L’Association des Vignerons de Wallonie demande une « modification non mineure » des cahiers de charges des quatre appellations wallonnes mises en place en 2004 et 2008 par les ministres régionaux compétents en la matière. Les projets sont à l’enquête publique et offrent quelques changements effectivement « non mineurs ».
.
Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, remontons à la fin des années 1990 avec la mise en place des premières appellations flamandes : la BOB Hageland en 1997, modifiée en ’99 et la BOB Haspengouwse Wijn en 2000. A l’époque, la nouvelle viticulture wallonne était balbutiante, ou du moins non professionnelle, même si on se doit bien sûr de relever quelques initiatives notables du côté de Huy ou du Domaine de Mellemont à Thorembais, l’un des pionniers.
Le Vignoble des Agaises est créé en 2002, le Domaine du Chenoy en 2003, tous deux vont donner une impulsion remarquable à l’activité viti-vinicole en Wallonie. Pour accompagner ce renouveau, la Fédération belge des Vins et Spiritueux (présidée par Philippe Grafé à l’époque) et son secrétaire Jean-Jacques Delhaye vont s’activer pour que la Région wallonne vote les premières appellations, même si les vignobles dignes de ce nom ne se comptent alors que sur les doigts d’une ou deux mains.
Les deux premiers textes légaux se rapportent aux vins tranquilles (sans bulles donc) en 2004 avec l’AOC Côtes de Sambre et Meuse (CSM) et l’IGT Vin de Pays des Jardins de Wallonie, qui deviendront respectivement AOP et IGP conformémement à la modification de la législation européenne.
Avec le succès des vins mousseux, la Flandre se dote d’une IGP Vlaamse mousserende kwaliteitswijn en 2005 et d’une seconde pour les vins de pays, « Vlaamse Landwijn ».
Un peu plus tard en 2008 – c’est normal car il n’y a pas encore grande production, la Wallonie se met au diapason et vote les appellations « Crémant de Wallonie » et « Vin mousseux de qualité supérieure ».
Changements ou refonte ?
A la demande de l’Association des Vignerons de Wallonie (qui n’existait pas au moment de ces votes), des modifications sont aujourd’hui proposées pour les quatre appellations wallonnes. Après de longs mois de discussions en interne de l’AVW, les projets de texte sont actuellement à l’enquête publique, annoncée au Moniteur dans les trois langues (Moniteur belge 18.02.2020, pp 9786s). Les textes sont consultables au Service public de Wallonie – Agriculture Ressources naturelles Environnement à Namur, sur place, et les commentaires éventuels peuvent être envoyés jusqu’au 18 avril 2020.
Que disent ces projets d’appellations ? De manière générale, pour les 4 textes, les modifications portent essentiellement sur la description et les spécificités du produit, la méthode de production, l’étiquetage, le lien entre le produit et le terroir et, surtout, le changement de nom de la dénomination « Vin de Pays des Jardins de Wallonie » en « Vin de Wallonie » ainsi qu’une « restriction de nature géographique portant sur le conditionnement en ce qui concerne la dénomination Crémant de Wallonie ». L’idée générale, fort louable même si difficile, a été de dégager une spécificité du terroir wallon, c’est une belle avancée.
Pierre Rion, président des Vignerons wallons, le souligne : « Les appellations doivent être vivantes. Le vignoble est nouveau, nous devons avoir des appellations “agiles” comme on dit dans la technologie, qui doivent évoluer avec le vignoble. Le principal défi demeure toujours pour moi de bien faire comprendre au consommateur lambda que lorsqu’il voit une appellation, il est certain de l’origine (wallonne) du produit, tant dans le raisin que dans le mode d’élaboration. »
AOP Côtes de Sambre et Meuse
Une des grandes innovations de la nouvelle AOP est l’ouverture de l’AOP aux cépages résistants : près de 20 ! La liste complète devrait dès lors devenir la suivante (astérisque = bientôt autorisé) : Acolon*, Auxerrois, Bronner, Cabernet blanc*, Cabernet Cortis*, Cabernet Dorsa*, Cabernet Jura*, Cabaret Noir*, Cabertin*, Chardonnay, Chasselas, Chenin, Dornfelder*, Gamaret*, Gamay, Garanoir*, Gewürztraminer, Helios*, Johanniter, Kerner*, Madeleine Angevine, Merlot, Merzling, Müller-Thurgau, Muscat, Muscaris*, Optima*, Ortega, Phoenix*, Pinot blanc, Pinot gris, Pinot noir, Pinot noir précoce, Pinotin*, Regent, Riesling, Rivaner, Rondo*, Saint Laurent*, Seibel, Sieger, Solaris*, Souvignier gris*, Traminer.
