Elaboré sans intrant, le vin nature séduit de plus en plus de viticulteurs chez nous. La toute nouvelle association, BWA ! – Belgian Wine Alternative – rassemble 12 MEMBRES, dont un Néerlandais.
Si le vin « nature » ou « naturel » se fait depuis que l’on fait du vin, il n’a en réalité aucune existence officielle liée à un cahier de charges à respecter, comme le doivent les vins d’appellations d’origine ou d’indications géographiques protégées. Il est même interdit d’en faire mention à titre commercial, sous peine de poursuite, et c’est une disposition européenne. Et pourtant il incarne une tendance forte dans le monde, renforcée par le développement de l’agriculture bio, des cépages hybrides et de l’alimentation saine.
En Belgique, 11 d’entre eux – wallons et flamands – ont créé l’asbl BWA! pour promouvoir leurs vins et leur démarche. Plusieurs d’entre eux étaient présents en marge du salon Biovitis à Ottignies, les 24 et 25 mai dernier. Une belle occasion de goûter des vins encore confidentiels, dont la plupart sont très réussis. D’autres les rejoindront certainement dans les prochains mois.
Au nord du pays
L’un des premiers à tenter l’aventure du vin nature en Belgique fut Servaas Blockeel. En 2012-13, il plante les deux premières parcelles de son vignoble Lijsternest entre Courtrai et Oudenaarde, puis deux autres, uniquement, qu’il cultive en complantation et en biodynamie, sur environ 4ha. Ses vins ne vieillissent pas en fût de chêne, mais dans des cuves ovoïdes en plastique. Aucun additif, ni clarification ou filtration, le jus doit être le plus pur possible. Les bouteilles s’arrachent et certains amateurs lui vouent un véritable culte.
« L’assemblage, explique-t-il, est fait sur le champ et on récolte tout ensemble. Chaque fois, il y a entre 4 et 8 cépages différents. On a démarré comme ça, on ne savait pas ce que ça allait donner. Maintenant, chaque cuvée a vraiment sa caractéristique. Elle revient tous les ans, avec des différences. Il y a trois rouges, un blanc et un rosé issus du cépage Roland, d’origine… québecoise ! Pour faire quelque chose de vivace et de spécial, tous les raisins sont vinifiés de la même façon, foulés et égrappés , macération et fermentation pendant presque deux semaines.
Peut-être que le blanc et le rosé macèrent un peu moins longtemps, mais il n’y a pas beaucoup de différence. Après le pressurage, cela reste exclusivement en cuve en polyéthylène pour le transfert de l’oxygène. Et comme ça, pendant des périodes de réduction, on n’y touche jamais. Si les lies sont propres, on laisse tout et ça reste là, pendant deux ans. »
Le Mag da 2022 assemble quatre cépages parmi les vignes les plus âgées et m’a surpris par son fruité élégant et son équilibre. De quoi revoir mon opinion sur le vin nature. Prix : 30€.
Côté flamand toujours, Mark Longin est avec Proef de Passie depuis plus de quinze ans importateur de vins de petits indépendants français ayant un grand respect pour leur environnement, souvent à base de raisins biologiques ou biodynamiques. Outre cette activité, il donne également cours de sommelier-conseil au Syntra de Gand, et a donc planté lui aussi des vignes hybrides en 2015.
D’abord 16 pieds dans son jardin à Pollare (Ninove), puis en 2020, avec sa femme, un vignoble de 2000 pieds à Haaltert, non loin d’Alost et qu’il baptise Terroir TerWaer. Il a choisi lui aussi la complantation avec 12 cépages dont le Roland et le Rondo. Lors de l’événément à Ottignies, il a présenté trois vins, dont un pet-nat bluffant.
Tout comme Tom Vandevenne à Leuven qui fait un Pet-nat très sympathique. J’y reviendrai plus tard. Enfin, également membre de BWA !, Tom Jacobs à Kortenaken (Antidoot) n’était pas présent.
Et, enfin, ce n’est plus la Belgique, mais Monique vander Goes et Ron Langeveld, développent le vin nature à Chaam aux Pays-Bas dans leur vignoble Dassemus (6 hectares par étapes depuis 2005). Ici, le vin nature s’appelle « Wilde wijn ».
Et au sud !
Dans le Brabant wallon, l’asbl Les Pieds dans la Dyle a été lancée en 2017, en collaboration avec les habitants. Son initiateur est Pablo Cremers, fabricant de bougies et de cierges à Wavre depuis cinq générations et donc également viticulteur. Avec son épouse Jade, il entretient et vinifie plusieurs parcelles dans les environs de Wavre, ou encore à Ottignies, à la Ferme de la Balbrière. Il achète aussi du raisin en France : du Chambourcin, du Plantet ou du Landal pour le vinifier. Ce dernier est très réussi et tout bonnement délicieux. Réalisée avec des raisins 100% wavriens, la cuvée Les Reliques 2023 contient 12 cépages assemblés avant fermentation, et elle vaut largement le détour. Voir aussi ICI.
En province de Liège, quasi aux Pays-Bas, au domaine Dalaheim Castellum, Arthur Joskin et sa compagne Gentiane ont eux aussi choisi de vinifier naturellement. « Le propriétaire inital du vignoble, Bart Nyssen, a toujours été écologique sur ses vignes, on ne pulvérise plus, on ne tond plus non plus. Au niveau de la vinification, depuis 2020, on a commencé une démarche nature que j’ai découverte avec Gentiane en Alsace. On a étudié la technique et on applique cela à nos vins depuis 2021. » Plusieurs cuvées sont élaborées, mais celle de Cabernet jura est la plus fraîche et la plus concentrée. Goûté l’an dernier au Festival des vignobles belges organisé à la Hulpe par Xavier Ide, le vin orange de Dalaheim Castellum m’avait fort agréablement surpris.
Parmi les autres membres wallons de BWA !, citons :
- « La Voix des Mêlés », le projet de Franck Van den Bulke qui veut développer un « vignoble agroécologique et social de transmission sur sols vivants en biodynamie ». Deux parcelles existent à Saint-Symphorien et à Harmignies, au sud de Mons mais il faut encore patienter pur les premiers vins.
- « Le Nectare » à Ferooz non loin de Gembloux développé depuis 2023 en polyculture par Martin Hernalsteen avec des cépages VCR,
- « Le vignoble Tête en l’air », projet de l’architecte Matthieu Delatte qui plante à Dinant entre 2023 et 2027 trois hectares sur quatre ans pour développer lui aussi des vins nature, et enfin,
- « La vigne est belle », un vignoble entre Haut-Ittre et Braine-le-Château planté par Charlotte et Cyril et dont les premiers vins sont annoncés pour 2026.
De belles découvertes en perspective, surtout qu’il y a une dizaine de vignerons qui pourraient, à mon avis, rejoindre, l’association. Comme un vent de fraîcheur…
Marc Vanel, 29 mai 2025