Planté en 2012 à Frasnes-lez-Anvaing, entre Lessines et Tournai, le vignoble Dieu des Monts offre la particularité de développer une double parcelle : l’une avec des cépages classiques, l’autre avec des résistants. Un véritable laboratoire à ciel ouvert, comme se plaisent à dire ses propriétaires.
Il y a quelques années, en cherchant à acquérir une parcelle boisée afin d’assurer leurs besoins en bois de chauffage, deux amis découvrent un terrain d’un hectare convenant à leur projet, mais pas complètement boisé. Il reste en effet un coteau vierge plein sud, avec une jolie pente et protégé par la végétation naturelle.
Il n’en faut pas plus à Jean-Christophe Verschelde pour proposer à son ami Yannick Ducatteeuw de planter quelques vignes, une idée qui lui trottait en tête depuis quelque temps déjà. A sa décharge, l’homme est consultant en vin pour Colruyt, c’est lui qui coache les chefs de rayons vins en Wallonie, notamment, le vin, c’est plus que son dada.
Craignant de ne pouvoir assurer à eux seuls l’entretien de cette parcelle, les deux amis s’associent dans l’aventure avec Bruce, le frère de Yann, et Maxime Bearez, un autre ami d’enfance. Depuis lors, Yann a quitté la Belgique pour un autre projet de vie et sa part a été reprise par Gilles Crippiau, un autre amateur de bonne chère et d’authenticité.
« Nous sommes vraiment quatre à avoir lancé ce vignoble, explique Jean-Christophe. Nous sommes bien sûr tous passionnés de vin, mais chacun avait ses motivations. Moi, c’était surtout l’idée d’avoir un laboratoire à ciel ouvert par rapport à mon travail et mettre les mains à la pâte, je m’amuse beaucoup avec cela. Pour d’autres, c’est sortir de la routine du travail ou offrir aux enfants un beau terrain de jeu. Et c’est vraiment le cas depuis six ans maintenant. »
Cépages classiques…
En 2012, quelque 660 pieds sont plantés sur les douze ares libres de la parcelle, sept cépages différents sur trois à cinq lignes chacun afin de suivre au mieux leur comportement. Pinot gris, Auxerrois, Chardonnay, Pinot noir, St-Laurent et Muscat bleu (un résistant) dans un premier temps, puis, en 2018, une centaine pieds de Sauvignon blanc, souvenir d’un voyage entre potes dans la Loire.
« L’idée était, reprend Jean-Christophe, d’observer et de comprendre le comportement de ce large éventail de cépages sur un site vierge et tenter d’exploiter au mieux le potentiel du terroir, le tout dans une démarche biologique. Mais 12 ares, c’est tout petit, c’est en réalité un jardin viticole, pas un vignoble. Le vin n’est vendu qu’à de très rares occasions, notamment au marché des producteurs à Frasnes, nous le faisons avant tout pour nous. Mais comme l’objet social est la vulgarisation de la vigne, nous accueillons régulièrement des visiteurs sur la parcelle ou des groupes de marcheurs qui sont nombreux dans la région et nous faisons bien sûr goûter le vin. »
Lors de la vendange, les raisins sont cueillis manuellement, en phases successives et transportés chez Jean-Christophe. « Nous favorisons la taille courte et les petits rendements. Huit cents pieds, cela ne représente que 450 litres par an, soit l’équivalent de deux baignoires et demi. Jusqu’à présent, mon garage est assez grand… Nous avons quelques, cuves en polyester de 200 ou 300 litres, cela ne prend pas trop de place. »
… et résistants
Le 1er mai dernier, les quatre amis ont planté la même quantité de pieds quelques centaines de mètres plus haut dans une large clairière, mais ici que des cépages résistants : Rondo (apparenté au St-Laurent), Johanniter, Acolon et Souvignier gris. « Nous voulions essayer les deux, mais c’est aussi un choix raisonné car nous ne pouvons pas doubler la charge de travail actuelle. Surtout que nous travaillons en bio, sans aucun pesticide, nous espérons donc qu’ils vont un peu s’en sortir sans nous… Nous avons aussi planté quelques arbres fruitiers (reines-claudes, mirabelles…). Ce vignoble, c’est un petit coin de paradis où se retrouvent quatre potes pour passer un bon moment. Faire cela à quatre permet une certaine rotation, on ne veut pas être esclave de notre projet. »
La gamme
Grâce à leurs nombreuses variétés, « Dieu des Monts » (du nom de la rue où il se situe) produit cinq vins le plus naturellement possible (uniquement des levures indigènes), l’objectif étant de faire un peu de tout pour montrer ce que le quatuor sait faire, mais surtout se faire plaisir. « Au début, on assemblait les trois cépages blancs, mais le Pinot gris dénaturait un peu le Chardonnay, on fait donc désormais deux blancs maintenant : un 100% Pinot gris, “Des Monts gris” et un assemblage Auxerrois-Chardonnay à parts égales, “Des Monts blanc”. »
Le premier est très agréable et sans doute le plus abouti de la gamme, avec une belle matière et une fraicheur qui séduit dès la première gorgée, et une acidité typique des vins belges. Le second est riche d’arômes d’agrumes et de pomme granny, avec un nez très nature, mais sans excès, et une bouche ample et étoffée. Légère persistance sucrée.
Suit dans la gamme, un rosé “Des Monts rosé” élaboré avec des raisins blancs d’Auxerrois écrasés avec du Muscat bleu, fermenté et vinifié en blanc. L’attaque est nerveuse mais la bouche développe rapidement de beaux arômes de pamplemousse rose, suivis de notes florales et pâtissières (brioche). Très sympa.
Le rouge, qui s’appelle forcément “Des Monts rouge”, est un assemblage de Pinot noir 80% et de St Laurent 20%. Le nouveau millésime n’était pas encore en bouteille au moment de la visite, mais il devrait être plus concentré que le 2018, car il a bénéficié d’une plus longue macération. Le millésime précédent a quant à lui séjourné six mois en barrique. Le côté légèrement fumé du Saint-Laurent se marie très bien en bouche avec les cerises noires du Pinot noir, et c’est sans doute le plus profilé « nature » des quatre vins dégustés. Levures naturelles, ni clarification, ni filtration, mais cela tient très bien la route.
Enfin, le dernier vin, actuellement en rupture de stock, est un vin doux naturel à base unique de Muscat bleu qui fermente trois jours avant d’être muté selon la tradition.
Marc Vanel, 01/07/20