Par ailleurs, il sera aussi désormais autorisé, comme c’est le cas pour les Crémants depuis 2008, d’ajouter une sous-dénomination géographique selon la province et les communes. Par exemple, CSM Pays du Centre, CSM Gaume, CSM Hesbaye-Meuse, etc.
Si l’initiative a du sens, certaines communes qui étaient autorisées à ajouter cette précision pour leur Crémant, ne sont pas prévues dans la liste proposée à modification pour l’AOP. Sans doute une question de bassin hydrographique de la Meuse ou de la Sambre.
Le plus étonnant dans cet avant-projet est peut-être le §7 de l’article 11 qui précise que « La mention relative à l’indication de la teneur en sucre du vin est obligatoire » sur la contre-étiquette. L’idée est sans doute d’éviter que certains compensent des défauts par le sucre, mais c’est à vérifier. L’article 14 détaillant les « critères physico-chimiques » n’est-il pas suffisant? Par ailleurs, si l’Europe se prépare à obliger ses vignerons à détailler la composition détaillée du vin sur son étiquette comme pour tout produit alimentaire, ce n’est pas encore prévu ici.
IGP Vin de Wallonie
Une très bonne nouvelle : le nom de l’IGP Vin de Pays des Jardins de Wallonie, que personne ne retenait, devient « Vin de Wallonie ». L’ancien Article 3 qui indiquait que la récolte pouvait venir de n’importe quel cépage pourvu qu’il pousse en Wallonie et qu’il appartienne à l’espèce Vitis Vinifera ou provienne d’un croisement avec d’autres espèces du genre Vitis, cet article est remplacé par une liste de cépages utilisables encore plus large que celle de l’AOP CSM.
Par contre, si auparavant la totalité des vins devaient être issus de vendanges récoltées en Région wallonne, il sera désormais autorisé d’incorporer 15% d’une autre région belge. Cela peut surprendre, mais cela permettra aux vignerons d’acheter un peu de raisins chez nos voisins flamands en cas de très mauvaise récolte.
Enfin, également au registre des nouveautés, « l’indication du millésime du vin (sur l’étiquette) est facultative », ce qui signifie implicitement que des assemblages de diverses années sont possibles.
AOP Crémant de Wallonie
Plusieurs changements notoires. La vendange est désormais uniquement manuelle. Tout le monde respectait cette contrainte, même si en réalité, vérification faite, ce n’était PAS repris dans le cahier de charges de 2008.
Et les cépages autorisés ne sont plus uniquement les quatre cépages champenois classiques (Chardonnay, Pinots noir, blanc, meunier) mais bien tout ceux de l’AOP Côtes de Sambre et Meuse (45 variétés), car ce sont ces vins-là qui servent de base pour élaborer les crémants. Logique.
Seuls des raisins provenant de Wallonie peuvent être utilisés et toutes les « opérations de conditionnement antérieures à l’habillage ont lieu en Belgique. » Pas de prise de mousse à l’étranger, comme cela se pratiquait autrefois. Enfin, la durée du vieillissement est de neuf mois minimum à partir de la fermentation destinée à la prise de mousse.
AOP Vin mousseux de qualité de Wallonie
Mis à part le type de vendanges (la machine est ici autorisée), les différences avec le Crémant sont minimes : six mois minimum de vieillissement en cas de seconde fermentation en cuve close (non autorisée pour le Crémant) ou neuf mois en bouteille. Mêmes cépages et pour le reste quelques détails, mais minimes ou trop techniques pour être détaillés ici.
Après la période d’enquête publique de deux mois, les amendements seront compilés et un délai de recours au Conseil d’État sera observé avant de présenter le texte au Parlement wallon, puis à l’Europe avant de s’appliquer réellement chez nous. Encore quelques mois, voire une année, avant l’entrée en vigueur donc.
Marc Vanel, 270220