Le confinement nous rendra-t-il tous alcooliques? L’UCLouvain a mené une vaste enquête à laquelle ont complètement répondu 6500 personnes de plus de 18 ans. Résultats préliminaires, car l’enquête est en cours jusqu’au 4 mai.

Apéros virtuels ou non, à midi ou en soirée, lorsqu’ils sont seuls (ou en famille) à la maison et sous pression, certains ont le réflexe de boire un coup pour se détendre. La tentation serait-elle plus forte en période de confinement et deviendrons-nous tous alcooliques? Pas si vite, nous dit cette enquête…

Les premiers résultats viennent en effet d’être analysés par les chercheurs UCLouvain et communiqués ce jour.

Non seulement, on n’assiste pas à une hausse généralisée de la consommation d’alcool, mais ce serait même l’inverse :

  • 46% des personnes sondées affirmer avoir conservé une consommation stable ;
  • 29%, une réduction de leur consommation suite au confinement ;
  • Seuls 25 % des répondants décrivent une consommation en hausse durant le confinement (avec une hausse hebdomadaire moyenne de 6 doses standard d’alcool) ;
  • Quant à la consommation d’autres substances, la baisse est généralisée : cigarettes – 42%, cannabis 52% et cocaïne 75%. Question de ravitaillement sans doute.

« L’évolution de la consommation, nous disent les chercheurs, varie en fonction des facteurs démographiques :

  • Diminution plus importante de la consommation d’alcool chez les hommes (33% contre 23% chez les femmes) et chez les jeunes (20-40 ans : 42%)
  • Hausse plus fréquente de consommation chez les personnes avec un niveau d’études plus élevé (supérieur 28% contre secondaire 22%) et chez celles et ceux qui font du télétravail (3 %) ou qui ne travaillent plus (38 %) durant le confinement;
  • Réduction d’alcool très marquée chez les étudiants (61%) et encore plus massive chez les hommes (70%);
  • Le fait d’être confiné à la campagne plutôt qu’en ville n’influence pas la consommation;
  • L’isolement social ou l’ennui n’influencent pas non plus la consommation. »

Interrogé par Pascal Jassogne dans L’Avenir, le professeur Maurage (Institut de recherches en sciences psychologiques de l’UCLouvain) met en revanche en avant une population à risque : « celle des professionnels de la santé et surtout ceux qui ont maintenu leur activité depuis le début du confinement, et en particulier les jeunes soignants (38%). Nous disposons d’un échantillon de 600 soignants. Ce qui n’est pas un petit échantillon, précise le professeur. Cette hausse peut s’expliquer aisément à cause d’une augmentation des émotions négatives, ajoutée à la lourde charge de travail, le stress d’être en première ligne. Dans leur cas, la consommation d’alcool peut se concevoir pour sortir de ce quotidien lourd et pesant. »

Pourquoi boit-on plus? Il ne faut pas chercher bien loin les explications : émotions négatives liées à la crise, stress (revenu, travail, familial,…) et anxiété (risque de contamination). « Quant à la baisse de consommation, conclut le professeur Maurage dans son communiqué, elle s’explique essentiellement par l’absence de contacts sociaux : les personnes qui boivent habituellement entre amis boivent moins. Enfin, l’enquête de l’UCLouvain confirme les conséquences psychologiques négatives du confinement : 54 % se disent fortement anxieux et 66 % sont insatisfaits dans leurs contacts sociaux, malgré l’utilisation massive des outils de communication à distance. »

Enfin, cette étude étant en cours jusqu’à la fin du confinement, ces résultats sont dès lors à considérer comme préliminaires. Pour augmenter la taille et la représentativité de l’échantillon final, l’enquête est disponible en ligne : uclouvain.be/addiction-confinement.

Marc Vanel, 29/4/20