Certains ont déjà démarré, d’autres patientent : les vendanges wallonnes sont décalées de quelques semaines par rapport à la moyenne. En cause : un manque de maturité dû au gel et aux pluies qui ont entraîné une attaque de mildiou et de sérieuses pertes chez les uns et les autres. Un bref état des lieux pré-vendanges dans 19 vignobles avec quelques offres pour donner un coup de main.

On ne va pas se mentir : ce millésime est particulièrement difficile. « Une année de m… » comme l’affirme Vanessa Vaxelaire (Château de Bioul) qui a perdu 100% de son Johanniter et 50% de son vignoble de manière générale. Egalement en province de Namur, Jeanette van der Steen annonce que la récolte du Château Bon Baron ne dépassera pas les 25% !  « L’année a démarré en retard, avec beaucoup de pluies et souvent des températures très (trop) froides. J’ai pris la décision de ne faire cette fois que des blancs et des rosés, peut-être des effervescents, mais pas de rouge. »

Plus au nord, à Bovesse, au Domaine du Ry d’Argent, Jean-François Baele et Audrey, sont plutôt confiants. Très peu de dégâts dus au gel, quelques ornières dues aux inondations, mais pour le reste, le mildiou n’a touché que 50% de l’Auxerrois et du Dornfelder. « Les interspécifiques ne sont pas impactés. Notre Johanniter est beau et en bio. La vendange sera moindre qu’en 2020 et débutera ici vers le 10 octobre, avec presque 1 mois de retard. »

Chez ses voisins du Domaine du Chenoy, à part quelques dégâts sur le feuillage de certains cépages, aucune perte significative n’est communiquée, même si Pierre-Marie Despatures reconnait une moindre résistance avec le Johanniter et le Regent. Les vendanges ont déjà démarré et se dérouleront jusque mi-octobre. Envie d’y participer ? Cela se passe sur le site de Paysans-Artisans : ICI.

 

Exemples de dégâts dus au mildiou… Ici à Floreffe à Oze le Vignoble

 

Dans le Béwé

Episodes de gel, de grêle, de pluies incessantes et de maladies diverses (mildiou, oïdium, black rot,…) se sont ici aussi succédé tout au long de l’année, entraînant de lourdes pertes, mais surtout un retard important de maturité.

« Le revers de la médaille des 3 millésimes précédents plus chauds, remarque Vincent Dienst au Vignoble du Château de Bousval, avec des dégâts de mildiou assez importants, mais très variables selon les zones du vignoble. Nos pertes sont difficiles à estimer, vraisemblablement entre 20 et 50%. »

Au Try d’Argenteuil, à Lasne, dont c’est le second millésime, les pertes sont estimées à 70%. « C’est en effet une année très compliquée pour des novices comme nous, relèvent Michel Bulteel et Hervé Vanden Wayenberg. Nous n’avions rien mis en œuvre pour lutter contre le gel, nous avions cru en notre bonne étoile. Globalement, nous n’avons eu toutefois que très peu de dégâts dus au gel, environ 10% du vignoble, principalement du Chardonnay qui est un peu plus précoce. Par contre, les dégâts dus aux maladies sont estimés à minimum 50 % de la production, voire 70%. Une croissance très rapide de la plante, à laquelle s’ajoute un retard dans les pulvérisations suites aux pluies abondantes, ont fait que nous n’avons pas su garder un feuillage sain et nous avons même des attaques sur les grappes. La pression des maladies était toujours présente en ce début septembre ! Malgré cela, nous espérons une petite récolte. (± 1000kg), ce qui en soi est déjà très bien en année 2 pour autant que le soleil soit là dans les dernières semaines pour permettre une maturation des grappes restantes. Aujourd’hui (5/9), tout est encore possible, qualité et quantité limitée ou pas de vendange si la météo ne reste pas favorable jusqu’au 15 octobre. On croise les doigts. »

