Depuis dimanche dernier, les températures en Belgique sont inférieures aux normes de saison, surtout la nuit où le mercure est descendu à -3,6 dans l’est du pays, provoquant des dégâts dans les vignobles.

Depuis dimanche, les vignerons belges ne dorment plus beaucoup, car ils doivent se lever vers 3 ou 4h du matin pour aller allumer des bougies « stop gel », ou de la paille notamment,  dans leur vignoble. Le but: réchauffer l’air et créer un écran de fumée contre le froid. Mais sachant qu’il faut 150 à 250 bougies par hectare et que celles-ci coûtent 10 euros environ pour deux nuits, cela peut vite chiffrer.

D’autres ont choisi les éoliennes ou des canons à chaleur, mais l’impact financier est encore plus important (voir mon article sur le sujet : ICI).

La période dite des Saints de glace est la dernière période de l’année où des gelées tardives peuvent se produire, généralement du 11 au 13, voire au 15 mai, dates qui correspondent à celles des saints Mamert, Pancrace et Servais sur le calendrier des croyances populaires. Un dicton populaire prétend que « Saint-Servais, Saint-Pancrace et Saint-Mamert font à trois un petit hiver ». Mais qui furent-ils ?

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Montage : Mamert (domaine public), Pancrase (Didier Descouens – CC BY-SA 4.0) et Servais (Photo: Otter, CC BY-SA 3.0)

Trois ou cinq ?

Célébré le 11 mai, saint Mamert fut évêque de Vienne (en France, pas en Autriche), mort en 475 et considéré comme saint par l’église catholique. Il a institué les Jours des Rogations pour mettre fin à une série de calamités naturelles qui ravageaient les cultures à l’époque. Un autre dicton prévient: « Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace ». Ce qui s’est révélé exact, car dans la nuit de dimanche 10/5 au lundi 11/5, les températures ont fortement chuté entraînant la mobilisation des viticulteurs, et même des agriculteurs en général. De nombreux fruitiers ont perdu des plumes…

Le lendemain, 12 mai, à la Saint Pancrace (du nom d’un enfant martyr décapité à 14 ans à Rome en 304 pour des raisons de religion), le gel s’est généralisé au sud du Sillon Sambre-et-Meuse. Le thermomètre est descendu à -3,6°C à Elsenborn, ce qui n’était plus arrivé depuis 1987, et même à -4° du côté de Stavelot ou Malmedy.

Hier, 13 mai, c’était donc la Saint Servais, du nom d’un évêque de Tongres décédé en 384, invoqué « contre les rhumatismes, les fièvres, pour le bon succès des entreprises et pour préserver le bétail de la fièvre aphteuse ». La mobilisation des vignerons fut complète aux quatre coins de la Belgique où l’on enregistra un peu partout des températures entre -1,5 et -3,6°C. « Avant la Saint Servais, point d’été », cela ne rime pas, mais tant pis…

Le 14 mai, « Le bon saint Boniface entre en brisant la glace », mais est-on pour autant à l’abri des gelées ? Pas sûr, car le 15 mai, voilà qu’arrive sainte Sophie, martyre suppliciée à Rome vers 137, surnommée « Kalte Sophie » (la Froide Sophie) et encore toujours célébrée en Moselle ou en Allemagne qui considère d’ailleurs que la période dite des Saints de glace, « Eisheilige » s’étend du 11 mai au 15 mai inclus.

Et attention, car le 20 mai, « S’il gèle à la Saint-Bernardin, adieu le vin ».

Dégâts

Entre feux de paille et bougies, la mobilisation des vignerons wallons et flamands a été totale cette semaine, mais, même s’il est un peu tôt pour un premier bilan, il faut toutefois déplorer des dégâts dans le bas de certaines parcelles moins bien protégées, de 10 à 50% selon les cas. Surtout dans le Limbourg, où plusieurs hectares sont d’ores et déjà perdus.

Après le gel, il n’y a plus grand chose à faire. Toutefois vu que la végétation est en avance d’une à deux semaines et donc plus touffue qu’à l’habitude, il se peut que seul le sommet de la vigne ait été touchée et les grappes du bas préservées. De nouveaux bourgeons peuvent éventuellement repartir, mais ceux-ci ne sont pas toujours fructifères et viendront à maturité avec retard.

Bonne m… à tous pour les trois prochaines nuits…

Marc Vanel – 14/05/20
Photo: Clos Lognay à Bolland (Herve)