L’appellation Terrasses du Larzac produit des vins débordant de fruit et et de fraîcheur, c’est l’une des plus créatives du Languedoc. Entretien avec le président de l’appellation, Sébastien Fillon, lors de la Soulenque en octobre dernier.

A 50 km au nord-ouest de Montpellier, entre Lodève et Clermont-l’Hérault, les vignes de l’appellation Terrasses du Larzac ne sont pas, contrairement à leur nom, situées sur le plateau du Larzac, mais bien sur ses contreforts et sur les terrasses géologiques qui se succèdent jusqu’au fleuve Hérault.

Cette région bénéficie d’une grande diversité de terroirs permettant de produire une grande diversité de vins, ce qui a attiré … une grande diversité de vignerons, notamment ceux que l’on qualifie de néo-vignerons, des citadins qui ont quitté leur job pour se reconvertir dans la viticulture, comme par exemple Sébastien et Bétrice Fillon qui se sont installés à Saint-Jean de la Blaquière en 2006 et ont racheté le Clos du Serres.

« Nous sommes ici, explique Sébastien, dans un axe nord-sud entre Agde (au bord de la Méditerranée – ndla) et la chaîne des Puys en Auvergne où les volcans sont bien plus jeunes. On voit très clairement cette ligne sur les cartes géologiques, sur quelques dizaines de kilomètres. Au bord du Lac Salagou, le Mas des Chimères est un des rares vignobles sur sols volcaniques, alors qu’ici c’est plutôt des petits galets charriés par la rivière proche.

Nos murs sont d’ailleurs construits avec des pierres extraites de la parcelle voisine… Si dans le Languedoc, les domaines viticoles ont leurs vignes autour de leur maison, ici, elles sont dispersées un peu partout. Nous ne sommes pas dans un clos au sens strict, mais « serres » veut dire montagne en occitan et les montagnes forment bien un cirque. C’est mon prédécesseur qui a donné le nom à sa cave particulière qu’il a montée en 2000 et qu’il nous a revendue en 2006. »

Les quinze hectares actuels de vignes se répartissent sur 17 ou 18 parcelles, n’est-ce pas trop difficile à travailler ?

« Pour certaines choses, peut-être, répond Sébastien, mais pas pour tout. Par exemple, quand tu vas dans une parcelle, tu y restes pour un certain temps. Par ailleurs, toutes ces parcelles ayant des sols variés, cela permet d’avoir un même cépage sur plusieurs sols très différents. 

Nous sommes ici à 150m d’altitude mais dans l’appellation, les dernières vignes se situent à 400m ou 450 m d’altitude. Il n’y a pas  de vignes sur le plateau du Larzac. Olivier Jeantet en avait plantés il y a une quinzaine d’années, mais en 2011, il a fait très froid là haut (-10/-15°C) et les vignes n’ont pas tenu. »

 

Les célèbres ruffes rouges autour du Lac Salagou

 

Un collectif dynamique

Présente depuis l’époque romaine et décimée par le phylloxera fin 19e siècle dans le Languedoc, comme ailleurs, la viticulture renaît au 20e siècle et les vins seront longtemps diffusés sous le nom de « Coteaux du Languedoc » ou « Languedoc » tout court, c’est encore le cas pour les blancs aujourd’hui.

Le 26 juin 2014, l’INAO reconnaît les Terrasses du Larzac comme AOC (devenue AOP) à part entière. Elle consacre ainsi la reconquête de la dignité d’un territoire et la définition d’une esthétique commune. L’aire d’appellation rassemble une centaine de producteurs qui entretiennent plus de 700 hectares de vignes, dont 70% cultivés selon le cahier de charges de l’agriculture bio.

Neuf cépages noirs sont acceptés : quatre principaux – Grenache, Syrah, Mourvèdre et Carignan, et cinq accessoires – Cinsault, Counoise, Lledoner Pelut (une mutation velue du Grenache noir), Marrastel et Terret. L’assemblage de trois cépages au moins est obligatoire (c’est la seule appellation du Languedoc à l’imposer), dont au moins deux principaux, et ils doivent composer (ensemble) au moins 75% de l’assemblage.

Pour l’heure, seuls les vins rouges sont acceptés dans l’AOP, pour les blancs, il va falloir attendre un peu ; histoire de s’accorder sur les variétés autorisées.