Baptême du feu également pour le quatuor qui a repris le Domaine de Mellemont à Thorembais-les-Béguines…  « Ce fut une année assez intense pour nous, car tout était nouveau, en plus des conditions climatiques compliquées. Comme tout le monde, nous avons souffert du mildiou, mais seulement sur une partie d’une des deux parcelles. Nos pertes sont estimées à 30%, le Müller Thurgau a surtout été impacté. Les quelques pieds de Solaris que nous avons se sont portés beaucoup mieux que les autres variétés classiques : très peu de traces de mildiou, très bon rendement par pied, très belles grappes. »

A Genappe, au Domaine de Glabais, Anne Geldhof et Christian Balduyck font le même constat : « Ce fut une année très difficile avec une pression de mildiou énorme. Beaucoup trop de pluie et peu de chaleur, ce qui engendre un retard d’environ 3 semaines. Les dégâts dus au gel ont été limités à 60 ares dans le fond de la parcelle (±30 % de dégâts) et nos nouvelles plantations ont trinqué avec les inondations et les coulées d’eau. Par contre, si le mildiou a fait des dégâts sur les feuilles, nous n’en avons eu que très peu sur les grappes, environ 5% sur les Pinots et 10% max sur le Chardonnay. Nous devrions vendanger les deux premiers week-ends d’octobre si la météo se maintient au beau. Nous avons besoin de bénévoles pour nous aider. Les personnes intéressées peuvent s’inscrire via domainedeglabais@gmail.com, par téléphone au 0474/061.162 ou via notre page Facebook. »

 

Dégâts des pluies à Glabais sur les jeunes vignes du domaine

 

Toujours dans le Brabant wallon, le Domaine du Chapitre espère lui aussi une météo plus clémente jusqu’aux vendanges qui s’étaleront jusqu’au 10 octobre. « Les raisins ne seront pas aussi nombreux que les années précédentes, notent Bertrand et Guillaume Hautier, mais la récolte devrait quand même être belle, même si tout sera décalé de quelques semaines. » A noter que le domaine organise des journées de cueillette (tous les détails sur leur site).

Vingt kilomètres au nord-ouest du Chapitre, à Saintes, le Domaine W concède que l’année a été pleine de défis, mais qu’elle pourrait bien se terminer. « Des bourgeons ont gelé au printemps, mais on en avait laissé plus à la taille et donc, finalement nous aurons même un peu plus de grappes. Pas de dégâts du mildiou non plus (uniquement sur quelques feuilles) et théoriquement aucune perte. Le volume 2021 devrait être supérieur de 20% à celui de 2020, mais une partie de nos vignes n’étaient pas encore en production l’an dernier. » Pour les vendanges estimées pour la période du 9 au 17 octobre, Sophie et Dimitri ont besoin de 400 personnes. Si les membres du Club W (qui ont la priorité), ne sont pas nombreux, appel sera lancé aux abonnés de la newsletter. Pour s’y inscrire : www.domaine-w.be.

 

Certains ont déjà démarré…

 

Dans le Hainaut

Chez Ruffus, « le bilan est très mauvais au niveau des vignes, communique John Leroy. Mais il a été agréable de pouvoir recevoir à nouveau des clients une partie de l’année et de reprendre contact. Nous avons accueilli plus de 30.000 personnes en juin, juillet et août avec nos événements et donc c’est le positif sur cette année compliquée. De manière globale, nous avons perdu  plus de 50% sur les Chardonnays et 30-40% sur les Pinots. » Aïe, il va à nouveau se battre dans deux ans pour trouver des bouteilles…

 

Vendanges 2020 au vignoble des Marnières

 

Dans les provinces de Liège et Luxembourg

Huit domaines pour clôturer ce rapide tour de piste.

Occarius tout d’abord, à Ocquier (Clavier), non loin de Modave. Pour Marc Monfort, le début d’année ayant été froid, « le débourrement a été tardif, cela nous a permis d’éviter les gelées de printemps (Saints de glace). Cela promettait une bonne récolte, tout en estimant qu’il y aurait une quinzaine de jours de retard pour la période des vendanges. L’année ayant été très pluvieuse, nous avons subi la perte d’une vingtaine de pieds de vigne dans une zone où il y a une résurgence d’eau (asphyxie des racines?).

