La présentation des “Primeurs” du millésime 2019 à Bordeaux ayant été reportée pour cause de pandémie, les vignerons ont dû être créatifs pour malgré tout atteindre les acheteurs et les journalistes. Y compris en Belgique.

Le 22 juin dernier, l’Union des Grands Crus de Bordeaux a ainsi présenté les vins de ses membres mais sans aucune présence de vignerons. Seules dix personnes par tranche de deux heures étaient admises dans la salle de dégustation, le tout sur deux journées. Une très belle organisation qui a permis d’avoir une vision de ce millésime. Certes partielle, car il s’agit uniquement des grands crus (qui représentent 3% de la production), mais représentative malgré tout.

Rappelons que 2019 est considérée comme l’une des plus chaudes années de la décennie, avec de nouveaux records de chaleur en juillet, avec un pic à 41.2°C. Malgré cela, dans l’ensemble, les vignes bordelaises n’ont pas trop souffert du stress hydrique, même si certaines parcelles ont été brûlées par le soleil. Le début du mois de septembre, sec et ensoleillé, est venu compenser la lenteur de la véraison (le moment où les raisins virent de couleur).

« La vendange des raisins blancs (Sauvignon et Sémillon) s’est achevée vers le 23 septembre, note le critique Jean-Marc Quarin dans son Cahier n°94, et celle des rouges début octobre avec de très beaux Merlots, puis les Cabernets qui se sont faits un peu attendre. »

Si les blancs ont échappé aux pluies de fin septembre-début octobre, ce n’est pas le cas des rouges, certains ayant dès lors vendangé un peu plus tôt pour éviter les problèmes mais en ne laissant pas la vigne atteindre sa maturité complète.

Et cela se goûte chez certains qui manquent un peu de structure, surtout en milieu de bouche, et cela donne un millésime un peu hétéroclite, en deçà de 2018 en tout cas. Mais lorsque tout a été mené à son terme, le vin se fait excellent, même si parfois avec des tanins un peu rudes, et semble avoir nécessité un peu moins de bois que d’habitude. Rien n’est encore figé, bien sûr, mais la direction semble très bonne.

Mes coups de cœur sur les 75 vins dégustés

GRAVES et PESSAC-LÉOGNAN 

  • Quinze vins étaient présentés, mais comme j’ai reçu par ailleurs quelque 75 échantillons, j’y reviendrai très rapidement dans un autre article. Mais Smith-Haut-Lafitte, Brown, Larrivet Haut-Brion, Château de France et Château Olivier mènent la danse.

MARGAUX

  • Château Brane-Cantenac : puissant avec des tannins très denses, mais toujours une excellente production.
  • Château Dauzac : une propriété qui évolue très bien depuis quelques années, avec des vins plus fins et moins marqués par le bois. Savoureux. Bio et vegan.
  • Château Giscours : retour de Giscours vers plus de finesse, avec un très beau fruit et une longue finale un rien trop boisée, mais cela devrait s’arrondir. A redécouvrir.
  • Château Lascombes : je ne suis pas hyper fan de ce château mais ce 2019 impressionne par son aromatique et sa maturité. A suivre.
  • Château Marquis de Terme : frais, épicé et juteux, énormément de matière.
  • Château Siran : belle maturité du fruit et belles épices également. Un millésime supérieur.

PAUILLAC

  • Château Clerc Milon : rien à redire, un très beau vin avec une acidité et un fruité en parfait équilibre. Superbe.
  • Château Grand-Puy-Ducasse : encore une propriété qui évolue très bien, avec plus d’aromatique qu’autrefois et une très belle matière. Finale légèrement saline étonnante.

POMEROL

  • Château Beauregard : la révélation des Primeurs 2018 se confirme en 2019 avec cet excellent vin d’une grande finesse déjà et d’une remarquable acidité. Top. Assemblage Merlot 70% et Cabernet franc.
  • Château Gazin : un superbe nez, une bouche raffinée et une finale complexe. Belle réussite.

SAINT-EMILION

  • Château La Dominique : fin, pur et fruité. Superbes épices. A suivre.
  • Château Valandraud : joli fruit, équilibre et rondeur pour cet excellent vin aux tannins parfaitement enrobés.
  • Château Villemaurine : à nouveau Justin Onclin survole la dégustation avec ce 2019 parfaitement équilibré, bien épicé et avec relativement peu de bois. Maître-achat.

SAINT-ESTEPHE 

  • Château Cos Labory : fidèle à son image, un très beau nez et un fruit intense.
  • Château Lafon-Rochet : belle évolution ici aussi, beaucoup de fraîcheur, beau potentiel.
  • Château Phélan-Ségur : changement progressif de style pour ce château qui livre ici un vin typique des primeurs où tout est parfaitement en place pour grandir. Il n’y a plus qu’à attendre…

Marc Vanel, 07/07/20