Dans la partie méridionale de la vallée du Rhône, le vignoble des Côtes du Rhône Villages s’étend en plaines ou en terrasses ainsi que sur les pentes de différentes collines au sommet desquelles se nichent autant de villages perchés. Mini-trip dans plusieurs de ces villages en décembre 2022.

Un peu d’histoire tout d’abord pour situer (rapidement) un cadre qui a toute son importance. Importée par les Grecs au IVe siècle avant notre ère et structurée par les Romains, la viticulture dans la vallée du Rhône vit ses débouchés disparaître avec l’effondrement de l’Empire romain. Il fallut attendre le Moyen âge et l’influence de l’Eglise pour lui permettre de redémarrer.

Les sept papes qui se succédèrent de 1309 à 1376 à Avignon relancèrent en effet le vignoble qui, quelques siècles plus tard, tira son nom d’une des circonscriptions administratives de la Viguerie d’Uzès dont les vins étaient réputés : la « Coste du Rhône ». Au milieu du XIXe siècle, la Coste prend le pluriel et devient les Côtes du Rhône en englobant les vignobles situés sur la rive gauche du fleuve.

Dans les années 1930, la Vallée du Rhône joua un rôle important dans la naissance des AOC, elle fut même l’une des premières régions à s’en doter dès 1937. Soucieux d’aller plus loin dans la reconnaissance de leurs vins, les producteurs exprimèrent alors leur désir d’en identifier les meilleurs par un nom géographique.

Le processus prit un certain temps et ce n’est qu’en 1967 que sera reconnue l’appellation d’origine contrôlée « Côtes du Rhône Villages » qui compte aujourd’hui 95 communes réparties dans les 4 départements du sud du vignoble rhodanien : l’Ardèche, la Drôme, le Gard et le Vaucluse.

 

© Vanel

 

Parmi ces « CdR Villages », 22 communes peuvent faire figurer leur nom sur l’étiquette, ce sont les « Côtes du Rhône Villages avec nom de commune » :

  • dans la Drôme : Nyons, Rochegude, Rousset-les-Vignes, Saint-Maurice, Saint-Pantaléon-les-Vignes et Suze-la-Rousse ;
  • dans le Vaucluse : Gadagne, Massif d’Uchaux, Plan de Dieu, Puyméras, Roaix, Sablet, Sainte-Cécile, Séguret, Vaison-la-Romaine, Valréas et Visan ;
  • dans le Gard : Chusclan, Laudun, Saint-Gervais et Signargues, et,
  • en Ardèche : Saint Andéol.

Les vins produits dans ces villages rassemblent diverses caractéristiques de sols et de terroirs et se situent donc dans la hiérarchie rhodanienne juste en dessous des « Crus », comme par exemple les AOC dites communales, Gigondas, Vacqueyras, Rasteau, Cairanne ou Vinsobres qui étaient initialement des dénominations géographiques complémentaires et qui sont parmi les meilleurs de la région.

La quasi totalité de la production – 98% – est rouge ou rosée. Grenache, Syrah et Mourvèdre représentent au minimum deux tiers de l’assemblage. Les cépages secondaires sont notamment le Carignan, le Cinsault ou même certains cépages blancs de la Vallée du Rhône comme la Roussanne, la Marsanne, le Viognier ou le Bourboulenc.

Les vins blancs sont donc plus rares, à peine 2 % de la production, mais les règles d’assemblage sont les mêmes que pour les CdR Villages rouges. Les variétés principales sont ici le Bourboulenc, la Clairette, le Grenache blanc, la Marsanne, la Roussanne et le Viognier.

Focus sur quelques producteurs

Nyons : Domaine Giniès et Vignolis

Située à 60km au nord d’Avignon, Nyons est reconnue en AOC CdRV avec nom de commune, depuis 2020. La ville bénéficie d’un microclimat exceptionnel, car au cœur d’une cuvette naturelle entourée de moyennes montagnes. Les vignobles sont ici souvent situés entre 300 et 500m d’altitude, ce qui assure une maturité plus lente et une grande fraîcheur aux vins.

Au domaine Giniès par exemple, une des deux caves particulières de l’AOC, le choix du bio a été fait il y a trois générations déjà, tout en conservant une certaine polyculture propre à la région. Essentiellement de l’olive noire qui bénéficie elle aussi d’une AOC sur 12 ha en complément de 20ha de vignes), mais aussi un peu de lavande, de la truffe ou des courgettes pour pallier le manque à gagner dû au gel. Entre les rangs, des semis d’orge et autres permettent d’enrichir les sols de matières organiques, mais désormais un inter-rang sur deux seulement, car le prix des semences a quadruplé !

Issus d’un terroir argilo-calcaire caillouteux avec des safres en sous-sol, les vins sont assez corsés et vendus un an après la vendange. La cuvée Taronès (90% de Grenache) se démarque par un nez élégant, une bouche  charmeuse et une finale saline qui apporte de la fraîcheur.

