La 23e Percée du Vin jaune s’est déroulée dans le Jura, à Ruffey-sur-Seille le week-end dernier, sous une pluie battante qui n’a pourtant pas empêché les amateurs d’être présents en masse. L’occasion de découvrir quelques jolis flacons bien sûr.
C’est un véritable rituel dont le succès ne cesse de croître, à tel point que les organisateurs ont même plafonné le nombre de visteurs. Organisée dans un village différent chaque année, la Percée du Vin jaune a en effet attiré jusqu’à 50.000 visiteurs certaines années, une audience réduite à 30-35.000 personnes désormais pour éviter la cohue et les débordements.
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Plus de 55 producteurs de vin jurassiens sont présents durant deux jours pour faire déguster leurs spécialités : vin jaune bien sûr, mais aussi vins blancs, sous voile ou non, vins rouges à base de Trousseau, de Poulsard et de Pinot noir, crémants, vin de paille, macvin… Le choix est large mais demeure malheureusement méconnu en dehors des frontières françaises, et même tout simplement hors du Jura.
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Christian Prudhomme à gauche et Jean-François Michel, vigneron qui présidait cette 23e Percée.
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Le week-end se déroule en deux temps: visite des caves les deux jours (les vignerons sont en réalité accueillis par les habitants du village), et Percée d’une barrique de l’année, en l’occurence 2013, le dimanche avec bénédiction de ladite barrique, défilé en fanfare des confréries et percée d’un tonneau rempli par les vins de tous les producteurs présents, par une personnalité.
Cette fois, c’est un grand amateur de vin jaune et de maillot jaune qui s’y est collé: Christian Prudhomme, grand patron du Tour de France.
Clavelinage: levons le voile
Deux événements parallèles avaient également lieu la veille, le vendredi.
En matinée, tout d’abord le “clavelinage”, concours annuel des meilleurs vins jaunes (100% Savagnin), mis en place en 1997 et dont le nom fait allusion au clavelin, la bouteille de 62cl (au lieu de 75) si caractéristique du vin jaune. Cette contenance représente ce qu’il reste d’un litre de vin après 6 ans et trois mois d’élevage… Les vins proposés au concours sont donc principalement du millésime 2013, avec quelques 2012 et un 2011.
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Parmi les vins primés, mes quatre coups de cœur :
- Domaine Nathalie et Emmanuel Grand, AOP Château-Chalon, En Beaumont, 2013, 15% vol. alc. : très floral, avec une magnifique finale sur les épices, toute en finesse. Un domaine en route vers la certification bio. Coup de coeur.
- Domaine Rolet Père et fils, AOP Arbois, 2012, 14.5% vol. alc.: le domaine a été racheté en 2018 par la famille Devillard, présente dans les grands crus de Bourgogne depuis cinq générations, et deux autres actionnaires. Un des derniers millésimes signé Rolet donc. Cet Arbois séduit dès la première gorgée par son équilibre, son opulence aromatique et sa souplesse. Plus qu’un coup de cœur.
- Domaine Jean-Louis Tissot, AOP Arbois, 2013, 5% vol. alc.: les Tissot se comptent par poignées dans cette région de France, Stéphane étant le plus connu, mais tous ne sont pas liés. Dans le cas présent, les enfants de Jean-Louis, Françoise et Jean-Louis, ont pris la relève et livrent un excellent Arbois, souple, fluide, parfumé, d’une rare élégance, avec de belles notes de noix, de fruits secs, de curry ou même de pomme. Seulement 2700 bouteilles…
- Domaine Daniel Dugois, AOP Arbois, 2013, 5% vol. alc.: une bombe pour terminer cette mini-sélection avec un vin avec une acidité fascinante qui donne force et énergie à ce vin qui vieillira sans problème, même si par nature, les vins jaunes nous survivront. Dès le nez, le vin séduit par ses arômes de noix sèche et d’amande, avec une pointe de céleri, que l’on retrouve dans le verre. D’une minéralité exemplaire.
Parmi les autres domaines dégustés durant ce séjour, ne manquez pas le Domaine Frédéric Lambert (en pleine progression), le Domaine de la Petite Marne de Philippe Noir (son vin jaune 2012 est d’une très belle rondeur, avec beaucoup de matière et une acidité intacte) ou encore, le Domaine Xavier Reverchon : sa cuvée en AOP Côtes du Jura, “Les Trouillots 2015”, est magistrale – c’est le dernier vin à prendre le voile en foudres de 41hl et le personnage est captivant.
Jean-Luc Legras
Voile-miracle
Enfin, depuis trois ans, l’événement est doublé d’un symposium sur les vins de voile, avec la présence de vignerons étrangers: les Bodegas Faustino Gonzalez avec de très beaux Xérès, Samuel Tinon et ses Tokay secs et le domaine Orro en Sardaigne ont régalé l’assemblée. Mais s’il y en avait dans le verre, la tête ne fut pas en reste: le chercheur Jean-Luc Legras est venu nous parler du décryptage du génome des levures de voile, la Prof. Marinela Burdoni (Univ. de Sassari) a dressé le panorama des “vins sous biofilm” dans le monde et, enfin, Jean-Jacques Boutaud, prof de communication, a traité de l’imaginaire des vins de voile. Ah, le gai savoir…
