Dans le Brabant wallon, l’Alsacien Matthieu Roy a planté 3,5 hectares de cépages résistants, dont deux variétés italiennes peu répandues chez nous. Un choix qui fera sans nul doute école.

Plantée au printemps dernier, cette parcelle de six hectares est située rue des Savoyards, non loin de l’Abbaye de Villers-la-Ville. Le projet s’inscrit dans une démarche environnementale positive, en bannissant tout traitement phytosanitaire chimique afin de réhabiliter et intensifier la vie organique propre de la parcelle. “Mon projet est né il y a longtemps, explique Matthieu (au centre sur la photo),  je viens d’une famille d’agriculteurs et quand on est ado et qu’on doit travailler avec les parents ou les grands-parents à ramasser les prunes tout l’été, ce n’est pas toujours drôle, mais cela laisse des traces. Je pensais que jamais je n’aurais de verger ni de tondeuse à passer… Je suis né à proximité du sud du vignoble alsacien, dans la vallée de Thann à Rangen, un Grand Cru où les pentes sont à 50°, mais je me suis toujours dit qu’à 40 ans, je ferais un métier agricole.”

Mais ce nouveau métier est récent pour Matthieu qui dirige en fait une société de consultance en sécurité industrielle (càd qu’il conseille les grosses sociétés à avoir moins d’accidents du travail), un job qui l’amène à souvent voyager en Belgique, en France ou même à l’étranger. “J’ai toujours eu envie de planter, reconnaît-il, cela fait plus de dix ans que je suis en Belgique et que j’entendais parler des vins belges. Le covid m’a privé de travail pendant six mois et cela m’a aidé à remettre mes idées en place. J’ai commencé à goûter et à me renseigner avant de suivre une formation viti-vino à l’IFAPME Perwez pour me remettre à niveau. J’habite à Bruxelles et j’ai cherché un terrain dans le Brabant wallon sans jamais y avoir habité.” 

 

Ici, les chénopodes font concurrence à la vigne… © Vanel

Pommes de terre

Après quelques recherches, il acquiert une parcelle de cinq hectares où poussaient des pommes de terre l’année précédente. « C’était impeccable quand on a planté, admet-il, mais 2021 a été une très mauvaise année pour les pommes de terre, une année très mouillée et toutes les petites patates sont restées sur place. Au printemps, les chénopodes ont véritablement explosé. Ce sont les risques du métier, ce n’est pas grave. »

Le terrain légèrement incliné compte six hectares avec les tournières, mais tous les plants n’ont pas encore été livrés et seuls 3,5ha ont été plantés sur les cinq prévus, le reste suivra en 2023. “J’ai voulu des interspécifiques nouvelle génération, avec deux gènes de résistance. J’ai choisi le Sauvignac, le Merlot Khorus et le Pinot Kors. Le Sauvignac obtenu par Valentin Blattner (qui ressemble un peu au Riesling et au Sauvignon) vient des pépinières Borioli en Suisse (le meilleur en interspécifiques pour moi) tandis que les deux autres variétés viennent de la pépinière italienne VCR (la plus grande pépinière européenne – ndla). Les Italiens ont fait différemment des Alsaciens de l’INRA ou même des Allemands, poursuit-il, ils sont couplés des Vitis Vinifera avec des vignes américaines alors que les Français ont fait l’inverse en partant des partant des vignes américaines pour les croiser avec des Vitis Vinifera.

Rouge et plus que bio

« Ma volonté est de faire vraiment bio, voire un peu mieux. J’avais d’abord dit non aux interspécifiques, mais en faisant le tour de l’Europe, j’ai trouvé de belles choses. Pour la petite histoire, j’ai bossé 10 ans chez un des leaders des phytos et des herbicides sélectifs et je me suis dit, voyant les précautions que prennent certains, qu’il n’était pas possible pour moi d’aller dans cette voie.”

Matthieu mène son vignoble seul, mais des aides sont rapidement venues de ses voisins et de quelques amis. “Michel (à droite sur la photo) est mon voisin le plus proche, il est tous les jours dans le vignoble, c’est un peu mon maître de culture finalement, il apprend super vite, et il veille quand je ne suis pas là.”

 

Fin juillet 2022 © Vanel

L’idée de Matthieu Roy est de produire du vin tranquille, surtout du rouge. “La parcelle est exposée plein sud, avec une pente de 10%, cela peut aider. On est encore dans l’excitation du début et il va falloir bosser, mais la confiance est là, je n’ai pas encore eu de mauvaise surprise. »

Si la place du chai est toute trouvée à l’entrée de la propriété, le plus difficile sera peut-être de baptiser le vignoble. “Domaine du Roy” étant une des sociétés de la Romanée-Conti, deux autres noms sont à l’étude… Une chose est certaine : le nom évoquera le sol sablonneux de la parcelle et/ou l’abbaye voisine. A suivre, comme on dit..

Marc Vanel – 26/9/22 (entretien 27/7/22)