Entre Schengen et Wasserbillig, le long de la Moselle, 350 vignerons grands-ducaux se partagent un vignoble de 1300 hectares qui s’étire sur 42 km. Si l’écrasante majorité d’entre eux travaillent pour des coopératives, 60 seulement élaborent leurs vins en toute indépendance. Bernard-Massard est le plus grand de ces « petits », il vend un tiers de ses bulles en Belgique. Rencontre avec son directeur-général.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Jean Bernard, un Luxembourgeois parti se former à l’œnologie en Champagne, revient au pays pour appliquer son savoir-faire aux vins locaux mais, ne détenant pas de vignobles, il achète des raisins à d’autres vignerons luxembourgeois et importe « gazlement des raisins italiens et espagnols pour élaborer, dès le début, des effervescents. Habile négociant, il confie la présidence de la société à Bernard Clasen qui possédait un vignoble, le Clos des Rochers, à deux pas de l’entreprise installée à Grevenmacher. A la mort de Jean Bernard dans les années 30, son épouse, Mme Massard confie les rênes de la société à la famille Clasen, toujours en place.

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Après la Seconde Guerre mondiale, le groupe est obligé de revendre ses 12 hectares de vignes pour financer la reconstruction des caves et mettra plus de trente ans à les racheter, parcelle par parcelle. Pendant toutes ces années, Bernard-Massard amplifie ses activités de négociant en achetant ses raisins au Luxembourg et dans des pays voisins, mais continuera toutefois à vinifier ses mousseux lui-même. Aujourd’hui, les achats extérieurs se concentrent surtout sur le Chardonnay.

En réalité, et cela, on le sait moins en Belgique, Bernard-Massard exerce plusieurs métiers. Celui de vigneron bien sûr (32,5 ha de vignes en propriété et 40 en achat), celui de producteur de vins (logistique, vente et livraisons au Luxembourg, export) et celui d’importateur de vins de toutes origines, vins vendus dans une très belle boutique au siège de l’entreprise. A sa gamme, les effervescents Bernard-Massard (sept cuvées dont la cuvée Sélection et Cuvée de l’Ecusson sont les plus connues chez nous), mais aussi des vins du Domaine Thill (vins blancs tranquilles et crémants), du Domaine Clos des Rochers (dont d’étonnantes vendanges tardives mais aussi des crémants) et du Château de Schengen, autres propriétés de la Maison.

Le renouveau

Dans les années 80, les mousseux Bernard-Massard étaient très populaires en Belgique (1/3 de l’export de la société encore aujourd’hui) et se retrouvaient partout. Ils représentaient en effet une bonne alternative au champagne et, grâce à leur prix, étaient de toutes les fêtes et autres vernissages. Puis, dix ans plus tard, vint la concurrence des bulles espagnoles et italiennes qui obligea la maison à changer de politique. « La mode du cava et du prosecco, explique Antoine Clasen, DG de Bernard-Massard, vint de Flandre surtout, il devenait socialement acceptable de boire autre chose que du champagne et, qui plus est, à moindre prix. Nos effervescents étaient pourtant bien placés dans le haut du hit-parade des ‘non-champagnes’ mais notre faiblesse était d’avoir un prix 2 à 3 fois supérieur aux cavas les moins chers de l’époque. Nous avons dû réagir pour justifier notre prix, tout en augmentant notre qualité. Chaque année, nous avons monté en gamme, grâce à de meilleures techniques, des raisins de qualité mais surtout en respectant le produit et l’environnement. Depuis trente ans, nous travaillons sans pesticides, herbicides ou engrais chimiques, mais nous ne pouvons malheureusement pas passer bio car nous devons parfois faire face, à cause de notre climat, à des maladies telles que le mildiou. Cela étant, j’y pense pour certaines parcelles, confie-il. »

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Cinquième génération à la tête de Bernard-Massard qui compte 150 actionnaires dont plusieurs Belges, Antoine Clasen entend bien perpétuer la tradition familiale et a repris la direction officiellement cette année. Mais l’entreprise ne lui est pas étrangère, car après un Master en Finances et avoir travaillé pendant trois ans dans un cabinet de conseil au Luxembourg, il travaille quelques années en Belgique pour vendre la marque, chez Vasco depuis 2011. La situation idéale en quelque sorte… Aujourd’hui, de retour au pays, il continue sa formation à la viticulture et à l’œnologie et est bien déterminé à aller de l’avant. « Nous avons la volonté d’être au top, confie-t-il, et voulons, contrairement à d’anciennes pratiques courantes dans notre région, privilégier la qualité à la quantité. Il y a au Luxembourg une nouvelle génération qui se donne du mal, on ne peut que s’en réjouir… »