 

 

La cuvée Vieilles vignes (80% de Syrah) est quant à elle plus ronde, avec de belles notes de cassis, de mûre et d’épices poivrées. Le millésime 2022, catastrophique pour les oliviers, proposera toutefois des Grenaches vifs, tendus et gourmands avec une superbe acidité, la Syrah étant par contre plus robuste. Patience donc.

Au centre de Nyons, la coopérative Vignolis/La Nyonsaise a été créée en 1923. Ayant depuis toujours pratiqué l’oléiculture en parallèle de la viticulture (1400ha), la coopérative a intégré en 1962 la production de fruits. D’abord des cerises et des abricots, puis des coings et des prunes. Aujourd’hui la structure  compte 1100 agriculteurs impliqués dans la production et la défense des produits du terroir. La coop propose deux références en CdRV Nyons, Quintessence (en bio) et Exubérance, ainsi que des vins vendus sous d’autres appellations. Idéal avec des viandes braisées ou marinées, tajines d’agneau aux abricots et autres bœufs carottes. Un petit musée valorise le patrimoine local.

 

Un petit musée rassemble des outils de la vigne et de l’olive

Visan : Lauribert et la Bastide

Dans le Vaucluse, Visan abrite de 2000ha de vignes dont 90% en AOC CdR Villages reconnue depuis 1966. Repris en 1997 par Laurent Sourdon lorsque ses parents quittèrent la coopérative, le domaine Lauribert produit des vins à dominante de Grenache (70%) et de Syrah, ronds et élégants au fruité agréable, qui connaissent un bon succès au Maroc, mais aussi chez nous, en Belgique (vente à la Cave à Vins à Visé, et Marcovinal à Sirault). Espace de séjour pour camping-cars.

 

 

Egalement à Visan, le Domaine de la Bastide est une ancienne ferme templière (des morceaux d’amphores ont été retrouvés), rénovée et exploitée par Vincent et Stéphanie Boyer. On change de types de sols ici, avec des terrasses alluviales caillouteuses et des sables du Miocène sur des marnes, entourées de collines en pentes chaudes et ensoleillées. Le vignoble fait la part belle au Grenache et à la Syrah qui, assemblés à d’autres cépages noirs, donnent des vins rouges dominés par la finesse et l’élégance, mais aussi des blancs floraux, fruités et onctueux.Le couple exploite également « La Petite Verdière » au pied du château de Suze-la-Rousse, siège de l’école du vin bien connue et produit près de 400.000 bouteilles sur les deux domaines.

 

Dans la plaine autour de Visan – © Vanel

 

Dans la gamme, relevons l’excellent « La Gloire de mon père » en CdRV Visan 2017 (un peu carré) ou 2019 plus souple, très pur et très digeste.  Le nouveau millésime 2021 est quant à lui très bien construit et d’une grande finesse, il reposera encore deux ou trois avant d’être dégusté.

En blanc, « 1, 2, 3 filles » est un Visan avec 99% de Viognier et 1% de Roussanne. La bouche est ronde et soyeuse, avec une acidité agréable, de beaux agrumes (ananas surtout),  et un boisé original obtenu en immergeant des douelles dans la cuve et non en élevant le vin en barrique. Plus économique et tout aussi bien. Idéal pour les viandes blanches ou la cuisine d’inspiration asiatique. Les vins sont disponibles en Belgique dès 7,5€ chez Brunin-Guillier et à la Cave St-Jacques (Tournai) ou chez Van den Bussche à Gand.

Enfin, pour l’anecdote, relevons qu’un Pacte d’amitié relie Visan à la commune bruxelloise d’Evere…

 Suze-la-Rousse : Le Plan-Vermeersch

Faisons à présent étape au domaine Le Plan – Vermeersch fondé en 2000 et agrandi en 2010 par le Belge Dirk Vermeersch et sa fille Ann à Suze-la-Rousse. Ancien pilote de course automobile professionnel, Dirk a dû arrêter sa carrière suite à un grave accident et devient concessionnaire de différentes marques à Schilde, près d’Anvers.

Proche de la retraite, il rachète et rénove une ruine pour en faire un B&B et… un vignoble dont les vins connaissent un succès immédiat. Et il faut reconnaitre qu’ils sont délicieux, même dans les entrées de gamme.

Viellli dans des anciens fûts de chêne américain, le GT-S (pour Syrah) par exemple est corsé, très rond et toasté. Myrtilles, herbes, épices et tanins vins viennent renforcer une bouche riche de petits fruits rouges et de violette. Top. Le domaine comporte un gîte, une boutique de vins et produit également un gin ainsi qu’une bière artisanale en trois versions, Extra, IPA et Triple.

Marc Vanel, 19/1/23 [Voyage effectué en décembre 22]

Lire la seconde partie : ICI.