Reconnue en blanc sec depuis 1937, l’AOC Montravel ne l’a été pour ses rouges qu’en 2001. Dégustation-anniversaire.
Patrie du philosophe Michel Eyquem de Montaigne, d’où le qualificatif d’humanistes pour ses vignerons, Montravel est l’un des sept grands terroirs du vignoble de Bergerac-Duras. Situé au nord de la Dordogne, il jouxte les grands vignobles de Bordeaux.
Au XIXe siècle, la production de vin rouge représentait 72% des volumes de Montravel, mais lors de la reconversion post-phylloxérique, les blancs ont largement pris le dessus. Pas uniquement les blancs secs d’ailleurs, mais aussi beaucoup de vins moelleux dont le célèbre Monbazillac.
En 1937, lors de la création des premières AOC en France, l’AOC Montravel est reconnue en blanc sec, ainsi qu’en blanc moelleux et liquoreux (Côtes de Montravel ou Haut-Montravel).

Soucieux de faire reconnaître un Bergerac supérieur rouge distinct des autres vins de Bergerac, diverses voix s’élèvent pour créer une nouvelle appellation. Un dossier est introduit à l’INAO en 1993 mais il faudra attendre 2001 pour qu’il aboutisse et que la première mention AOC Montravel rouge apparaisse sur une étiquette.

Critères exigeants
Afin de tirer tout le parti d’un terroir riche en calcaire à astéries, des conditions rigoureuses sont mises en place : densité élevée, rendements limités et surtout utilisation majoritaire du cépage Merlot qui doit être élevé pendant minimum deux ans avant d’être mis sur le marché.
Il peut être associé au Cabernet franc, au Cabernet sauvignon ou au Malbec. Tous les vins sont conditionnés sur leur lieu de production et une dégustation anonyme doit valider la qualité finale du vin pour décrocher l’AOP.
Seuls 17 vignerons produisent des montravels rouges, douze d’entre eux étaient présents fin juin dernier au Château des Vigiers (un splendide hôtel-spa-golf) pour une dégustation sur 19 millésimes afin de permettre de mesurer le chemin parcouru en vingt ans.
Une sélection 
Parmi les millésimes récents, 2018 se singularise par des vins étonnament prêts à boire, avec une superbe acidité, de belles concentrations et des tanins très agréables. En revanche, certains vins plus âgés demandent de patienter encore quelques années avant d’être dégustés.
Parmi les bouteilles présentées, celles du Château Le Raz (Patrick Barde) ont une base de Merlot et de Malbec, avec un appoint de Cabernet sauvignon. Puissance et finesse résument en deux mots la cuvée “Les Filles” 2018 avec une ouverture franche qui introduit une bouche ample et généreuse, même si la finale est encore un peu fermée. Avec deux ans de plus, le 2016 est fondu, superbement affiné et prêt à boire. Ils sont disponibles chez nous à la Cave des Sommeliers (17,30€).
Le Château du Bloy à Bonneville a été racheté en 2001 par Olivier Lambert, un consultant informatique qui souhaitait se reconvertir. Ses 12ha sont certifiés bio depuis 2014, le Cabernet franc occupe ici la moitié de l’assemblage et cela s’apprécie hautement. “Le Bloy 2018” est très épicé et original, le 2016 bien fondu mais le 2015 ne décolle pas encore. Etonnant.
A côté de ces deux très beaux domaines, relevons les vins du Domaine de Perreau repris en 2013 par Gaëlle Reynou Gravier, en troisième année de conversion bio. “Désir Carmin 2018” rend un hommage tout en fraîcheur au terroir de Montravel, un vin riche et délicat.
Dans le même millésime, la cuvée “Cent pour 100” du Château Moulin Caresse (Quentin Deffarge, également président dde l’appellation) offre une très belle concentration de fruits et une remarquable acidité qui lui assure encore de belles années de vie.
Enfin, quelques noms pour ceux qui veulent prolonger la découverte: le Clos Bonnefarre (1 ha seulement mais quel hectare!), le Château Roque-Peyre, le Château Pique-Sègle ou le Château Le Castellot seront de bonnes pistes.
Pour marquer les 20 ans de l’appellation, le syndicat des vins de Montravel organise une journée festive au Château de Montaigne le 31 juillet prochain. Si vous êtes dans le coin, visite du château, concerts et bars à vin sont au programme avec 35 vignerons de l’appellation, mais cette fois avec les vins blancs et les liquoreux aussi. Infos: vins-bergerac-duras.fr
Et pendant ce temps sur le Quai Cyrano
Installée sur le port en bordure de Dordogne au cœur de Bergerac, la Maison des Vins est jumelée avec l’Office du Tourisme; c’est donc le point de départ idéal pour rayonner dans la région et découvrir les sept grands terroirs de Bergerac-Duras.
Documentation abondante, dégustations diverses, vente de produits emblématiques du Périgord, terrasse de dégustation, visite du cloître historique des Récollets et… l’ombre de Cyrano vous attendent tous les jours de 10 à 19h (20h vendredi et samedi).
Marc Vanel, 24/7/21