==
Installé sur une ancienne parcelle du vignoble de la léproserie des Grands-Malades à Huy, le Clos Bois Marie a été replanté dans les années soixante par Charles Legot. C’est le plus ancien vignoble de Wallonie encore en activité, il vient d’être racheté pour la seconde fois en deux ans.
==
Lorsqu’il acquiert en 1963 un terrain à la sortie de Huy pour y construire sa maison, l’architecte Charles Legot découvre que celui-ci est situé au lieu dit « Bois Marie » qu’un vignoble, qui appartenait au XVIIe siècle à l’Hospice des Grands-Malades, y fut cultivé jusqu’en 1940.
Avec l’aide de son oncle, administrateur à l’Horticole de Statte, il achète des pieds de Pinot noir de Bourgogne qu’il plante sur un peu moins d’un demi-hectare, les complétant en plusieurs vagues : du Pinot gris et du Müller-Thurgau (Rivaner), du Sieger, du Chardonnay rapporté de Chablis, puis enfin un peu de Léon-Millot et de Regent.
Très actif au sein de l’Horticole et Viticole de Huy, il va jouer un rôle central dans le redémarrage de la viticulture à Huy, mais aussi en Wallonie et faire naître des vocations autour de lui (Constant Séba, Jacques Mouton, etc.), dont certaines parcelles sont toujours en activité.
En 2007, au décès de son mari, Jenny Legot, ne souhaitant pas s’occuper du vignoble du Clos Bois Marie, elle en confie l’entretien à un trio de copains, dont deux sont d’anciens élèves de Legot, Frédéric Lepage, Alain Dirick et Marcel Mestrez alors connus comme organisateurs du Salon des Bacchusards.
Sachant qu’ils ne pourraient disposer de ce vignoble éternellement, nos trois compères ont planté trois cents mètres plus bas dans la chaussée de Waremme une nouvelle parcelle avec des cépages résistants, « Bois Marie Hautes Vignes », et entendent bien continuer en ce sens.
En octobre 2018, la maison et la vigne sont mises en vente et rachetées par le notaire Christophe Declerck qui, conscient de la dimension historique du Bois-Marie, souhaitait y développer un accueil œnotouristique, mais suite à un autre choix de vie, il se vit obligé de remettre en vente en juillet dernier.
(Re)démarrage
Il trouva rapidement un repreneur en la personne de Didier Hanin qui participait, tout comme lui, à la formation de “Chef d’entreprise viti-vinicole”’ de l’IFAPME de Villers-le Bouillet et qui vit là la chance de concrétiser un vieux projet.
“Je travaille essentiellement dans l’agro-alimentaire, explique Didier Hanin, je dirige une grosse société qui fabrique du saumon fumé à Fleurus, mais j’habite de l’autre côté de la Meuse à Vyle-et-Taroul (Marchin), où j’ai planté quelques vignes il y a quelques années mais sans jamais faire de vin, à part quelques tests, puisque ma volonté était avant tout d’apprendre la viticulture.
Depuis la sortie de l’Ulg, nous sommes une quinzaine de la même promotion à être restés en contact, dont Thierry Lejeune, mon copain de toujours, qui a créé Gudule Winery à Bruxelles, j’en suis d’ailleurs le deuxième associé après lui.
Sous son impulsion, nous organisons chaque année depuis vingt ans un voyage oenologique, toujours sur le même principe de visiter quatre ou cinq vignerons d’une même région. On déguste, on achète et surtout on passe du bon temps.
Avec les années, nous avons commencé à faire des concours de dégustation ensemble, puis nous avons lancé Gudule il y a cinq ans environ qui importe des raisins bio de l’étranger mais dont le plan de gestion prévoit de planter nos propres vignes en Belgique à un certain moment, pour y ajouter une touche belge. De mon côté, je me suis lancé il y a deux ans dans la formation de l’IFAPME à Villers-le-Bouillet, car si c’est pour avoir des vignes, autant se former…”
A lFAPME, Didier Hanin rencontre plusieurs personnes-clés de l’histoire : Christophe Declerck comme élève, et Alain Dirick et Frédéric Lepage comme profs, ainsi que Thomas Heeren qui suit le vignoble aujourd’hui.
“Vu les circonstances de confinement, notre classe est souvent venue au Bois Marie pour les exercices pratiques, nous connaissons tous très bien l’endroit. En mai 2020, Christophe envoie un mot pour annoncer la mise en vente de la propriété. Le soir même, je marquais mon intérêt, l’acte a été signé le 17 septembre.”
Surgreffage
Si le propriétaire précédent avait bien démarré les travaux, seuls les châssis avaient en réalité été remplacés et il n’y eut pas de vraie vendange en 2020. Après avoir (re)pris connaissance des lieux, Didier hanin décide tout d’abord de déboiser 20 ares sur le côté gauche du vignoble pour y tracer un chemin menant dans le bas de la parcelle très pentue. Les travaux effectués se voient très bien sur les photos prises respectivement en 2013 et 2021.
“L’essentiel du projet pour l’instant est pour moi de rentabiliser le gîte qui sera équipé de 12 lits (4 ou 5 chambres) et qui devrait être prêt fin février-mars. Nous avons déjà nettoyé le vignoble et prévu de le restructurer, car 7 cépages sur 30 ares, c’est trop! Vu leur mauvais état, les pieds de Sieger, de Regent et certains de Müller-Thurgau ont été arrachés la semaine dernière et feront place à des nouveaux Pinot Noir fin avril.
Nous n’allons garder en fait que deux cépages, le Pinot noir et un autre, plus sudiste, dans la philosophie de Gudule mais sur lequel je reste encore discret. Nous allons les surgreffer sur des pieds existants avec l’aide de Marc Birebent (Worldwide Vineyards), expert français de la pratique. Je serai aidé dans les choix par Thierry bien sûr, mais aussi par l’œnologue de Gudule, Pascal Lenzy, et Thomas Heeren, pour la mise en pratique, qui vient d’embarquer dans l’aventure.
J’ai également entamé la conversion en bio du vignoble, mais nous ne planterons rien cette année, qui sera surtout une année d’observation, inutile d’aller trop vite.”
A 57 ans, le Clos Bois Marie a encore de longues années devant lui…
Marc Vanel, 24/01/20