Rien ne prédisposait Michel Pierard à planter un jour de la vigne, surtout qu’il a déjà 280 vaches à gérer au quotidien et 140ha de grandes cultures à Malèves-Ste-Marie, dans l’entié de Perwez. Mais c’était compter sans son épouse…

Marie-France Pierard-Dethier est en effet co-présidente du comité de jumelage initié en 2008 entre Perwez et le village alsacien de Kaysersberg. Chaque année, une série de joyeux cyclistes parcourent en quatre jours les 470km qui séparent les deux villages pour développer les amitiés. Un car de Perwéziens les rejoint à l’arrivée, dont, forcément, Michel Pierard, un acteur agricole majeur dans le paysage brabançon, qui accompagne son épouse.

Sur place, le couple sympathise avec le maire de l’époque, Henri Stoll, dont le frère est président du marché de Noël et vigneron, et profite de l’expédition pour visiter les caves des environs. Le virus du Pinot noir va doucement s’instiller en eux…

“J’ai beaucoup apprécié ces visites, explique Michel, et découvert un monde que je ne connaissais pas. Quand je vivais chez mes parents (l’homme a 53 ans aujourd’hui – ndla), j’ai toujours connu la bière à table, sauf aux communions ou à Noël où on servait du Saint-Emilion. Mes parents n’achetaient du vin que pour les grandes occasions.

Ma femme m’a souvent proposé de planter un peu à la maison, mais je ne voulais pas, car je ne connaissais rien du tout au vin, c’est vraiment par ma femme que j’ai connu le vin. Un jour, elle est revenue en me disant que l’IFAPME Perwez lançait une formation de chef d’entreprise viti-vinicole et m’incitait à la faire. Je lui ai répondu que je voulais bien, mais à condition de planter pour ne pas faire cela pour rien.

J’ai un champ de betteraves non loin d’ici, juste en face du vignoble de Serge de Liedekerke, et j’ai donc passé un peu de temps avec Thomas Heeren qui installait les fils pour le palissage, sans savoir que je l’aurais bientôt comme formateur à l’IFAPME, c’est lui qui a vraiment fini de me convaincre.

J’ai fait trois jours de préformation en mai et je me suis inscrit en septembre, c’est là que j’ai notamment rencontré Alice Danzin (qui travaille à temps plein dans un autre vignoble) qui m’aide aujourd’hui à gérer tout cela.

Pendant ce temps, je cherchais à acheter un petit tracteur et je me suis adressé à Stoll qui  arrêtait pour raisons de santé. Finalement, je lui ai acheté une bonne partie de son matériel dont un petit foudre de 56hl et une cuve inox, le tout pour 12.000 euros. Je voulais bien mais dans le deal, il devait aussi venir faire les 3 premières vendanges et vinifications ici pour m’apprendre.”

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A Malèves-Ste-Marie – © Vanel

Plantation en deux vagues

Le vignoble La Garenne, du nom du lieu-dit, peut enfin démarrer. Le choix du Pinot noir s’impose forcément et des pieds bourguignons sont achetés à la pépinière Jenny à Sigolsheim.

“C’est la pépinière où Thomas est allé faire son stage d’études, c’est une des plus réputées d’Alsace. Je voulais aussi un second cépage pour faire du blanc, du rosé ou des bulles, mais je ne voulais pas choisir les mêmes variétés que mon voisin pour ne pas entrer en concurrence directe.

Je ne suis pas très intéressé par les cépages résistants. Je voulais un truc genre Chardonnay, je ne vais pas commencer à expérimenter, j’ai finalement opté pour le Riesling, car il n’y en a pas beaucoup chez nous.

J’ai choisi un terrain à deux pas, bien exposé, et avec du passage sur la route, c’est bien pour la vente future.”

© Vanel

 

Le 14 mai 2019, 4500 pieds de Pinot noir sont donc plantés, ainsi que 1500 Riesling, complétés déjà l’année suivante par 3300 autres pieds pour arriver à presque deux hectares et quasiment 50/50.

La première vendange est prévue pour 2022, même si Michel rêve de faire rapidement quelques bouteilles de bulles pour les soirs de vendanges… Pas question aujourd’hui de bio, mais un label HVE pour toute l’exploitation semble le séduire.

Aidé par son fils Norman, à qui il a déjà cédé la moitié de sa ferme, Michel Pierard est aussi assisté par Thomas Heeren et Alice Danzin (photo ci-dessus), et prend manifestement un immense plaisir à tremper ses mains dans la cuve.

“Des amis sont prêts à m’aider, à rogner, à vendanger, c’est formidable, Quand je fais mes betteraves ou mes patates, personne ne vient me trouver, tandis que dans la vigne, tout le monde veut des infos, tu ne rencontres que des gens positifs, c’est plus chouette comme approche que les bovins aussi.

Je ne sais pas comment cela va tourner, mais je sais que pour faire du bon vin, il faut un bon pied et du bon raisin. On ne peut pas avoir un bon veau avec une mauvaise vache, hein, c’est pas possible, c’est la même chose pour le vin…”

Marc Vanel, 20/3/21

Entretien réalisé en décembre 2020