Très belle gamme de vins nature pour le domaine La Mariota créé en 2018 dans les Pyrénées orientales par un couple d’Argentins venus de la restauration.
Tous deux sont Argentins et ont à peine 40 ans chacun: Cecilia Diaz et Guillermo Campos sont arrivés en Europe dans les années 2000. D’abord à Londres, puis à Paris où Guillermo travaille dans les grands palaces notamment comme directeur au côté de Jonathan Bauer au « Spring » de Daniel Rose ou comme maître d’hôtel au Royal-Monceau. Cecilia travailla quant à elle comme sommelière, mais pas à Paris.
De par la fréquentation de grands sommeliers, comme Manuel Peyrondet (meilleur ouvrier et sommelier de france 2010) ou Jonathan Bauer-Monneret (MSF 2014), le couple finit par avoir envie d’un jour planter ses propres vignes. « Nous cherchions un endroit avec des vignes disponibles pour commencer petit à petit, explique Guillermo. Nous voulions trouver une région ensoleillée, mais sans trop de pression, ce qui n’est pas possible partout. Dans certaines régions, impossible d’obtenir une parcelle, sauf en héritage. Nous avons d’abord cherché dans les régions de vins que nous apprécions, le Jura, la Loire, mais le climat est pareil qu’à Paris …»

Le village de Vingrau – © Vanel
Le choix s’est finalement porté sur le Roussillon. Le couple emménage tout d’abord à Rivesaltes pendant deux ans, période durant laquelle Guillermo se forme à l’oenologie, notamment chez Danjou-Banessy. Finalement, un logement et une cave sont trouvés à Vingrau, sur les contreforts des Corbières, une région qui a perdu la moitié des 600 hectares de vignes d’il y a trente ans. Beaucoup de vignerons sont à la retraite et, par chance, il n’y a pas assez de repreneurs.
« Nos premières vignes ont été louées à Tautavel, puis à Vingrau, sur les contreforts des Corbières, poursuit Guillermo. D’abord 1,7 ha en 2017, puis 2,3ha en 2019 et 5 en 2020. Nous allons aussi planter 0,5ha au début 2022 et essayer de trouver davantage de terres pour continuer ce projet de plantations, il est plus facile de reprendre des vignes plantées que d’acheter des terres », reconnaissent-ils.

La petite cave jouxte la maison de la petite famille
Quasi sans sulfites
Véritables autodidactes de la vigne et du vin, Cecilia et Guillermo démarrent sans oenologue et entament immédiatement la conversion bio de leurs parcelles.
« Nous voulons faire des vins avec le moins possible d’interventions, sans filtration, sans intrant et avec le moins de sulfites possible Nous suivons au mieux les vins en cave, nous les sentons et goûtons pour repérer les possibles déviances. Nous n’aimons pas les défauts, nous ne voulons pas faire des vins rock’n’roll, mais des vins pour la gastronomie plutôt que des vins de soif, même si on aime cela aussi. Il faut que le vin soit le reflet du terroir et du millésime avant tout. Contrairement à certains vins nature, nous mettons l’accent sur des élevages plus longs, parfois plus de 24 mois dont six en bouteille minimum.»
Parmi les variétés présentes sur leurs parcelles, le Macabeu, de moins en moins planté par ici, le Carignan noir (ils vont planter du blanc et du gris), le Mourvèdre, le Grenache noir, mais aussi du Muscat Petits grains et d’Alexandrie qui leur permet de proposer un excellent vin orange. Beaucoup de vignes de plus de 25 ou 30 ans qui dépassent rarement plus de 25 ou 30hl/ha.
« Si on reste autour de six hectares, c’est juste, mais on se débrouille. Si un jour, on peut louer ou construire une cave, on le fera. Il n’est pas simple de trouver une cave, et même plus compliqué que de trouver des vignes. La Mairie souhaite construire un lotissement de hangars agricoles, mais cela va encore prendre un peu de temps. Pour l’instant, nous faisons tout à la main, jusqu’à la pose de l’étiquette. Après, c’est confortable d’avoir la maison juste à côté la cave, les enfants dorment et on peut continuer à travailler quand il le faut.»

Sur les contreforts des Corbières – ©Vanel
La gamme
Et dans le verre, il faut reconnaître que le résultat est bluffant. Dégusté à la cuve, le Grenache 2020 est d’une souplesse rare et d’une intensité vibrante, et donne la mesure du talent des deux jeunes vignerons, mais il faudra patienter 2022 ou 23 pour s’en procurer.
Idem du côté du vin blanc, Bac de Las Coves (2019 – IGP Côtes catalanes) assemble 90% de Macabeu avec 10% de Grenache gris, c’est une petite merveille avec une réelle typicité et originalité, à l’image de son terroir rocailleux. Il accompagnera aussi bien un poulet rôti que des courgettes grillées au fromage de chèvre. Délicieux.
Orange Tacsum 2020 ensuite est obtenu par macération de deux semaines en grappes entières de Muscat Petits grains et Muscat d’Alexandrie. Il est doté de beaux tanins amenés par le pressoir manuel en bois. Et, osons le mot, il a une très belle minéralité. « Nous le laissons entre six et douze mois en bouteille avant de le commercialiser, cela donne un autre vin, plus rond, plus fin. Il a un bon succès dans les restos, précise Cecilia. »
En rouge, Vendémiaire 2018 est composé de 85% de Mourvèdre et de 15% de Carignan, ce fut le premier millésime du couple à Tautavel, mais il est quasiment épuisé.
« Le Mourvèdre n’est pas facile, explique Guillermo, quand il fait trop chaud, il brûle (on a eu 43° en 2019 à l’ombre), mais il ne mûrit pas s’il ne fait pas assez chaud. » Ce rouge offre un nez étonnamment fleuri, de la violette aussi, très typé mourvèdre. Belle réussite aussi. En 2019, le Carignan fut rare et la cuvée sera 100% Mourvèdre, mais elle ne sortira qu’en 2023.
Enfin, Sudaka 2019 est un 100% Carignan vinifié en grappes entières également, cela donne un vin très épicé, chaleureux, avec des beaux arômes de framboise, de fraise et même une légère oxydation agréable. En finale, l’acidité est toujours présente et prolonge le plaisir. Son nom évoque le surnom donné par les Espagnols aus Sud-Américains, « mais on s’en revendique, c’est un peu de l’auto-dérision, reconnaît Cecilia, et puis le Carignan est un cépage du sud de l’Espagne…».
>> La gamme n’est actuellement importée en Belgique que par la Cave des Oblats à Liège. Plus d’infos sur La Mariota sur instagram.
Marc Vanel, 07/10/21