Légers ou puissants, gourmands et croquants, rouges, blancs ou rosés, les vins des AOC Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages sont avant tout des vins-plaisir de qualité, élaborés par des gens qui savent faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. (Re)découverte.

Tout démarre d’un torrent. Situé à 2200 mètres d’altitude à la jonction de deux massifs des Alpes en Suisse, le glacier du Rhône donne naissance au fleuve qui porte son nom. Ses eaux tumultueuses descendent rapidement vers le Lac Léman qu’elles traversent avant de ressortir en France.

Rejoint à Lyon par la Saône qui vient l’enrichir, le Rhône parcourt en France quelque 550 kilomètres. Tout au long de son trajet vers la Méditerranée, il a façonné à travers les siècles, les millénaires mêmes, une Vallée aux paysages spectaculaires et terroirs multiples, berceau d’un vignoble dont l’origine est elle-même très ancienne.

Si la vigne était cultivée à Marseille dès le IVe siècle avant notre ère, à l’époque grecque, elle ne se développera dans la Vallée du Rhône que cinq siècles plus tard. Elle entre alors rapidement en concurrence avec les vignobles italiens.

Témoignage d’une époque florissante, la villa gallo-romaine du Molard abrita la cave de vinification la plus importante jamais identifiée dans la région. Elle produisait à l’époque 250.000 litres par an ! Développée jusqu’à la chute de l’Empire romain, la viticulture renaît au Moyen-âge sous l’impulsion du clergé qui avait besoin de vin pour le culte mais aussi pour assurer des revenus à ses abbayes.

Dès le XIVe siècle,  les Papes, installés à Avignon, vont eux aussi œuvrer au développement du vignoble. Vers 1600, le port de Roquemaure dans le Gard devient ainsi un grand centre d’expédition de vins par voie fluviale, et le restera pendant près de deux siècles. Le vin le plus réputé de la région tient son nom de la “viguerie d’Uzès” (nom d’une juridiction administrative médiévale – ndlr) appelée “Côste du Rhône” depuis le XIIIe siècle.

En 1650, une première réglementation en protège l’origine et garantit sa qualité. Plus tard, en 1729, un édit royal modifié en 1737 imposera même aux tonneaux de vins destinés à la vente du cru de Roquemaure et des environs d’être marqués au fer rouge des initiales C D R avec le millésime de l’année.

Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que la Côste du Rhône deviendra les Côtes du Rhône et que l’appellation s’étendra aux vignobles situés sur l’autre rive du fleuve. En 1929, le nouveau Syndicat général des Vignerons des Côtes du Rhône mena la bataille pour faire reconnaître la notoriété séculaire de ses vins et l’appellation d’origine contrôlée fut définitivement consacrée par le décret du 19 novembre 1937. En 2004, elle s’étend à 10 nouvelles communes dans le Gard et dans le Vaucluse.

CARTE

© Inter Rhone

Vin solaire

Deux appellations couvrent l’ensemble du territoire. L’AOC Côtes du Rhône régionale couvre 171 communes du nord au sud, entre Vienne et Avignon. A l’étage supérieur, depuis 1967, on trouve l’AOC Côtes de Rhône Villages présente dans 90 communes dans les quatre départements du sud, l’Ardèche, la Drôme, le Gard et le Vaucluse. Vingt communes sont en outre autorisées à faire précéder la mention Côtes du Rhône Villages de leur nom. Ce vaste dispositif est complété par dix-sept crus et deux dénominations de vins doux naturels.

Même si l’appellation Côtes du Rhône (Villages compris) concerne l’ensemble de la Vallée, celle-ci n’offre pas un visage homogène dans le nord et dans le sud. La première partie, appelée Côtes du Rhône septentrionaux, s’étend de Vienne (juste en dessous de Lyon) à Valence. Après une zone de 80 kilomètres sans vignes, celles-ci poussent de plus belle dans la partie sud, les Côtes du Rhône méridionaux, de Montélimar à Avignon, à la limite du Languedoc et de la Provence. 

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Gigondas – © InterRhone

Dans la partie nordiste coincée entre les Cévennes et les pré-Alpes, on trouve surtout de petites parcelles escarpées, en terrasses, avec des sols granitiques. Le climat y est continental, davantage soumis à l’influence du fleuve que plus au sud où se marque davantage l’influence de la Méditerranée. Plus on descend vers la Grande Bleue, plus le relief s’étire et se diversifie et passe lentement à des collines et à de vastes plaines alluvionnaires, riches en sédiments déposés par le fleuve au cours des millénaires.

Si le Rhône fait bien l’union entre nord et sud, un autre élément majeur est à souligner: le Mistral, ce vent violent qui souffle en permanence et qui est le meilleur ami et le meilleur allié de la vigne comme en témoignent de nombreux vignerons. Il naît de la différence de pression atmosphérique entre les deux régions. En 1956, il souffla pendant plus de trois semaines à plus de 100 kilomètres/heure, faisant descendre les températures à moins 15°C. La plupart des oliviers et des vignes gelèrent. Les producteurs durent alors choisir entre replanter des oliviers qui mettraient 20 ans à produire des olives de qualité ou des vignes rentables après cinq ans. Inutile de préciser le choix qui fut fait…

Le Mistral implique aussi un climat à quatre temps, avec deux saisons sèches (brève en hiver, longue en été) et deux saisons pluvieuses (beaucoup de pluies à l’automne et un peu moins au printemps). Les hivers sont donc doux avec des pluies peu fréquentes et une neige rare, et des étés chauds et secs avec une remontée des anticyclones subtropicaux accompagnés d’épisodes orageux parfois violents.

A suivre: « Cépages et terroirs du Rhône 2/3 »

Marc Vanel – 27/12/19 (reprise en trois parties d’un dossier paru dans Essentielle Vino n°17 en mars 2018)