En quelques années, la production d’effervescents a triplé en Belgique et près de 2 bouteilles de vin belge sur 3 pétillent ! Retour sur un véritable phénomène que je vous présente en deux parties, Flandre, puis Wallonie.

Le succès des deux plus grands vignobles belges, Wijnkasteel Genoels-Elderen en Flandre et le vignoble des Agaises en Wallonie, n’y est évidemment pas pour rien. Les vins effervescents de ces deux domaines ont véritablement boosté la production de bulles en Belgique , suscitant les vocations dans les deux régions. Plus de 630.000 bouteilles de vin mousseux ont été produites l’an dernier et ce n’est pas près de s’arrêter.

En Flandre…

Le premier vin mousseux belge a été présenté en 1998 par Paul Vleminckx, ancien fabricant de moutarde, à Oud-Heverlee, à deux pas de Louvain, au domaine Chardonnay Meerdael. Aujourd’hui, l’homme produit 60.000 bouteilles d’effervescents blancs (Chardonnay) et rosés (Pinot noir et meunier).

meerdaelIl a rapidement été rejoint par le Wijnkasteel Genoels-Elderen, situé à Riemst, au nord de Liège. Les premières plantations de Chardonnay et de Pinot noir datent là de 1991 mais les vins des débuts sont tranquilles. L’œnologue et fille du propriétaire Joyce Kékkö-van Rennes s’est formée à l’Université du vin de Suze-la-Rousse et en Bourgogne. Mais, explique-t-elle, “la situation septentrionale du vignoble ne permet pas d’atteindre chaque année la maturité naturelle optimale de 12% vol., alors que produire des vins mousseux ne demandant que 10,5% vol. est tout à fait possible, cela a rapidement été une alternative parfaite qui nous permettaient de garantir une qualité constante.”

genoels-cave

Actuellement, Genoels-Elderen produit 100.000 litres de vin dont la moitié est transformée en bulles : 44000 Zwarte Parel (Blanc de blancs, min. 18 mois sur lattes), 12000 Zilveren Parel (Blanc de blancs, coeur de cuvée, 1 an d’élevage en barrique sur lies avec bâtonnage et minimum 36 mois sur lattes) et 9 000 bouteilles de Rose Parel (Chardonnay et Pinot Noir, rosé, min. 18 mois sur lattes). “Par contre, continue-t-elle, en 2016, nous ne produirons pas de mousseux, car la maturité est telle que nous avons atteint 13% vol. sans chaptaliser ! C’est la nature qui nous guide, c’est elle qui décide de ce que nous produirons à l’avenir selon l’équilibre acidité-sucre obtenu.” Ces vins sont fort appréciés dans l’horeca et se situent dans une gamme de prix entre 16 et 23 euros.

Non loin, à Vliermaal (Kortessem), Wilfried Schorpion est, avec seulement deux hectares, un véritable artisan de l’effervescent. “Nous ne faisons que des vins mousseux car notre climat est idéal pour cela. Nous ne sommes qu’à 200 km à vol d’oiseau de la Champagne, les conditions climatiques sont assez semblables. Pour faire un vin blanc ou rouge, commente-t-il, il faut vendanger avec la plus grande maturité possible tandis que pour les mousseux, un taux d’alcool naturel de 10% vol est suffisant. Avec une teneur en alcool plus élevée, il est difficile d’obtenir le démarrage de la seconde fermentation en bouteille. En outre, l’acidité du raisin doit être suffisamment haute pour donner au vin sa fraîcheur. Et cela, nous pouvons l’atteindre pratiquement chaque année. Nous vendangeons simplement plus tôt ou plus tard en fonction des conditions météorologiques, mais avec la maturité optimale. La contrainte climatique devient ici un atout. C’est aussi la raison pour laquelle on fait du champagne en Champagne… ”.

schorpion

Les trois cuvées de Wilfried Schorpion, Brut noir, Brut Nature et Brut d’or, sont élaborées avec des cépages nobles, Chardonnay et Pinot noir pour les deux premiers, complétés par de l’Auxerrois pour le dernier. Mais le véritable joyau du domaine Schorpion est le Brut Fibonacci, élaboré en intégrant au vin de l’année des jus des millésimes entre 1999 et 2008. L’opération lui confère une finesse incroyable mais entraîne également un prix de vente tournant autour des 40 euros contre 20 pour les autres.

Un excellent complément

Plusieurs autres vignerons flamands produisent quelques centaines ou milliers de bouteilles de vins mousseux lorsque la récolte des cépages blancs n’est pas aussi bonne qu’espérée ou si l’acidité de leurs raisins est trop élevée. Chez Aldeneyck, dix hectares non loin de Maaseik, Karel Henckens élabore 10.000 mousseux sur les 75.000 de sa production, et escompte passer rapidement à 25.000 bouteilles. Son Pinot Brut (Pinots blanc, gris et noir – 12 mois sur lattes) va être complété par le Chardonnay Heerenlaak Brut (100% Chardonnay, 24 mois sur lattes) actuellement en élevage et qui sera officiellement présenté le 10 septembre 2017! Dans son vignoble de Pietershof dans les Fourons, Piet Akkermans marie de façon très originale Riesling et Pinot gris pour créer le Crémant de Crindael. L’élaboration du vin est en réalité confiée à un producteur de vins effervescents allemand (“Sekterei”) ; 1300 à 2000 bouteilles sont ainsi commercialisées chaque année.

Dans le Heuvelland, non loin de la frontière française, Martin Bacquaert produit dans son domaine Entre-deux-Monts les cuvées Wiscoutre en blanc et en rosé à un rapport qualité/prix très intéressant. A découvrir ! Là aussi, le succès est au rendez-vous. Et même s’il n’a fait que 25.000 bouteilles en 2015, Martin espère en obtenir 70.000 en 2020 !

entre-deux-monts

A deux pas, Edward et Katrien Six produisent à Dranouter au domaine Wijngoed Monteberg de très bons vins blancs et rouges, mais aussi des effervescents depuis quelques années: Kerner Brut et Brut Rosé (10.000 litres en 2015).

Terminons ce tour des Flandres en citant la cuvée Joseph de Hagelander, le domaine de l’ancien ministre Rik Daems ou les vins Optimbulles à Stevoort. Après avoir baptisé son domaine du nom de Champinnot, les trois amis associés dans ce projet ont été obligés par le Comité Champagne de changer de nom, l’appellation Champagne et ses dérivés étant protégée par une loi en France.