Suite du périple corse effectué en juillet dernier en AOP Patrimonio et AOP Corse Calvi, des vins qui sont plus souvent qu‘on ne le pense disponibles en Belgique.

AOP Patrimonio

Première appellation corse à avoir été reconnue en 1968, l’AOP Patrimonio est avec Ajaccio une des deux appellations de type “cru”, elle regroupe une quarantaine de vignerons sur 450ha environ (certains viennent de planter) qui sont presque tous en bio !

Le Nieluccio représente ici obligatoirement 90% des vins rouges et le Vermentinu 100% des blancs. Les vignerons se distinguent l’un de l’autre selon la variété géologique et les microclimats de leurs terroirs calcaires, de schiste ou d’argile, ou encore selon leur situation géographique ou altitude (0 à 500m).

 

On attaque avec les rouges…

 

Une cinquantaine de vins ont été proposés en dégustation par le syndicat de l’appellation, épinglons quelques producteurs à (re)découvrir:

  • Le Clos Teddi déroule 38 hectares en bio à deux pas du désert des Agriates. Marie-Brigitte Poli y propose les trois couleurs en « Tradition » ou en « Grande cuvée ». Pas d’engrais, ni pesticide, les brises marines veillent au grain… Rien à jeter.
  • Le domaine Orenga de Gaffory a été créé vers 1966-67 mais vendait ses raisins à la coopérative. Vingt ans plus tard, Henri Orenga en sort et rachète des parcelles pour devenir aujourd’hui l’un des plus importants de l’AOP Patrimonio. La cuvée des Gouverneurs est juste somptueuse. Un grand vin. H. Orenga possède également le Clos San Quilico en plein cœur de la Conca d’Oro, sur la commune de Poggio d’Oletta. Vente en Belgique : Les Champs Fulliots, The Lodge Wines pour Orenga, et TG Vins pour San Quilico.
  • Clos Santini : établi à deux pas des chais du domaine Orenga, Franck Santini produit 250.000 bouteilles vendues par 350 cavistes sur le Continent. Tant ses rouges gourmands que ses blancs gastronomiques ou ses rosés (saignée et gris) sont à recommander. Depuis 2006, année du rachat du vignoble à la famille de son père, Franck est certifié bio (2009), a agrandi ses parcelles à 49 hectares. Il est assisté, e.a., par un bureau d’œnoconseil de… Montepulciano. En Belgique, chez Crombez.

 

De g. à dr.: Henri Orenga de Gaffory, Franck Santini et Thomas Santa Maria (Studio Maquis)

 

  • La famille Leccia est l’une des plus anciennes familles vigneronnes de la région (1900), mais attention, il y a le Domaine Leccia, ancien domaine familial repris par Annette Leccia, et celui de son frère Yves Leccia qui a créé son propre vignoble en 2005 avec son épouse Sandrine. Implanté sur les terroirs argilo-calcaires, le domaine développe la gamme « YL » sur Partinelone (en IGP Ile de Beauté) et une gamme AOC sur E Croce. Coup de cœur pour la cuvée L’Altru Biancu en IGP, où Yves Leccia redonne au Biancu Gentile toutes ses lettres de noblesse. Superbe. Vente à la Cave des Oblats.

 

  • Domaine Santamaria : jeune vigneron en pleine ascension, Thomas Santamaria (31 ans) a d’abord bossé comme sommelier et comme chef de rang avant de travailler avec son père, puis avec son frère Mathis. Ensemble, ils développent neuf cuvées originales, dont Tranoï en rosé (destiné aux Etats-Unis), en blanc (sur schistes décomposés) et en rouge, celui-ci se veut “vin de bistrot” et est à base de Grenache et Nieluccio en complantation. Le domaine est certifié bio depuis 2014. En Belgique au Chemin des Vignes et chez Catherine Jarbinet.
  • Crée en 2001 par Christophe Ferrandis, le Clos Signadore compte 7ha sur Patrimonio et 3 sur la côte Est. Son “A Mandria di Signadore” est à suivre.
  • Domaine Giacometti : excellente cuvée ‘Le vin coule dans mes veines’, très fraiche et juteuse, fruits rouges et épices, Sciaccarellu, Niellucciu et Grenache à parts égales. Vente chez Melchior Vins.
  • Domaine Giudicelli: l’excellent Patrimonio 2017 de Muriel Giudicelli est un bio nature d’une excellente facture. Savoureux. Son Corail blanc 2020 vaut également le détour ! Vente: Sapinot.
  • La cuvée Menhir du Domaine Montemagni, père et fille (Nadine est la tante de Franck Santini) est réalisée en monocépages dans les trois couleurs et aucune ne déçoit. Que du contraire. Vendu à la Cave Claudio à Jauche.

 

Marie-Françoise Devichi, alias Mlle D, dans ses vignes

 

  • Au domaine Devichi, Marie Françoise (6e génération) exploite 40 hectares de vignes autour de Barbaggio avec son père, précurseur dans l’élaboration de vin doux naturel et de muscat pétillant. Désormais à la tête du vignoble, la jeune femme est aussi connue sur les réseaux sociaux sous le nom de MlleD. Son compte Instagram compte près de 50K abonnés…
  • Egalement à épingler : la Cuvée Clothilde – Aligria de Jean-Laurent de Bernardi, ADN d’Emmanuel Gagnepain et David Risoul (deux œnologues qui font des cuvées à droite et à gauche en France), les vins du Clos Marfisi (président de l’appellation) dont plusieurs sont élaborés en amphore ou encore ceux du domaine Paradella.

