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Avec la fin de la conversion bio du Mas Sainte-Berthe prévue en 2022, l’appellation des Baux-de-Provence sera la seule AOP 100% bio de France. Et peut-être la plus féminine aussi.

Distinguée dans les années 50 comme « vin délimité de qualité supérieure » (VDQS, aujourd’hui IGP), puis rattachée à l’AOC Aix-en-Provence, l’AOC Baux-de-Provence a été officialisée en 1995 pour ses vins rouges et rosés, puis en 2010 pour ses blancs. Et entre-temps, les AOC sont devenues des AOP.

Nous sommes ici au cœur des Alpilles, dans l’un des deux villages de France les plus visités. En effet, si les Baux comptent moins de 400 habitants, plus d’un million et demi de touristes, dont beaucoup de Belges, y déambulent chaque année.

En plus de la commune des Baux, l’aire d’appellation couvre sept autres communes (Eygalières, Fontvieille, Mouriès, Maussanne-les-Alpilles, Le Paradou, Saint-Étienne-du-Grès et Saint-Rémy-de-Provence). On y dénombre dix domaines viticoles pour un peu moins de 250 hectares. D’autres domaines existent bien sûr, la région est riche, mais tous ne souhaitaient pas faire partie de l’appellation (comme Trévallon ou Henri Milan) ou en sont sortis.

Les vins rouges constituent 53% de la production contre 39% de rosés (on n’est pas en Provence pour rien) et 8% de blancs. Quasiment chaque domaine possède ses champs d’oliviers et produit donc de l’huile d’olive qui bénéficie elle aussi d’une AOP spécifique, la Vallée des Baux-de-Provence.

Organisé début octobre, juste avant le semi-reconfinement, un winetrip de trois jours m’a permis de visiter les dix vignobles membres de l’AOP. Une belle expédition présentée en deux épisodes.

 

Mas de la Dame – © Vanel

Le Mas de la Dame

A un quart d’heure de la gare d’Avignon, le Mas de la Dame à Mouriès se dresse au cœur d’un vaste domaine de 300 hectares dont 57 de vignes d’un seul tenant et 28 d’oliviers. La propriété résume à elle seule le terroir des Alpilles, avec un soleil généreux (mais jamais trop chaud), qui concentre naturellement les vins et le mistral qui favorise le maintien sanitaire des raisins.

Bâtie par un arrière-grand-père négociant en vins en 1903, Auguste Faye, la propriété est gérée depuis 1995 par Caroline Missoffe (actuelle présidente de l’appellation) et sa sœur Anne Poniatowski (élue maire des Baux en 2020) qui se partagent le travail technique et commercial.

Premier domaine viticole et oléicole de la Vallée des Baux, le Mas de la Dame est certifié bio depuis 2003 et, au fil des années, a notamment fait appel aux services éclairés de Jean-Luc Colombo (à Cornas dans le Rhône) qui a introduit de nouvelles cuvées, et a confié au Bourguignon Jean-Claude Podechard la direction du chai et de la vinification.

 

Caroline Missoffe et ses vins

 

Le domaine dispose d’une vaste gamme de cépages, les traditionnels Grenache, Mourvèdre, Syrah et Carignan en rouge mais aussi du Cabernet Sauvignon (très répandu dans l’appellation) ou, plus récemment de la Counoise. En blanc, on trouve du Rolle (Vermentino), de la Roussanne, de la Marsanne, de la Clairette, le duo Sauvignon-Sémillon ou encore du grenache blanc.

Cette variété permet aux deux sœurs de présenter 14 vins aux profils bien tranchés d’où ressortent les cuvées-signature de « La Stèle » dans les deux couleurs, le Coin caché (85% Grenache et 15 Syrah) et surtout « Vallon des Amants » dont la Syrah est en partie vinifiée en macération carbonique. (Importation : P. & A. Gelin, Assenmaker – Infos : masdeladame.com)

 

Mas Sainte-Berthe – © Vanel

Mas Sainte-Berthe

Dernière propriété à entamer sa conversion vers le bio, le Mas Sainte-Berthe vient de changer de chef de culture. Formé au Château Romanin, Eduardo Pincheiro succède donc à Christian Nief à la tête de ces 40 hectares de vignes et d’oliviers.

