Le célèbre guide gastronomique vient de sortir la 5e édition de son guide des meilleurs chocolatiers de Belgique et du Luxembourg. Benoît Nihant, le “chocolatier cacaofévier” d’Awans, est gratifié du titre de « Chocolatier of the year » pour la Wallonie.

Difficile de ne pas être séduit par la personnalité de Benoît Nihant qui se définit comme “cacaofévier”, il a même déposé le nom…, écrivais-je en février dernier dans le supplément Gourmandiz de La Libre et de la DH. Sa passion du chocolat remonte à sa prime jeunesse et aux voyages avec ses parents qui s’arrêtaient chez les chocolatiers pour goûter leurs produits. Juste pour le plaisir. Des études secondaires l’amènent à choisir une formation universitaire d’ingénieur commercial, et il décroche son premier job avant son diplôme: il sera tout d’abord chef de projet à Cockerill Sambre, puis chez CMI, mais il se rend compte que ce n’était pas exactement le choix qui lui convenait.

Décidé avec son épouse de vivre différemment, il cherche un « métier où l’on crée » et, comme il le raconte si bien, « le chocolat s’est imposé comme une évidence. Il fallait que je franchisse le pas avant qu’il ne soit trop tard. Je me suis alors présenté comme ouvrier non rémunéré chez Wittamer à Bruxelles, lequel se demandait quelle pouvait bien être ma motivation, mais il a fini par accepter. Je me suis surtout lié d’amitié avec le responsable de la production qui a pris sa pension en 2004 qui m’a appris à transformer le chocolat en produit fini ainsi que les techniques de pâtisserie. »

Dans le même temps, refusant d’utiliser du chocolat industriel, il élabore ses propres recettes dans le garage de ses parents avec des blocs de chocolat français, à défaut de démarrer directement avec la fève entière. Pour tester ses premiers chocolats, il va frapper à la porte des grands restaurants : les chefs de la “Villa Lorraine” et du “Comme chez soi” apprécient, et le mettent même à leur carte. L’histoire commence et permet au chocolatier d’expérimenter le travail de la fève.

« J’ai d’abord fait quelques voyages le long de l’Equateur pour bien comprendre ce qu’était une bonne fève. Ce n’est pas simple, car il doit exister environ 400 types d’arbres et des milliers de planteurs peu organisés, voire des millions. Sans compter que l’industrie impose sa loi dans les plantations, laissant souvent les paysans dans l’ignorance de leurs produits et les laissant vivre sous le seuil de pauvreté… Il est impératif d’aider ces villages et ces coopératives à développer une filière de fermentation fiable et régulière. »

L’aventure péruvienne

Introduit par des ingénieurs agronomes étrangers vivant sur place, il rencontre des planteurs et revient en Belgique avec des échantillons de fèves. Les premiers résultats ne sont pas concluants, mais il finit par choisir deux types de fèves (Madagascar et Bali) et met au point six premières recettes. « Il fallait tout inventer, ce ne fut pas simple car il n’existait pas de matériel à échelle artisanale. J’ai acheté un broyeur à curry en Inde, des vanneuses utilisées habituellement pour séparer la coquille des céréales et un four traditionnel pour torréfier… »

Aujourd’hui, Benoît Nihant importe du cacao d’une dizaine de pays, de plantations dont il connaît l’histoire et les gens, et surtout en payant ses fèves 4 à 12 fois le cours de bourse. Désormais bien établi, avec une production annuelle de 50 à 70 tonnes de chocolat, Benoît Nihant a poussé son raisonnement jusqu’au bout et, grâce à la rencontre au Pérou d’un ami d’enfance qui travaillait dans une ONG allemande de reforestation, a décidé de planter ses propres cacaoyers.

En juillet 2015, huit ans après les débuts de sa chocolaterie, Benoît Nihant a acheté des terres cultivables à San José de Sida, en bordure de forêt amazonienne, une région où le gouvernement a remis de l’ordre. Pour atteindre ces objectifs, Nihant a décidé de s’impliquer dans un programme de reforestation raisonné.

Outre les cacaoyers et quelques bananiers, des espèces ligneuses locales ont aussi été replantées de manière à recréer un écosystème et à favoriser le développement des insectes permettant la pollinisation du cacao.

« A terme, nous ferons bien sûr nos chocolats avec nos fruits, mais comme pour le vin, il faut cinq ans pour que les fruits soient utilisables et sept ans pour avoir un résultat digne de ce nom. »

Boutiques : BRUXELLES – Chaussée de Waterloo 506 (Ixelles) • LIEGE – Passage Lemonnier 42 (le bar à cacao est fermé momentanément) • AWANS – Rue de l’Estampage 6 • EMBOURG – Voie de l’Ardenne 45 • benoitnihant.be

Marc Vanel, 21/10/20 – Publié en février 2020 dans Gourmandiz n°1 mais inédit sur le web…