De plus en plus de vins sont produits sans adjonction de sulfites. Dégustation de quelques échantillons.

Lorsque les raisins sont pressés pour faire du vin, leur jus contient une flore biologique variée qui contient notamment des bactéries et des levures naturelles. Pour éviter que ce jus ne se transforme en vinaigre, le vigneron ajoute du dioxyde de soufre, aussi appelé « anhydride sulfureux », ce qui va le protéger de l’oxydation.

Utilisé pour désinfecter les barriques mais surtout à assurer la conservation du vin lors de sa mise en bouteille, surtout sur de longues distances, le soufre pose problème quand il est utilisé à outrance. Car si autrefois les Romains utilisaient du soufre de volcan pour protéger leurs vins, notamment celui de l’Etna, les ressources ont rapidement été insuffisantes par rapport à la demande de la production contemporaine de vins.

Aujourd’hui, la majorité du soufre utilisé provient donc du raffinage du pétrole avec, notamment, de l’acide sulfurique. Et si théoriquement une dose de 10 à 30 mg/litre de vin devrait être suffisante, il n’est pas rare de trouver des doses de 150 à 200 mg/l dans les vins blancs et rouges conventionnels, voire 350 à 400 mg/l. dans les vins de type Sauternes.

Consommé dans le vin, le soufre n’est pas dangereux pour la santé, mais plus sa quantité est élevée, plus le consommateur a des chances de développer des réactions allergiques. Toutefois la migraine ne provient pas du soufre mais bien de l’alcool qui dilate les vaisseaux sanguins au niveau du crâne provoquant ainsi des maux de tête chez de nombreuses personnes.

Nature

Avec le succès croissant des vins bio et biodynamiques, les quantités de soufre admises dans le vin ont été revues à la baisse dans les pratiques. Pour Demeter par exemple, qui certifie les pratiques en biodynamie, un vin rouge sec ne peut contenir plus de 70 mg/l de SO2, contre 100 dans le règlement bio ou 150 dans le « conventionnel ». Cette proportion est relativement identique dans les vins d’autres couleurs et types.

D’autres ont voulu aller plus loin dans la démarche et ont banni toute espèce d’additif pour produire des vins « nature ». Avec la recherche d’un goût originel ou « naturel » du vin et un retour aux pratiques œnologiques anciennes. L’idée principale est de ne rien ajouter lors de la vinification, et surtout pas de sulfites, et de laisser le vin se faire tout seul. Ou quasiment. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, et le débat est loin d’être clos…

Dégustation

Pour évaluer l’impact de l’absence de sulfites ajoutés, une quinzaine de vins ont été dégustés et comparés. De manière générale, l’expérience est concluante. Les vins sont pour la plupart de qualité, non déviants (c’était un risque). Les goûts sont plus purs et le degré d’alcool est similaire aux « sulfités », mais ces vins, surtout les blancs, semblent manquer d’un peu de corps et de longueur, difficile d’expliquer pourquoi.

Dans la pratique, voici six vins qui tiennent parfaitement la route.

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Une bulle pour démarrer : le Prosecco Frizzante d’Anno Domini vendu chez Carrefour au prix de 7,15€. Il a été produit selon la méthode en cuve close avec des temps de prise de mousse plus courts que pour un vin spumante. Léger, un rien trop sucré, il sera servi bien frais dès que l’été revient.

Un blanc ensuite, le Mâcon Villages 2016 de Bruno et Isabelle Perraud, un étonnant Chardonnay non filtré, superbement parfumé (agrumes, pamplemousse) que personne ne songerait à placer dans le sud de la Bourgogne lors d’une dégustation à l’aveugle. Remarquable ! Vendu par « A Taste Affair » à Gand (21,50€).

Plus bas, dans le Rhône, le Belge Dirk Vermeersch produit une large gamme qui laisse régulièrement place à l’innovation. Le dernier né : Super Light Orange, un vin obtenu en vinifiant des raisins blancs de Viognier comme si c’était un vin rouge. Un vin naturel, bio, vegan et sans SO2 bien sûr. Très original et vif. A prendre comme curiosité ou pour dérouter vos invités. En vente chez Magnus Zaventem à 8,95€.

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Trois rouges aussi. Un autre vin de la vallée rhodanienne tout d’abord, le Beaumes de Venise 2016 de la coopérative Rhonea, un vin rouge simple, sans chichis qui se se laisse déguster sans problème et plutôt gouleyant (Colruyt, 8,19€).

Le Clos des Fous 2013 élaboré au Chili par 4 « fous » dont deux Français. Un étonnant assemblage de Malbec (45%) complété par du Carignan, de la Carmenère, de la Syrah et du Paìs. On le voit, l’absence de sulfites n’a pas empêché le vin de vieillir ni de voyager. Au diable, les préjugés. Vendu par Ad Bibendum à 18,05€ (St-Trond, Anvers).

Enfin, le meilleur vin de la dégustation, la cuvée La Touge 2016 du Château Maris en AOP Minervois-la-Livinière dans le Languedoc. Une pure merveille de Syrah/Grenache qui sent bon la garrigue, les fruits noirs et les épices. Un vin généreux et frais comme on les aime et un exemple plus que réussi de vignoble biodynamique cultivé sans intrants chimiques. A découvrir chez Mig’s World Wines au prix de 16,00€ (Bruxelles).

Marc Vanel, 25/12/19

(article également paru dans la DH en avril 2019)