Animateur, puis directeur et cheville ouvrière de la Maison des Vignerons de Châteauneuf-du-Pape depuis presque 35 ans, Michel Blanc est aussi vigneron. Une passion qu’il développe dans le Luberon et le Ventoux.
Ecouter Michel Blanc (non, pas l’acteur…) est un plaisir sans cesse renouvelé. Il est un véritable puits de science et de culture, l’appellation lui doit beaucoup. Le tout avec cet accent si savoureux des gens du Sud sur fond de chant des cigales. Cette fois, il parle de lui, de ses vignes et de ses projets pour allier œnotourisme et culture… mais pas dans le secteur de Châteauneuf-du-Pape…
« Depuis plusieurs générations, confie-t-il, tous mes ascendants paternels sont natifs de la même maison quasiment, dans le Luberon, entre Bonnieux et Ménerbes. Mes parents étaient maraîchers et arboriculteurs, ils avaient un peu de vignes, mais ils produisaient plus des raisins de table que de cuve. Je n’étais pas destiné à reprendre le domaine, mais plutôt à travailler dans l’agro-alimentaire.
Quand j’ai commencé à chercher un travail au début des années 90, j’en ai trouvé un à Châteauneuf-du-Pape. Un peu plus tard, mon père envisageait de prendre sa retraite, j’ai acheté une parcelle à Oppède que j’ai défrichée pour planter. J’en ai pris d’autres en location, qui me plaisaient. D’un point de vue esthétique en premier et pédologique ensuite. On a commencé à les planter et on s’est rapidement retrouvés avec une dizaine d’hectares, aujourd’hui 12,5. Une moitié dans le Luberon, l’autre moitié en Ventoux.
On est à l’extrême nord du Luberon et à l’extrême sud du Ventoux. La totalité des raisins sont apportés à la cave coopérative de Bonnieux, que mon grand-père a présidée, dont mon père a été vice-président et où j’allais travailler pendant l’été lorsque j’étais étudiant, au caveau pour vendre le vin. »
Ne disposant pas de l’infrastructure de vinification, Michel s’est contenté dans un premier temps de fournir ses raisins à la coop’, mais tout changea en 2020, lorsque le directeur de la cave, Laurent Bouet, investit dans un outil de vinification permettant d’empiler des cuves sur trois étages, avec des petits volumes, pour faire du parcellaire.
« Comme il savait que j’étais intéressé de produire mes propres vins, il m’a proposé de les vinifier selon un cahier des charges et des choix techniques qui convenaient à tous deux, puis de les mettre en bouteille, de sorte qu’il ne me reste que la commercialisation à assurer.
Je maîtrise donc le suivi des parcelles, les maturités, l’assemblage, le vin, mais une fois que c’est dans la cuve (béton) de la coopérative, c’est dans la cuve. Tous les choix importants sont faits avant la récolte. Mon projet serait de construire un lieu de vente, où l’on peut aussi faire un peu d’élevage, car la Cave n’a pas de place pour cela. J’aime bien l’idée de produire des vins qui passent directement de la cuve à la bouteille, mais j’aimerais aussi essayer d’élever une partie d’une cuvée en demi-muids, ou sur des barriques à l’ancienne, pour affiner un peu le vin et voir comme cela évolue. Un lieu de vente et de réceptif, c’est important, car dans notre région, la vente ne se fait pas forcément par la notoriété de l’appellation, mais par la qualité de l’accueil au domaine.
Par ailleurs, j’aime aussi beaucoup la culture, la peinture, et ici, on est sur une partie de la Provence où il y a eu beaucoup de peintres et d’écrivains. On est dans le pays de Camus, de Bosco, de Giono, de Pétrarque,… il y a moyen de valoriser tout cela et faire en sorte que l’expérience viticole soit aussi culturelle. »
C’est sans doute aussi la raison pour laquelle, Michel a choisi de donner un nom italien à son domaine, car, comme il aime à le rappeler, « l’italien est une langue chantante, on dit souvent que c’est la langue de l’amour, mais cette région faisait aussi partie du Comtat Venaissin, et nous n’avons été rattachés à la France seulement en 1791. Auparavant nous dépendions des Etats pontificaux, comme une grande partie du département de Vaucluse, hormis la Principauté d’Orange qui était rattachée à la couronne des Pays-Bas. »
Arnia ou la ruche (en italien)
L’aventure du Domaine Arnia démarre vraiment avec le millésime 2020, elle s’est poursuivie avec les rouges 2021, 22 et 23 qui seront mis en bouteille à la fin de cette année. Le millésime 2024 sera donc le cinquième de Michel. « Les assemblages changent chaque année, en fonction du millésime. La première année, on n’a sorti que du Grenache et du Mourvèdre, après, on a produit plus de Syrah. D’une année à l’autre, on adapte en fonction de ce que la Nature nous donne. »
Sur ces quatre premières années, les trois couleurs on été produites et portent chacune de belles étiquettes :
- Un Ventoux rouge 2020 (Grenache et Mourvèdre), classique mais annonciateur des millésimes suivants. Notes de fruits rouges et de poivre, généreux et gourmand. A carafer. Médaillé d’or au concours de Lyon.
- En 2021, un important épisode de gel détruisit une partie de la récolte, mais la qualité fut au rendez-vous et permit de sortir un premier rosé que j’apprécie beaucoup (gouleyant et vif à la fois, parfumé et sec), qui sort en AOP Luberon, et un rouge. Assemblage GSM typique (60 % de Grenache, 25 % de Syrah et 15 % de Mourvèdre), ce second vin remporta une médaille d’or au concours des vins à Orange et reçut également trois étoiles au Guide Hachette des vins 2023.
- 2022 : autant il fit froid l’année précédente, autant il fit chaud cette année-là, avec un été très chaud et très sec. C’est finalement l’occasion de sortir un Ventoux rouge (GSM 45/45/10), une cuvée douce, ronde et tout en fraîcheur. Medaillé d’or au concours général agricole.
- 2023 : Arnia enregistre son millésime le plus abondant. Au programme, un rosé qui allie Syrah et Vermentino et un blanc à base de 65% de Clairette, 20% de Grenache blanc et 15% de Vermentino. Deux jolis vins qui prennent toute leur place dans la gamme.
Tous ces vins confirment la belle progression du domaine, il faut à présent chercher de nouveaux cavistes, tant en France qu’en Belgique (où on peut déjà citer la Cave Saint-Jacques à Tournai), avis aux amateurs !
Infos: michel@arnia.vin – arnia.vin
Marc Vanel, 21 août 2024