Jeune appellation du Languedoc créée en 2014, l’AOP Terrasses du Larzac offre un vaste terrain de jeu à celles et ceux qui veulent tenter l’expérience viti-vinicole. Si elle attire des néo-vignerons français, elle attire aussi des étrangers. Rencontre avec six d’entre eux.

© Vanel

 


La Traversée

Le plus ancien est sans doute Gavin Crisfield à Saint-Privat, au cœur de l’appellation. Originaire de Belfast, ce sommelier et œnologue irlandais est rapidement devenu avec La Traversée une figure emblématique du renouveau du vignoble languedocien. « Au début des années 2000, j’étais œnologue et j’ai rencontré un Anglais qui cherchait un domaine et il me demanda si je connaissais le secteur des Terrasses. Je suis venu à Saint-Jean de la Blaquière, et là c’était juste incroyable. J’ai géré un domaine de 35ha pendant huit ans, et vu le niveau de diversité du terroir, j’ai décidé de m’installer là. J’ai ciblé les terroirs que je voulais et en 2009, j’ai acheté 5 hectares en quatre parcelles de vignes, avec quatre cépages – Cinsault, Carignan, Grenache et Syrah – qui sont cultivées biologiquement sur des terroirs distincts (schiste, grès, volcanique et calcaire). Je travaille tout seul, vraiment tout seul, tant le travail des vignes que la vinification.

J’ai deux cuvées, une en appellation, l’autre pas. Au début je ne voulais pas faire le cinsault, mais j’ai trouvé cela super. La diversité du terroir et l’individualité des cépages m’aident à atteindre l’harmonie et l’élégance. Chaque cépage est vinifié séparément, sans levures ajoutées, dans les cuves en béton en forme d’œuf ou tronconique, et dans des foudres de chêne français. »

> Les vins sont vendus en Belgique par la Cave des Oblats à Liège, VinÔ-Etc à Thuilles et PortoVino à Maldegem. Prix de 18 à 30 euros. Infos : latraversee.fr

 

Konrad Pixner – © Vanel

 

Domaine de l’Accent

Implanté à Arboras, Konrad Pixner est né en Italie dans les montagnes du Sud Tyrol germanophone. Venu à Montpellier en 2013 pour un master en viti-oeno à SupAgro, il y rencontre une femme (française), pas du tout dans le vin. « J’ai travaillé dans plusieurs pays (France, Portugal et Afrique du Sud), mais lorsque je vivais en Italie, je dirigeai un centre de recherche du vin, explique-t-il, et j’ai monté un domaine pour quelqu’un qui avait aussi des brasseries. J’ai créé le mien en 2015.

Ne trouvant pas de boulot, ma femme est revenue à Montpellier et je faisais des allers-retours, toutes les deux semaines. En 2016-17, j’ai cherché une vigne par ici pour m’occuper et faire deux barriques et aujourd’hui le Domaine de l’Accent est une propriété de 19ha, dont 12 de vignes en petites terrasses. J’ai un ouvrier depuis un an, et un tracteur depuis un an et demi… Mais le travail est intense et depuis deux ans, je ne peux plus vinifier en Italie, surtout que l’on a deux enfants maintenant… »

Les vignes de l’Accent se partagent deux terroirs très différents, à Saint-Guiraud et sur le causse de Montpeyroux, elles sont conduites dans le respect des règles de l’agriculture biologique.

> Les vins sont vendus en Belgique par VinÔ-Etc à Thuilles. Infos : domainedelaccent.fr

 

Audrey Bonnet-Koenig et Roman Kocholl – © Emmanuel Perrin

 

Mas Conscience

Roman Kocholl a été pendant de nombreuses années le directeur général de l’agence numérique Hambourg Cellular GmbH qu’il a revendue en 2018. Jeune retraité, il voulait continuer à travailler dans un secteur qui lui plaisait et ce fut, bien sûr, le vin. Après quelques recherches à Béziers et à Pézenas, il rachète avec son ex-associé Birger Veit les 13ha du Mas Conscience à Aniane alors exploité par Eric et Nathalie Ajorque. Pour les aider, ils engagent en 2020 Audrey Bonnet-Koenig qui a, notamment, été directrice du domaine haut de gamme La Peira en Damaisela, épaulée par l’œnologue Claude Gros.

Si Birger Veit a renoncé à l’aventure après quelques mois , Roman Kocholl et sa femme, prof de yoga, ont persisté tout en continuant à vivre en Allemagne, Roman venant toutes les quatre à six semaines, pour des séjours de deux semaines minimum.

La gamme est en cours de restructuration, mais vu l’équipe en place et les nouveaux vins dégustés lors de la Soulenque en octobre dernier, celle-ci ne peut que monter en puissance. Des vignes de Syrah et de Grenache de plus de 30 ans et des vignes de Cinsault de plus de 20 ans forment le cœur des grands rouges de la maison.