De plus, pas moyen d’aller en tracteur dans les vignes pour effectuer des traitements. Cela a permis au mildiou et à l’oïdium de s’installer, mais assez tardivement (début juillet) avec un premier traitement vers le 20 juillet, puis en août. Il est difficile de dire ce que l’on va perdre en pourcentage; cela va dépendre également des maturités futures car les vendanges seront tardives. Une chose est certaine : le Dornfelder est complètement ravagé, Regent et Pinotin sont touchés à des degrés divers mais permettront une récolte acceptable. Du côté des blancs, le Johanniter est celui qui est le plus touché mais une récolte est possible. Solaris et Sauvignac se portent bien; le point sensible sera la maturité de ce dernier qui est tardif en temps normal. »

 

Le Regent a marqué des signes de faiblesse cette année (ici à Villers-la-Vigne)

 

Marc Monfort s’occupe également de deux parcelles en province de Luxembourg. « A Septon, le Johanniter et Souvignier gris sont légèrement atteints, et une récolte sera possible mais avec un petit rendement car ce n’est que la deuxième feuille. A Harsin, les plantiers de l’année (Chardonnay en sélection massale, Pinot noir et Pinot Grigio) sont totalement affectés par le mildiou. »

A Huy, les vignes du Clos Bois Marie récemment repris par Didier Hanin ne seront pas vendangées, car trop malades, il n’est pas le seul dans le cas. Un peu plus haut dans la chaussée de Waremme, le vignoble « Bois Marie Hautes Vignes » a également gelé mais à 50% seulement et enregistre 10% de de dégâts dus au mildiou, et une récolte réduite de 55% en bout de course. Alors qu’il s’agit de variétés résistantes… Pas simple, la vie de viticulteur.

Egalement propriétaire d’une parcelle à Verlaine (dont il vend les raisins) avec des variétés classiques, Alain Dirick remarque que « les cépages classiques ont plus de maladies malgré deux fois plus de pulvérisations, mais pas spécialement plus de perte. Il y a des grains séchés a cause du black rot, maladie à laquelle les anciens interspécifiques ne sont pas tolérants. Le Johanniter a un peu plus trinqué que les autres, mais aucune comparaison avec les cépages classiques. »

 

Le Zweigelt semble être à l’abri des maladies. Bon à savoir…

 

A Warsage, les raisins de Pinot noir et de Chardonnay de Benoît Heggen (Vignoble des Marnières) semblent avoir été épargnées. Certaines parcelles sont moins belles, mais peu de pertes. Et sur la parcelle la plus récente, le Zweigelt se révèle « totalement insensible aux aléas climatiques ». Les grappes sont en effet très belles.

Enfin, terminons avec le plus grand vignoble de variétés résistantes et bio de Wallonie : Vin de Liège.

« Le gel est arrivé à un moment où les bourgeons étaient déjà en cours de développement, se rappelle Alec Bol, du coup, grosse sensibilité. Nous avions investi dans des tours à vent, elles nous ont permis de limiter les dégâts. Néanmoins, comme c’était une gelée noire (vent froid), les parcelles qui habituellement ne gèlent pas ont quand même eu des dégâts. Perte globale : 25%. Par rapport au mildiou, certains cépages ont bien résisté (Solaris, Muscaris, Cabernet Cortis), d’autres moyennement (Souvignier Gris, Pinotin) et certains très peu (Johanniter).

Les pluies diluviennes que nous avons connues à Liège ont créé une attaque foudroyante de mildiou qui a été difficile à maîtriser. C’est le Johanniter qui a connu les plus grosses pertes (50%) ainsi que les zones qui sont proches (la quantité de spores du mildiou y était impressionnante). Pertes globales : 25%. Nous devrions récolter 600hl si tout va bien (pas de développement de botrytis). Vu les faibles rendements, nous espérons encore récolter une belle qualité … mais c’est clair que les vignes ne sont pas en avance (une semaine de retard par rapport à 2019). Quoi qu’il en soit, on se consolera en se disant qu’on a appris énormément et qui, si nous devions retrouver une année avec de telles conditions, nous ferons certainement mieux. »

Marc Vanel, 24/09/21