Porte-parole de l’association « Alerte aux Toxiques », Valérie Murat a publié hier sur son blog les résultats du rapport ATMO 2020 sur la présence de pesticides dans l’air en Nouvelle-Aquitaine (Cognacais et Bordeaux) de janvier à décembre 2019.
Valérie Murat est connue à Bordeaux pour son combat contre les pesticides, combat qu’elle mène depuis le décès de son père, vigneron dans l’Entre-deux-mers, en décembre 2012. En cause : un cancer du poumon développé dix ans après sa retraite et qui est dû à l’arsenite de sodium qu’il a utilisé entre 1958 et 2000 pour lutter contre la maladie de l’esca qui attaque le bois des vignes.
« Quand le cancer de mon père a été diagnostiqué en avril 2010, sa cancérologue, qui savait qu’il était viticulteur, l’a orienté vers le service des pathologies professionnelles, dirigé par le Professeur Brochard au CHU Pellegrin à Bordeaux, expliquait Valérie Murat à l’époque (lire ICI). Les examens ont confirmé l’origine de la maladie : le lien entre le cancer et l’exposition aux pesticides à base d’arsenic entre 1958 et 2000 a aussitôt été établi. (…) La pathologie de mon père étant inscrite au tableau 10 ter des maladies professionnelles. »
Sur le blog « Alerte aux toxiques », elle explique aussi avoir engagé des procédures judiciaires, dont une au pénal, la première du genre en France, « pour homicide involontaire d’un viticulteur décédé d’une maladie professionnelle reconnue en lien avec l’arsénite du sodium, un cancérogène avéré. Elle vise les responsabilités des firmes qui ont commercialisé ces produits, en l’occurrence Bayer et celles des services de l’état qui ont homologué ces produits plus de 42 ans alors que leur cancérogénicité était connue et avérée. »
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Analyses
Depuis plus de 15 ans, l’observatoire régional de l’air en Nouvelle-Aquitaine, ATMO NA, collecte en différents points du territoire des données sur les concentrations de pesticides dans l’air pour caractériser au mieux les niveaux d’exposition, les suivre dans le temps et mesurer l’impact des politiques publiques en la matière. Le même type de surveillance est organisé au niveau national également.
Le dernier rapport d’ATMO NA porte sur 2019 et a été partagé sur le blog animé par Valérie Murat. Un communiqué de presse cosigné par France Nature Environnement, Alerte Médecins Pesticides, Collectif Info Médoc Pesticides et bien sûr Alerte aux Toxiques, a été diffusé. Celui-ci relève les éléments suivants:
« Ces résultats montrent des valeurs plus basses que l’année précédente, largement expliquées par les conditions météorologiques, les pratiques agronomiques n’ayant guère changé. Cependant les tendances de fond sont les mêmes :
- toujours des CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) et des PE (perturbateurs endocriniens) dans l’air : ils dominent même largement dans le cocktail des molécules les plus quantifiées. 13 sur 17 sont CMR ou PE.
- toujours du Folpel (classé CMR) dans l’air de Bordeaux à 10 km des premières vignes.
- toujours des molécules interdites quantifiables, dont certaines ne sont pas forcément d’origine agricole comme le Lindane. Cela montre que la rémanence des produits est un réel problème insuffisamment pris en compte lors de leur homologation.
- toujours des molécules non recherchées comme le Glyphosate, ou le Mancozebe et le Captane en région viticole et arboricole. Il est difficile d’admettre que les difficultés analytiques sont la seule explication…
- toujours des périodes de plusieurs mois (printemps, automne pour les grandes cultures et l’été pour la vigne) pendant lesquelles une part importante de la population reste exposée, même à distance des zones d’épandage, à des concentrations notables de pesticides dans l’air. »
(…) « Diminuer l’exposition de la population est une nécessité absolue. Cela nécessite d’interdire à court terme l’utilisation des molécules les plus dangereuses. Aussi nos associations exigent :
- une action européenne par rapport aux PE : les députés au parlement français et européen doivent demander au ministère de s’opposer au renouvellement d’autorisation de substances PE ne possédant pas tous les critères exigés par le règlement actuel (PE suspectés). De plus le vote des autorités françaises dans les instances européennes doit être rendu public afin que le débat sur l’identification des PE ne soit pas réduit à leur définition de 2018 et qu’il puisse s’ouvrir au niveau européen, au lieu de rester confiné dans des instances opaques.
- des mesures régionales pour favoriser une transition massive vers l’Agriculture Biologique seule garante d’une diminution significative de l’exposition des populations. La priorité doit être donnée aux écoles situées à proximité de zones d’épandages de pesticides. »
Plus de détails sur alerteauxtoxiques.com
Marc Vanel, 02/09/20