Enfin, l’origine du nom « Conscience » remonterait à un temps où les moines passaient de village en village avec un âne demander l’aumône (surtout en vin et en huile) aux habitants qui donnaient selon « leur bonne conscience ». On retrouve cet âne sur l’étiquette des vins.

> Vins de 10 à 24 euros. En recherche de distributeur. Infos : mas-conscience.com.

 

Terre des 2 sources

Cette aventure est née de la rencontre de deux couples. Après une carrière de flying winemaker, le couple américano-néo-zélandaise formé par Kirsten et Glen Creasy avait envie d’une expérience française. Ils rencontrent Helène Taillefer et son mari, Hélène étant active dans le domaine agro-alimentaire, et reprennent ensemble le domaine de la Devèze à Montoulieu, sur les contreforts des Cévennes.

Rebaptisé Terre des 2 sources (pour les deux sources qui traversent la propriété mais aussi pour les deux couples), le domaine compte 17 cépages travaillés en bio avec une inspiration du Nouveau-Monde. Les vins sortent sous plusieurs appellations, mais un seul en Terrasses du Larzac (« Caprices » qui assemble Syrah, Grenache et Carignan).

« La diversité des cépages (16 variétés), des sols, des expositions et des altitudes rend chaque parcelle unique et demande une approche viticole adaptée pour produire les meilleurs raisins, explique Hélène. Nous avons repris le domaine il y a quatre ans et nous sommes en train de tout changer… » A suivre, donc.

> En recherche de distributeur. Infos : fr.terredes2sources.com

 

Gonzalo Amigo – © Vanel

Domaine Terre de feu

Arrivé à Paris en 2003 pour suivre des études d’ingénieur, l’Argentin Gonzalo Amigo travaille jusqu’en 2011 comme consultant IT dans une banque d’investissement. La rencontre avec sa future femme Kathrin, médiéviste allemande, entraîne le départ du couple dans le Val de Loire.

« Ma vie a toujours tourné autour du vin, confie Gonzalo, que ce soit en vacances ou au restaurant. Et lorsque j’ai voulu faire un stage de deux semaines au Clos Cristal en AOP Saumur-Champigny chez Eric Dubois, j’y ai finalement passé quatre mois. A partir de là, j’ai vu que c’était possible de faire du vin moi-même.

Comme nous avions déjà le projet de partir dans le Sud, nous avons choisi Montpellier pour le vin et l’école pour que je puisse obtenir un BTS viti-oeno. C’est là qu’est née notre fille. J’ai ensuite travaillé pour un domaine de Pic St-Loup avant de craquer pour les Terrasses du Larzac. Après cinq ans de recherche, j’ai trouvé une cave à Montpeyroux mais nous habitons toujours à Montpellier. Il y a un petit logement sur place pour les vendanges. »

Fin 2017, Gonzalo rachète en effet sept hectares de vieilles vignes à un viticulteur qui faisait du vrac mais qui entretenait bien ses vignes, les convertit en bio et maintient des rendements relativement bas (10 à 25hl/ha selon les millésimes). Le nom du domaine joue bien sûr sur le double sens du nom du domaine Terre de Feu : le soleil du Midi mais aussi les origines argentines de Gonzalo. Les étiquettes sont très originales et graphiques. Les vins sortent en AOP TdL, Montpeyroux ou même IGP Pays d’Oc. Tous se singularisent par une remarque fraîcheur et un style moderne. Allumez le feu !

> En recherche de distributeur. Infos : domaineterredefeu.com

 

Château Capion

Ancien cadre du KGB et gouverneur du Kraï de Perm en Russie de 2004 à 2012 où il opéra une « perestroika culturelle », Oleg Chirkunov entre en dissidence en 2012 après la réélection de Poutine. Il démissionne alors de ses fonctions et se reconvertit dans le vin. Il achète le Domaine Montplaisir à Lodève en 2014 avant d’acquérir deux ans plus tard le Château Capion à Aniane dont l’entrée jouxte celle du Domaine de Mas de Daumas Gassac (en AOP Saint-Guilhem-le-Désert).

Depuis sept ans, cet oligarque a tout fait restructurer, avec plus de matériel et plus de moyens humains. Un vaste programme de refonte de la cave est en cours pour s’adapter au nouveau mode de production micro-parcellaire, chaque parcelle étant vinifiée dans une cuve dédiée.

En cépages rouges, outre le traditionnel GSM, on y trouve du cinsault et du cabernet sauvignon. Et en blanc du bourboulenc, de la clairette, du viognier, de la roussanne et surtout du chardonnay, futur porte-drapeau du domaine. Les vignes sont certifiées bio depuis 2020.

> Vins entre 15 et 82 euros. Vente à la Cave des Sommeliers (Habay). Infos : chateaucapion.com

Marc Vanel, 24/2/23

Lire la première partie: Le jeu collectif des Terrasses du Larzac