Plus de peur que de mal ces derniers jours dans les vignobles de Wallonie avec la vague de gel qui a touché les premiers bourgeons de l’année. Ruffus annonce quand même ce 12 avril avoir perdu 25 à 35% des bourgeons. Le point dans une quinzaine de propriétés.

 

En 2017, le Vignoble des Agaises avait perdu près de la moitié de la récolte à cause des gelées de l’année, 2021 pourrait malheureusement emboîter le pas.

« Le gel nous a touchés, explique Arnaud Leroy. Contrairement aux gelées printanières classiques, où il n’y pas de vent, nous avons été confrontés à une gelée hivernale, avec un vent froid, qui empêche les tours antigel d’être efficaces à 100%. Nous chiffrerons les pertes la semaine prochaine, mais on estime qu’entre 25 et 35% des bourgeons ont déjà été perdus lors des gelées de la semaine passée, et le froid s’abat de nouveau sur le domaine… Il a encore gelé cette nuit et on annonce encore plus froid ce soir… » Prudence donc.

 

Les tours anti-gel du Domaine du Chant d’Eole

 

Ses deux voisins, le Domaine du Chant d’Eole et le Domaine Mont des Anges, semblent toutefois avoir été épargnés.

« Les tours antigels ont fonctionné ces deux dernières nuits, confiait Hubert Ewbank à Quévy avant-hier, je pense que ce n’était pas nécessaire, mais on n’a pas voulu prendre de risque! »

Une peu plus loin, au Domaine Mont des Ages (Nouvelles et Havay), Vincent Debusscher est confiant: « Pas de dégâts pour l’instant. Nous avons mis des bougies dans les lignes de bas de coteaux pour créer un rideau de chaleur, installé 5 canons à chaleur Agrofrost sur 2 ha ainsi qu’une éolienne mobile sur 1.5ha. Nous veillons encore toute cette semaine. »

 

Pied touché lors des Saints de glace en mai 2020

 

Plus au nord, à Lobbes, au Domaine de la Portelette, la mobilisation a été générale, surtout que le vignoble a déjà été bien touché l’an dernier.

« Nous avons œuvré trois nuits d’affilée, explique Sophie Dupont au nom de la coopérative. Tout a commencé lundi 5 avril par l’installation, dans un premier temps, de 400 bougies dans la parcelle de Muscaris, de Souvignier gris et de Johanniter plantées en 2018. La première nuit (du 5 au 6 avril) a sans doute été la plus critique : après un épisode de neige important nécessitant l’extinction des bougies, le mercure est descendu à -3°, ce qui n’était pas annoncé par les prévisions…

En tout, nous avons allumé 600 bougies ! Après trois nuits d’intervention, nous observons surtout des dégâts dans le Muscaris, mais les trois cépages sont touchés, les bourgeons sont brunis mais ne semblent pas pour autant totalement grillés. Il est difficile d’estimer l’ampleur des dégâts, c’est le redoux et la reprise de la végétation qui nous en diront plus. »

A Ostiches, non loin de Ath, Adrien Degavre n’a pas constaté de dégâts: « Les bourgeons sont encore dans le coton, même pour le Chardonnay. Si le froid était venu une semaine plus tard, cela aurait pu être problématique pour moi. Je n’ai rien fait de particulier comme lutte contre le gel, à part un broyage de l’herbe la semaine passée ainsi que déjà en partie décavailloné. Je croise les doigts pour qu’on en ait fini avec le gel en 2021… »

 

Bourgeon de Chardonnay – Photo Adrien Degavre

 

Dans le Namurois

En Province de Namur, la situation est sous contrôle, comme le confirme Pierre-Marie Despatures au Domaine du Chenoy: « C’est un peu tôt pour savoir mais a priori, nous n’avons pas souffert du gel. Pas de moyen de lutte mis en place cette fois-ci. Impossible de savoir ce que l’avenir nous réserve et la situation jusqu’au saints de glace. Wait and see… »

Dans le jeune vignoble d’Annevoie planté l’an dernier, constate Léopold Loumaye, « quelques pieds morts suite aux -15° de cet hiver, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Hier nous avons enregistré -3.5° mais il ne semble pas y avoir trop de dégâts, les bourgeons qui étaient en coton ont eu tendance à se refermer ».