« Je ne pense pas que l’on retiendra le Viognier pour les blancs : non seulement il est trop aromatique, mais il faudrait le ramasser vers le 10 ou 15 août pour conserver de la fraîcheur. Pas le Muscat non plus, ni le Chardonnay ou le Sauvignon, qui ne sont pas de la région. Plusieurs  variétés seront retenues telles que Grenache blanc et gris, Carignan blanc et gris, Marsanne, Roussanne, Rolle, Picpoul, Terret et un cépage qui n’est pas de la région mais qui s’est acclimaté depuis une quarantaine d’années : le Chenin. Autour de St Saturnin ou Jonquières, cela marche plutôt bien, il ne va pas marquer l’aromatique et il est très bien pour tenir les vins.

Le rosé enfin, n’est pas prévu dans les projets, car il est compliqué d’avoir un dénominateur commun dans tout ce qu’il se fait. Cabrières serait légitime en rosé, mais nous n’avons pas cette histoire. »

 

Sébastien Fillon dans sa parcelle des Maros en octobre 2022 – © Vanel

 

Une identité forte

Mais en rouge alors, qu’est-ce qui fait l’identité des Terrasses du Larzac ? « Tout d’abord une identité languedocienne, explique Sébastien Fillon, par les cépages, par le climat. Une certaine générosité et une puissance dans les vins, mais tempérées par notre micro-climat plus frais, avec plus de précipations. Quand il y a des entrées maritimes, les nuages ont tendance à se caler sur la montagne, cela donne des vins plus équilibrés entre puissance et fraîcheur.

Les profils des vins sont différents, grâce à nos sols très variés. Schiste ici et calcaire à Jonquières, par exemploe. Les vins du Clos sont charmeurs assez vite, alors que des sols calcaires demandent un élevage plus long. Notre point commun : l’équilibre entre générosité et fraîcheur.

On nous compare souvent avec notre voisin du Pic Saint-Loup (qui a une base de Syrah plus importante), mais nous avons plus de libertés dans les assemblages et cela permet davantage de créativité. Et il pleut un peu plus chez eux.. Cela étant, toutes les belles appellations du Languedoc sont sur ces coteaux. Des Cévennes au Pic-Saint-Loup, ici, Cabrières, Faugères, Saint-Chinian etc, c’est sur ces montagnes qu’on fait les jolis vins. »

 

“C’est sur ces montagnes qu’on fait les jolis vins…”

Melting Pot

Avec 25 néo-vignerons (en reconversion professionnelle) et 35 « nouveaux arrivés » dans l’appellation depuis 2014, Terrasses du Larzac regorge de jeunes talents créatifs, mais tout est à faire. « En effet, relève le président, notre plus grand défi et d’abord la notoriété. Depuis 2014, on nous connaît dans l’Hérault ou plus largement en Occitanie, mais plus haut, c’est moins évident. Ceux qui lisent la presse du vin nous connaissent, mais après, il y a encore du boulot… Les cavistes sont nos ambassadeurs mais nous devons  encore progresser pour plus de notoriété.

Nous sommes de plus en plus nombreux dans l’appellation, il faut que chacun trouve sa place. Le rôle du syndicat n’est pas de vendre des bouteilles mais de favoriser la notoriété. »

Si la notoriété individuelle de certains, comme Mas Jullien ou Cal Demoura, Montcalmes, Chabanon…)  a bien sûr aidé à promouvoir l’appellation en mettant Terrasses du Larzac sur leurs étiquettes, ceux-là ont aussi cru à la force du collectif en faisant naître un véritable esprit du Larzac.

Et Sébastien Fillon d’ajouter, « notre enjeu est de continuer ce jeu collectif avec 100 personnallités. Chacun sait ce que l’on a à gagner ensemble. Tout le monde a connu avant et sait ce que cela peut apporter en étant exigeant sur la qualité de ce que l’on fait, dans une dynamique positive et une émulation qui nous font avancer tous dans le même sens. »

Le slogan du syndicat, « On vient pour la nature, on reste pour les hommes », prend ici tout son sens.

A suivre le mois prochain : Ces étrangers qui font les Terrasses du Larzac

> Les vins des Terrasses du Larzac sont disponibles en Belgique, notamment à La Cave des Oblats à Liège, Rob Cellar à Bruxelles ou les Vins Brunin-Guillier à Tournai.

Marc Vanel, 26/1/23