NB : les vins de Antoine-Marie (Carco) sont formidables, mais n’étaient pas présentés dans cette dégustation. Et il y en a plein d’autres…

 

Le port de Calvi

 

AOP Corse Calvi

Après une excellente soirée au cœur de la Balagne, dans un resto en plein air au pied de Lumio, partons vers Calvi, destination très prisée des Belges dans l’aire d’AOP Corse-Calvi (262ha). Celle-ci ne compte que onze vignerons, dont six ont moins de trente ans. Leurs vignobles sont plus âgés qu’eux…

Faisons d’abord étape au domaine Alzipratu à Zilia, 40ha en bio, chez Marc-Andreu Acquaviva.  Créé dans les années 1960 par le Baron de la Grange, alors propriétaire du couvent d’Alzipratu, le domaine a été conduit par Maurice Acquaviva avant d’être repris par son fils Pierre. Longtemps vendus chez Colruyt, les vins d’Alzipratu sont bien connus chez nous et la dégustation a confirmé la réputation des cuvées Fiumeseccu (rivière sèche), Pumonte (au-delà des monts), Cismonte, vinifiée et élevée en jarre en terre cuite et grès, et Loghi. En vente au Comptoir corse.

On retrouve d’autres Acquaviva dans l’appellation : Marina au domaine A Ronca et son père Achille au Domaine Figarella à Calenzana qui produit aussi des vins d’orange, de mandarine et de myrte, qui remportent un franc succès. En vente au Comptoir corse.

 

A découvrir

 

A Calvi, ce n’est pas le rosé mais le rouge qui domine la production avec 43% du volume global pour 30% de blanc et 27% de rosé. D’autres variétés sont autorisées pour les rouges : outre le Niellucciu, le Sciaccarellu et le Grenache, on trouve ici des pieds d’Aléaticu, Barbarossa, Carcaghjolu neru, Minustellu, Carignan, Cinsault, Mourvèdre et Syrah.

Les sols granitiques des environs donnent d’excellents vins que ce soit au Clos Landry de Cathy Paolini (le Blanc des Copines porte bien son nom), au domaine Maestracci de Camille-Anaïs Raoust (cuvée E Prove), au domaine Bernard Renucci (la cuvée Pitraïa), ou au Château Prince Pierre-Napoléon Bonaparte racheté en 2018 par les frères Grisoli.

Locomotives

Viennent enfin deux domaines incontournables dans l’AOP Corse-Calvi. Le premier, Enclos des Anges, est tenu par Richard Spurr et son épouse Marjorie. Lui est anglo-irlandais et est venu en France pour jouer au waterpolo en professionnel. Il sympathise avec des vignerons, notamment Michel Louison à Faugères (Ch. des Estanilles), passe son BTS et expérimente la vinification à droite et à gauche. Elle, est ingénieure agronome et enseigne à Montpellier, notamment à Marina Acquaviva qui lui demande de venir donner un coup de main chez eux en Corse.

 

Coup de coeur absolu pour cet Enclos des Anges plutôt diabolique

 

La suite de l’histoire n’est pas difficile à deviner, le couple finit par reprendre en 2007 un vignoble qui a appartenu à la famille Michelin dans les années 80 et qui était sur le point d’être arraché… « La Corse est un pays avec des règles larges, explique Richard, il n’y a pas trop de contraintes, mais elle a aussi un côté diabolique : il faut tout faire tout seul, cela a un côté difficile. »

Le domaine propose deux gammes dans les trois couleurs dont le tiers est vendu sur place et dans lesquelles on trouve aussi de la Syrah et du Mourvèdre : Sesto en haut de gamme (13 à 17€ départ propriété) et Fraticello (9,50 et 13€). On ne demande qu’une chose : c’est qu’ils soient davantage disponibles chez nous. En vente au Comptoir corse (sous réserves)

La touche belge

Maire de Lumio, Etienne Suzzoni a cédé la direction du Clos Culombu à son fils Paul-Antoine, né de son union avec Christine, d’origine belge. Exposées plein sud entre le Monte Grosso (2000 m) et le Golfe de Calvi, ses vignes sont cultivées sans engrais chimique ni désherbant. Ses 64 hectares de vigne bio lui permettent d’offrir une gamme de presque 20 vins.

 

Etienne Suzzoni – Clos Culombu

L’encépagement respecte la typicité du vignoble corse mais fait aussi la part belle aux cépages oubliés (Brustianu, Cualtacciu, Riminese, etc.), sans parler de 36 autres hectares fournis par quatre apporteurs de raisins et qui servent aux entrées de gamme.

Un nouveau chai, state-of-the-art, a été récemment inauguré, c’est un régal pour les yeux, un mélange détonnant de cuves béton et inox, avec quelques jarres en terre cuite. Et les vins sont plus qu’excellents, ils sont e.a. vendus à la Maison des Vins (1170) et au Comptoir corse.

Et, au fait, le culombu est un coquillage en forme de trompe utilisé autrefois par les bergers pour communiquer d’une colline à l’autre…

Marc Vanel, 20/9/21 – Première partie du reportage: Cap Corse – ICI.