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Durant l’été, de nombreux médias ont évoqué les vignobles belges, faisant parfois remonter leur origine aux Romains. Remettons les pendules à l’heure avec cet extrait (remanié) du livre « Vignobles de Sambre et de Meuse » que j’ai publié avec Guy Durieux en novembre 2013.

S’il est avéré que les Gaulois buvaient du vin de Grèce il y a 2600 ans d’ici, il faudra toutefois attendre le IIIe siècle pour voir apparaître des cépages résistant aux climats plus tempérés et pour que se propage la vigne vers le Nord de l’Europe, au-delà de la vallée du Rhône.

La culture remonte alors le Rhône et la Saône, arrive en Bourgogne et de là, descend la Marne vers ce qui deviendra la Champagne, puis vers les Flandres et la Grande-Bretagne. Dans le même temps, elle gagne l’Alsace, la Moselle, le Rhin et même le Danemark.

Quand la vigne s’est-elle dès lors développée chez nous, ou du moins sur ce qui deviendra “chez nous” en 1830… S’il est clair que les Romains n’y sont pour rien (ils étaient déjà partis depuis longtemps), il n’est pas si évident de s’accorder sur une date.

Le premier à s’y frotter est Joseph Halkin, futur fondateur du Département de Géographie de l’Université de Liège, qui réalise en 1895 le premier et toujours unique relevé de l’évolution de la vigne en Belgique, donnant, province par province, commune par commune, les dates et lieux de plantation, le tout agrémenté d’un extraordinaire panorama de cette culture à travers les âges (disponible gratuitement en ligne sur le site de Marc De Brouwer, vignes.be).

D’après ce géographe-historien, les premières mentions dans les textes indiquent des débuts de viticulture simultanés en Flandre et en Wallonie. A Gand, dès 815, sous l’abbaye Saint-Pierre. Du côté wallon, la même année, l’évêque de Liège Walcaud, nommé par Charlemagne, accorde à l’abbaye de Saint-Hubert (qui n’en avait pas) un vignoble à Huy et un autre sur les coteaux qui dominent Liège, dans l’actuel faubourg de Vivegnis (Oupeye), le point de départ d’une culture qui s’étendra jusqu’à Maastricht au fil des années.
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Louvain au XVe, bel exemple de viticulture urbaine

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(…) Halkin relève qu’au VIIIe siècle, les bords du Rhin étaient couverts de vignobles et que c’est dans le même temps qu’apparaissent les premiers essais de viticulture dans nos contrées. La vigne apparaît au IXe siècle à Liège et à Huy, au Xe à Namur et Andenne, puis dans toute la vallée de la Meuse en direction de la France.

Vers le sud de la “Belgique” aussi, à Saint-Hubert, Bouillon, Rochefort, Marche dans la région de Namur, Anseremme, Godinne, Florenne et Gembloux dont l’abbaye posséda jusqu’en 1555 une vigne donnée en 987 par Notger, prince-évêque de Liège (que l’on pourrait considérer comme le premier promoteur de la vigne en nos contrées).

La culture se développe principalement le long de la vallée de la Meuse et dans celles de ses affluents. Mais, plus loin, on pressa également du raisin à Tournai, dans la vallée de la Sambre, à Bruxelles, Anderlecht, Forest, Saint-Josse, ou encore dans la périphérie de Bruxelles, à la fois dans la vallée de la Senne et la vallée de la Dyle jusqu’à Louvain, Wavre, Braine-l’Alleud, Braine-le-Château, Grand-Bigard.

Dans la région actuellement flamande, une charte de l’an 942 situe sur une pente du mont Blandin, le vignoble de l’abbaye Saint-Pierre à Gand. Les plus anciens témoignages de la culture de la vigne dans le Limbourg belge remontent à 1079, on trouvait en effet des vignes à Hasselt, Saint-Trond, Geel, Herentals mais aussi, et on retrouve donc le « pays de Meuse », vers Maastricht en Hollande.

Louvain posséda plusieurs vignobles à l’intérieur de ses remparts. (…) Des ceps furent également plantés à Malines, Hoegaarden, Anvers, Alost, et même à Bruges.

Le vin, quelle que fut sa qualité, est alors la boisson la plus commune et accompagne toujours les repas quotidiens de nos ancêtres médiévaux. Mais dans les villes uniquement, car à la campagne, le vin est réservé à la fête, aux grands événements, les paysans lui préférant l’eau de source.

« En ville, l’eau est soit puisée dans des puits communs souvent contaminés, soit distribuée par des porteurs qui ignorent tout de l’hygiène ou encore amenée par des canalisations et des fontaines souvent polluées par des germes pathogènes. Non épurée, ni désinfectée, l’eau sera la source principale des grandes épidémies qui dévasteront l’Europe occidentale et qui mettront même en danger l’avenir de l’espèce humaine. (…) Boisson de la survie urbaine, boisson obligatoire des citadins, le vin permet de résister à la promiscuité des villes. » (« La viticulture en Belgique : vues historiques et prospectives », par Jean-Marie MARTENS, in « Parcs nationaux », Bulletin trimestriel de l’association Ardenne et Gaume asbl, volume XXXVIII, 1983, fascicule 1).

Marc Vanel, 01/09/20

 

 

 

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