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Fin 2020, feu vert a été donné par l’INAO à la plantation de six nouveaux cépages dans le vignoble bordelais. L’aboutissement de dix ans d’essais et l’espoir d’affronter le changement climatique sans dénaturer le « goût bordelais ».

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Pour rappel, le cahier de charges des différentes AOC bordelais autorise l’usage de d’une quinzaine de cépages, comme variété principale ou accessoire.

En rouge, il s’agit bien sûr de la sainte-trinité Cabernet sauvignon-Cabernet franc et Merlot, mais il y a aussi le Carmenère, le Malbec et le Petit Verdot.

En blancs, les cépages principaux sont les ultra-populaires Sémillon, Sauvignon et Muscadelle, mais le Merlot blanc, le Colombard, le Mauzac, l’Ondenc et l’Ugni blanc sont autorisés en cépages accessoires dont l’encépagement ne peut dépasser 30%.

Réchauffement climatique, vendanges décalées, décalage entre la maturité phénolique (le raisin est-il mûr et sucré ?) et la maturité physiologique (les tanins et les pépins le sont-ils aussi), etc., tous ces éléments ont poussé en 2019 le syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur à demander à l’INAO l’autorisation de planter de nouveaux cépages sur base des tests effectués depuis une dizaine d’années sur des parcelles expérimentales, notamment celles de l’institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV).

Une cinquantaine de cépages (provenant du Languedoc, du Sud-Ouest, mais aussi d’Espagne, d’Italie, de Grèce, du Portugal, de Bulgarie ou de Géorgie ont été testés, mais seuls six pour l’instant été retenus.

En rouge

  • Arinarnoa : croisement entre le Tannat et le Cabernet sauvignon, on le trouve un peu dans le Sud-Ouest et dans quelques autres pays européens. Sa maturité est tardive.
  • Castets : introduit en Gironde vers 1870, il a aujourd’hui quasiment disparu après avoir vécu quelque temps dans d’autres vignobles du Sud-Ouest.
  • Marselan : croisement de Cabernet sauvignon et de Grenache, le Marselan se retrouve principalement dans le Languedoc et la vallée du Rhône, mais aussi en Espagne, en Suisse, en Israël ou en Chine. Son fruité est agréable.
  • Touriga Nacional : l’un des cépages de base du vin de Porto, on le trouve aussi dans le Dao, le Douro ou l’Alentejo. Parfois un peu rustique, il résiste bien à la sécheresse. Il n’y en a encore qu’une dizaine d’hectares aujourd’hui en France.

En blanc:

  • Alvarinho : la variété de base du célèbre Vinho verde, également connue sous le nom d’Albariño en Galice. Elle descendrait du Savagnin. On la trouve également dans un (ou plusieurs ?) vignoble(s) flamand(s), connaissez-vous lequel ?
  • Liliorila : obtenu en croisant le Baroque (lui-même croisement de Sauvignon et de Folle blanche) et le Chardonnay, le Liliorila est riche en alcool et très aromatique, on peut en faire des vins liquoreux.

Enfin, notons que sous la pression des producteurs du Sud-Ouest, le Petit Manseng n’a finalement pas été autorisé.

Ces variétés vont  donc être prochainement plantées, ou sont déjà en train de l’être. Leurs raisins ne seront toutefois vinifiés que dans 4 ou 5 ans.

Pour l’heure, leurs surfaces de plantation doivent rester en dessous des 5% de l’exploitation et ne peuvent pas dépasser 10% dans la bouteille. Et leur nom de ces « nouveaux » cépages ne peut être mentionné sur l’étiquette. Ah ces Bordelais…

Francs de pied

A Landiras, également dans le Bordelais, Loïc Pasquet et son « Liber Pater » passe pour un joyeux rebelle. Son ambition est de replanter en franc de pied (sans porte-greffe donc) quatorze cépages pré-phylloxériques tels qu’ils existaient anciennement à Bordeaux pour retrouver le goût original des vins d’avant le classement officiel de 1855. Ses vins sortent en vin de France à des prix astronomiques.

Parmi les variétés qu’il a replantées, on retrouve le Castets désormais autorisé, mais aussi le Mancin, le Tarnet, le Prunelard, le Saint-Macaire, le Lauzet, la Pradotte ou la Petite Vidure. Mais ce sera pour un prochain reportage…

Marc Vanel, 28/01/21