 

Muscaris à Villers-la-Vigne – Photo Christophe Waterkeyn

 

Dans le Brabant wallon

Au Domaine W, Sophie Wautier et Dimitri avaient tout mis en place (canon à chaleur, bougies) pour agir en cas de besoin et même mobilisé une équipe de bénévoles, mais il ne fallut pas y recourir. « Au niveau préventif, nous pratiquons une tonte rase, pas de travail du sol, une taille tardive en gardant un sarment long pour avoir des bourgeons de réserve et nous avons pulvérisé de la valériane pour renforcer les défenses immunitaires de nos plantes, cela a suffi pour l’instant. Si besoin, au moment des saints de glace, nous actionnerons nos six canons à chaleur et installerons des bougies autour des parcelles. »

Même situation au jeune vignoble Coteaux  des Avelines à Sart-Dames-Avelines, comme le confirme Arnaud Duchêne : « Nous avons décidé de ne rien faire car tous nos cépages, même les plus précoces comme le Muscaris étaient encore dans le coton. Cela ne tient pas à grand-chose. La vague de chaleur de la semaine précédente a très fortement réveillé les bourgeons. A peu de choses près, beaucoup de cépages débourraient avant le gel. Nous espérons toutefois que les bourgeons vont encore rester un peu endormis… Nous n’avons pas investi dans du gros matériel de protection anti gel. Nous avons une bande d’amis un peu fous qui adorent venir faire des feux la nuit… »

Au Domaine de Glabais (photo en Une), Anne et Christian Balduyck ont le moral : « Les bourgeons étant encore pour la grande partie dans le coton, ceux-ci ont été préservés. Les mesures mises en place sont l’agrofrost tracté (tournée en 10 minutes max) et les bougies dans le bas de la parcelle (la cuvette dans le bas du Pinot noir et Auxerrois). Pour les saints de glace, et pour toutes les semaines à venir, nous continuons sur le même schéma que celui décrit ci-dessus. En espérant ne pas devoir le mettre en place. »

Enfin, dans le petit vignoble de Villers-la-Vigne, Christophe Waterkeyn ne constate aucun dégât apparent, malgré le débourrement des Muscaris et des Phoenix dans le coton… « Le débourrement tardif de nos cépages et le rayonnement de nuit de l’énergie emmagasinée le jour des murs des terrasse et des murs d’enceinte du Clos de Villers-la-Vigne protègent quelque peu cette parcelle peu gélive. »

 

Les “ventilateurs” de la coopérative Vin du Pays de Herve et le modèle déjà installé par Jean Galler

Autour de Liège

Peu d’échos de la situation provenant de vignerons de cette province, mais tout semble rouler dans les parcelles de la coopérative Vin du Pays de Herve, même si la nuit de lundi à mardi risque d’être froide, avec des températures sous -5°C. La coopérative a investi dans un système ingénieux de ce que l’on pourrait qualifier de gros ventilateur, monté sur pirsch, déhà expérimenté par Jean Galler à Vaux-sous-Chèvremont (domaine Septem Triones). A installer au plus vite donc.

A Heure-le-Romain, Vin de Liège a investi dans 4 tours à vent mobiles: « Nous les avons fait tourner par sécurité, commente Alec Bol, on est passé à -2° mais il semble que les bourgeons soient ok. Mais c’est vrai que c’est loin d’être fini… »

Chez son plus proche voisin, au Domaine Tour de Tilice, Simon Delforge se réjouit de n’avoir eu aucun dégât. « Il a fait maximum -1° et nos bourgeons ont été protégés par la neige des deux premières nuits de gel. Je n’ai pas mis de bougies ou autres moyens en œuvre contre le froid. J’espère que d’ici les saints de glace, il n’y aura plus d’autres vagues de froid… »

En Gaume

Enfin, pour clôturer ce panorama express, faisons un arrêt au Poirier du Loup à Torgny avec Michel Crucifix : « Actuellement, nous n’avons pas de dégâts de gel ni de neige sur le Poirier du Loup. Nous croisons les doigts d’ici les saints de glace. Pour des petites gelées quand les bourgeons sont déjà bien avancés, nous pulvérisons un produit à base de valériane qui sert à activer la vie microbienne autour de ceux-ci et qui pourrait faire gagner un à deux degrés de résistance au gel.

L’autre mesure prise, c’est que toutes les baguettes fructifères à arcurer horizontalement sont toujours en position verticale jusqu’après les saints de glace pour qu’un maximum de bourgeons soient maintenus éloignés du sol et des froids les plus intenses. Nous réfléchissons à d’autres stratégies qui seraient plus opérationnelles mais qui demandent des investissements qui ne sont pas simples pour nous. »

En France, le ministre de l’Agriculture a annoncé l’activation du régime de calamité agricole. Espérons que ce ne soit pas le cas chez nous… Bon courage à toutes et tous.

Marc Vanel, 12/4/21