a commencé avec 24 producteurs et une quinzaine est en train de faire la démarche. Il est important d’avoir un nom commun pour tous les vins effervescents belges pour aller à l’étranger.

Quel est l’avenir du vin en Belgique ? Certains ne risquent-ils pas d’arrêter face au travail que cela représente vraiment ou face aux obstacles climatiques?
Oui, tout à fait. Certains vendent déjà leurs vignobles et ceux qui veulent se lancer ne vont plus planter, mais racheter ces parcelles-là. Je pense que nous avons trouvé un point de saturation. Nombreux sont ceux qui pensent que planter un vignoble est facile, mais ils n’ont pas conscience du travail que cela donne pendant toute l’année.
Non seulement, il faut faire le vin en même temps mais après, il faut les vendre… Beaucoup de gens commencent sans bien réfléchir. Et cela coûte aussi parce qu’on doit commencer de zéro ici en Belgique. Si on va en Espagne ou en France, là ce sont des générations et des générations. Ils ne doivent plus construire leurs salles de vinification parce que leurs grands-parents l’ont déjà fait.
Des nouveautés pour célébrer cet anniversaire ?
Pour les vingt ans, le logo et les étiquettes ont été redessinés, ainsi que le hérisson qui est sur le blason de la famille depuis le VIe siècle. J’ai aussi ajouté « Boutique Winery » (un petit domaine avec un fort accent sur la qualité, l’artisanat et l’identité du terroir – NDLA). Je suis le premier ici aussi mais je pense que d’autres vont suivre…
Infos: www.wijndomeinwaes.be
Marc Vanel – 16/08/25