Racheté à « Vergers de Provence » en 1950 par Louis David, le domaine a d’abord produit du raisin de table et des abricots, avant de planter ses premières vignes en 1962. Quelques années après son décès, le domaine passe en groupement foncier agricole (GFA).

 

Eduardo Pincheiro et Christian Nief – © Vanel

 

Depuis 35 ans, le Mas Sainte Berthe s’est engagé dans une agriculture raisonnée de plus en plus respectueuse de l’environnement, de la faune auxiliaire et du consommateur. Le travail du sol mécanique, le choix de la fumure organique, la suppression de la désinfection chimique des sols, un repos pendant 6 ans avant la replantation sont les pratiques inscrites dans son cahier des charges.

Onze cépages (5 blancs et 6 rouges) entament donc leur conversion et donneront naissance à de nouveaux styles de vins à découvrir dans quelques années. Et si vous passez par là, il y a un chouette circuit pédestre de 1,6km à parcourir. (Importation : goorden-wine.com)

 

Baumanière

Hôtel Relais & Châteaux 5 étoiles et restaurant triplement étoilé de 1954 à 1990, l’Oustau Baumanière a récupéré sa troisième étoile cette année. Le petit-fils du fondateur du lieu, Jean-André Charial, fut l’un des promoteurs de la viticulture bio dans la région, notamment avec Jean-Pierre Peyraud qu’il a aidé en 1988 à créer (et à diriger) Château Romanin. Il a également été président de l’appellation de 1999 à 2012.

Depuis 2001, Charial élabore son propre vin avec des raisins cultivés en biodynamie au Domaine de Lauzières avec les conseils techniques e.a. de Jean-Pierre Perrin ( Beaucastel). La base de « L’affectif » est issue de vieux Grenaches et se déploie tout en finesse et puissance. Mais il est difficile d’en trouver ailleurs qu’au restaurant… A découvrir. (Infos : laffectif.com)

 

Eve Cartier et le Mas de Gourgonnier

Mas de Gourgonnier

Certifié Nature & Progrès et Ecocert depuis 1975, le Mas de Gourgonnier est dirigé aujourd’hui par Eve Cartier, 5e génération de la famille, et comprend 45 hectares de vignes et 20 d’oliviers. La production d’amandes et d’abricots est quant à elle en déclin car de moins en moins rentable.

Etonnamment très connu aux Etats-Unis, le Mas de Gourgonnier l’est beaucoup moins dans son propre pays. Pourtant, sur les huit vins dégustés, aucun ne déçoit. Certains sortent en IGP Alpilles, mais tant le Rouge Tradition que le très gourmand Rosé Tradition valent le détour.  Tout comme le Rouge sans soufre qui allie à parts égales Grenache, Syrah, Carignan et Cabernet Sauvignon. Une réussite complète avec une superbe acidité et un style original. Prix départ cave : 10,30€, avis aux importateurs.

 

Une partie des 60 cuves ovoïdes du domaine de Lauzières – Les barriques sont celles de Baumanière (voir plus haut) – © Vanel

Domaine de Lauzières

Créé en 1677, ce domaine, qui compte aujourd’hui 31 ha de vignes, 25 d’oliviers et 13 de garrigue, est le plus ancien des Alpilles. Il a connu plusieurs propriétaires et a été racheté en 1992 par Gérard Pillon et Jean-Daniel Schlaepfer aux héritiers de la famille Boyer.

En 2011, Christophe Pillon reprend l’ensemble des parts de son père et de son associé et engage le domaine dans l’agriculture biodynamique qui sera certifiée Demeter en 2015. Il décide aussi de développer le Grenache et le Petit Verdot qu’il vinifie en cuves inox (une cuve par cépage) et dans une soixantaine d’œufs en béton sous la supervision de l’œnologue Noemi Schudel. Clairette, Syrah et Mourvèdre sont bien sûr ici aussi présents.

 

Une gamme originale à importer ! © Vanel

Et le résultat est tout bonnement bluffant, les vins élégants, le fruit est pur, les trames de tanins sont savoureuses et l’acidité des rouges est superbe. Que demander de plus ?

Le Sine Nomine 2005 assemble 80% de Petit Verdot et de 20% de Grenache, ce pourrait être le fleuron du vignoble, sauf que tous les autres vins sont eux aussi de franches réussites. Aucun importateur belge pour l’instant, mais cela ne devrait pas tarder.

Marc Vanel

Seconde partie : ICI.