Pionnier de la viticulture à Flémalle dans les années 1970 avec les Coteaux Dame Palate, Raymond Godin s’est éteint le 26 juillet dernier à l’âge de 85 ans. Evocation avec son fils Alain et quelques vignerons amis…

Ouvrier sidérurgiste jusque 1985, Raymond Godin a planté ses premiers pieds de vigne en 1977 sur un terrain derrière chez lui qu’il avait défriché avec un ami avec les conseils de Charles Legot (Clos Bois Marie), avant d’en planter cent autres l’année suivante. Les Coteaux Dame Palate à Chokier (Flémalle) allaient prendre racine et sont toujours bien portants aujourd’hui.

Ne sachant comment faire du vin, son ami l’entraîne en Alsace apprendre la vinification à la maison Pigato à Riquewihr. Il y retournera d’ailleurs les 28 années suivantes et finit par devenir une sommité locale (voir plus bas).

Le vignoble s’agrandit doucement jusqu’à 1500 pieds sur 25 ares avec du Müller-Thurgau (80%), du Pinot blanc (8%), et, pour le reste, du Gewürztraminer, du Muscat et du Pinot noir à jus blanc, qui lui permettent de produire bon an, mal an 3 à 700 litres de vins qui donnent deux vins blancs “Traditionnelle” et “Blanc de Noirs”.

La parcelle du haut – © Godin

En 2004, un de ses vins est d’ailleurs le premier vin blanc de Wallonie à obtenir l’AOC Côtes de Sambre et Meuse (aujourd’hui AOP).

“Mon père, témoigne Alain Godin, a toujours été un solitaire, mais il était le premier à donner des conseils aux jeunes vignerons qui voulaient se lancer. A l’époque, on nous appelait les “folkloristes”, mais nous en sommes fiers, car sans ces folkloristes, personne n’aurait jamais cru en une viticulture wallonne.

Aujourd’hui, j’espère reprendre le vignoble avec mes fils, confirme-t-il, car il m’a transmis le maximum de ses connaissances. Il pouvait donner un coup de gueule, c’est certain, mais je garderai le souvenir d’un père extrêmement sociable.”

 

Et celle du bas… © Vanel

 

Témoignages

Ayant démarré simultanément ou un peu plus tard, certains vignerons de Flémalle ou de Huy ont bien connu Raymond Godin.

Comme par exemple feu Constant Seba (Clos Saint-Hilaire repris par le petit-fils de Constant) et son fils Jean-Marie (Clos de la Buissière), Camille Delvaux (Clos du Roc, repris en 2014 par Francis Loumaye), Michel Gerson (Clos du Germi repris en 2017 par Raphaël Yans) ou Philippe Légaz (Clos Henrotia, devenu Clos Panou et repris par Michel Soupart).

© Légaz

“J’ai rencontré Raymond Godin en 1991 à une exposition d’artisans à Flémalle, se rappelle Philippe Légaz, lorsque je cherchais quelqu’un pour m’expliquer comment faire du vin. Le lendemain, je visitais sa vigne et sa cave. Il m’a pris sous sa coupe et m’a emmené dans le milieu viticole de Huy qui préparait « l’été du vignoble mosan » en 1992. Il m’a fait participer à toutes les étapes du travail de la vigne et du vin chez lui. Il m’a aussi emmené faire les vendanges en Alsace pendant 7 années consécutives chez Pigato. Là, il était responsable du pressoir et du démarrage des fermentations. La porte du chai restait grand ouverte et les touristes pouvaient voir tout le travail.

J’ai beaucoup ri le jour où des touristes voulaient absolument une photo d’eux avec l’Alsacien typique qu’ils croyaient que Raymond était. Il est vrai qu’il était curieusement équipé. D’abord, sa grosse moustache atypique, sa chemise et tablier de cuir des fondeurs de Cockerill Sambre et surtout un laid chapeau tout mou d’une couleur indéfinissable. Il restera toujours pour moi le maître à penser, jamais avare d’un bon conseil. J’ai eu de la chance de le rencontrer.”

Jean-Marie Seba – © Vanel

Même souvenir chez Jean-Marie Seba à Huy: “C’est grâce à lui (ou bien à cause de lui) que j’ai pris la décision de vinifier en grand volume en mélangeant tous les cépages et fait l’acquisition de mes cuves Inox. Ce qui a grandement participé à l’amélioration de mes vins. Par son intermédiaire, j’ai fait la connaissance de vignerons alsaciens chez qui j’ai trouvé de bons conseils.

Raymond a toujours été très accueillant et a été un des membres créateurs de l’Amicale des vignerons mosans. Il a toujours eu son franc parler et pour lui un chien restait un chien et un chat un chat. Pas de circonlocutions lorsqu’il y avait un problème, il allait directement au but. Ce qui parfois se terminait en conflit – souvent mineur –, mais cela ne durait jamais longtemps.

Que de dégustations homériques avons-nous connues. Et il y a tant d’autres choses que l’on pourrait dire, mais cela ne me vient pas à l’esprit…”

© Gerson

Enfin, pour terminer sans conclure, quelques mots de Michel Gerson, qui a longtemps exploité le Clos du Germi à Amay.

“A Raymond … que dire… Je ne connaissais pas beaucoup Raymond sauf, qu’il était un fervent Vigneron qui avait une connaissance sans aucune défaillance dans le domaine de la Viti et Viniculture… j’aime les Majuscules !

C’est par l’intermédiaire de Philippe Legaz qui m’en a beaucoup parlé…, de son travail, de la qualité de ses crus… que je l’ai connu.  Un jour alors que j’avais un souci de jaunissement des feuilles dans mon vignoble, j’ai eu l’occasion de le rencontrer à deux reprises. La première fois, j’ai été reçu avec une très grande gentillesse et j’ai obtenu les renseignements ainsi que le remède afin de pallier le manque « nutritif » de mes vignes et il m’a offert une dégustation d’un de ses crus…. (blanc et fabuleux).

La seconde fois, c’est lors d’une dégustation à la Foire de Coronmeuse… Raymond m’a reconnu et il s’est arrêté pour déguster et apprécier. Raymond, très intéressé par les uns et les autres, a posé pas mal de questions et ne manquait pas d’apporter des suggestions pour évoluer… Mon seul regret est de ne pas avoir pu partager au moins une vendange avec lui et tous nos Amis Vignerons bien connus sur notre splendide vallée de la Meuse … Bon voyage Raymond…”

Marc Vanel, 24/8/21