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Premier exemple wallon de reconversion d’une ferme en vignoble, le domaine du Ry d’Argent a fêté ses 15 ans en 2020, un anniversaire marqué par la reprise à 100% de sa seconde société BGP depuis le 31 décembre dernier et de nouveaux projets.
Au début des années 2000, alors qu’une trentaine de pionniers cultivaient la vigne en Belgique depuis les années 70, deux initiatives vont accélérer les choses. La création de Ruffus par Raymond Leroy en 2002 et celle du Domaine du Chenoy par Philippe Grafé l’année suivante ouvrent un nouveau tome de la viticulture wallonne.
Le premier prend la voie des cépages classiques (Chardonnay et Pinot noir) pour produire des vins effervescents, le second opte pour des variétés nouvelles qui résistent aux maladies de la vigne et permettent une viticulture plus propre.
Juste à côté du Chenoy, la famille Baele exploitait alors une ferme de cultures et de bovins laitiers depuis plusieurs générations. Le fils de la maison, Jean-François, effectue un stage dans le cadre de ses études d’agronomie dans le vignoble de son voisin et décide lui aussi de planter des variétés résistantes. D’abord un hectare en 2005, puis deux, puis quatre… jusqu’à huit hectares aujourd’hui : le Domaine du Ry d’Argent intègre désormais des cépages traditionnels, comme le Chardonnay ou l’Auxerrois, et a développé une véritable société commerciale à travers une seconde société, BGP.
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Répondre à la demande
Créée avec deux partenaires français en 2015, BGP acheta dès ses débuts des raisins dans d’autres propriétés belges ainsi qu’à l’étranger pour produire un vin destiné à la grande distribution et à l’exportation.
Accusé par certains de faire du « faux vin belge », Jean-François Baele a choisi de reprendre BGP à son nom (c’est officiel depuis la semaine dernière) et de ne plus acheter qu’en Belgique, ce dont on ne peut que se réjouir. « J’ai toujours dit que c’était une solution transitoire, explique-t-il, en attendant de pouvoir planter des vignes supplémentaires ou de créer des partenariats avec d’autres domaines belges. Aujourd’hui, BGP achète l’équivalent de quinze hectares de raisins soit à des viticulteurs qui ont planté pour mon épouse Audrey et moi, ou à qui je rachète une partie de la récolte. C’était important pour nous de tout reprendre pour être 100% maitre à bord, sans autre association, et de faire du 100% belge. ».
Mais ce n’est pas le seul changement pour le Ry d’Argent qui, après quinze ans d’existence, entend passer à un stade supérieur. « Nous avons changé d’œnologue ainsi que d’une partie de l’équipe. La gamme a été revue, elle compte moins de produits différents pour plus de cohérence, avec une nouvelle bouteille unique, un nouvel habillage et surtout de nouvelles recettes ».
Les vins effervescents sont donc réduits à trois (Rosée d’Audrey, Nell et Lisy) tout comme les vins tranquilles dans chaque couleur. « J’ai atteint un niveau, constate Jean-François, mais je peux faire beaucoup mieux, je voulais me remettre en question. Cela a nécessité d’importants investissements –je finance tout moi-même sans aucun actionnaire, insiste-t-il – au niveau de la cuverie ou du matériel (pressoir pneumatique, filtre tangentiel,…). »
Son secret pour les prochaines années : la constitution, comme en Champagne, de vins de réserve élevés en barriques et surtout une nouvelle recette qui lui est propre et lui permettra de se démarquer. « Je n’utilise pas uniquement les trois cépages traditionnels du champagne, mais je suis en mesure de proposer des assemblages de 6 ou 8 cépages qui pourront varier au fil du temps et donner un produit unique, de haute qualité, avec une reproductibilité gustative d’année en année meilleure que dans le passé. C’est un énorme travail, mais les résultats sur le millésime 2019 (qui sortira fin 2021) sont magnifiques, un cap est passé et je suis convaincu d’être dans le bon. »
Prestations à la carte
Jean-François continuera à travailler pour une dizaine d’autres vignobles actuellement mais, et c’est aussi l’expérience de ces quinze ans qui le lui a appris, avec des contrats et un cadre strict. Et pour répondre au mieux à la demande actuelle, il a décidé de ne plus prendre de nouveau client en prestation de services.
« Chez moi, j’ai sept cépages (Regent, Cabaret noir, Cabernet Jura, Dornfelder, Solaris, Auxerrois, Chardonnay) et chez mes clients ont été plantées des variétés favorisant le modèle économique des vins effervescents. J’ai aussi planté trois petites parcelles au Domaine de Ronchinne (ex-Château de la Poste) qui ont été converties en bio. Au Ry d’Argent, je ne pulvérise plus au sol depuis longtemps, j’ai encore quelques points à régler pour une conversion mais j’y pense. Il faut vivre avec son temps, je ne pousse pas mais je n’ai rien contre. »
Et les prochaines années ?
« Durant ces 15 ans, je me suis embarqué dans beaucoup trop d’histoires, conclut-il avec lucidité, heureusement que j’étais bien entouré (mon épouse a un rôle important) et que je n’ai pas perdu de plumes. Aujourd’hui je mets des pare-feu et je fais des choix. Je vais profiter des cinq prochaines années pour préparer mon vieux projet : élaborer des vins de qualité et faire du Ry d’Argent un incontournable et moins travailler pour les autres, travailler pour nous. Je m’apprête aussi à un grand développement vu l’évolution du vignoble wallon, dont je suis d’ailleurs responsable en appuyant des partenaires planteurs dans leur projet, mais je peux absorber 100ha de vignes dans la cuverie, je suis prêt. »
Marc Vanel, 04/01/21
Egalement paru dans la DH du 3/1.