Créée par Didier Mattivi et Hugues De Pra, la société Barwal a livré neuf premiers fûts de chêne provenant de forêts wallonnes et fabriqués en partenariat par la Tonnellerie de Champagne. Leur ambition est de construire une tonnellerie en Wallonie d’ici deux ou trois ans.
Ingénieur civil en physique (Ulg) et diplômé en Management (Solvay Business School), Didier Mattivi a revendu en 2017 sa société de télécommunications à British Telecom et décide alors d’investir dans la fabrication de fûts de chêne belge.
“Je suis menuisier amateur et grand amateur de vin, je suis allé voir l’Office wallon du bois pour voir si on avait les qualités de chêne nécessaires pour faire des fûts en Belgique. Ce qui m’a été confirmé par plusieurs tonneliers français qui s’approvisionnent en Belgique (Philippeville, Rochefort) qu’ils vendent sans préciser que c’est du bois belge. J’ai rencontré par ce biais la Tonnellerie de Champagne et un partenariat a été conclu. Nous sélectionnons des arbres qui sont transformés en douelles (les lames d’une barrique – ndlr) qui sèche pendant trois ans dans notre parc à douelles. Celles-ci sont ensuite livrées là-bas et assemblées avant de revenir en Belgique. Nous avons eu nos premières ventes cette année mais avec un volume réduit, car il fallait avoir le bois bien séché. Nous allons essayer de monter en puissance pour satisfaire tout le marché belge d’ici trois ans.
Nous travaillons sur le projet depuis quelque temps déjà, poursuit-il, avec les gens du monde du bois pour avoir les connaissances et avoir accès aux bonnes matières premières. Le but est de fournir un produit 100% naturel, local et en circuit court, qui permette de révéler les terroirs de Belgique. La viticulture belge est en pleine explosion, il y aura des terroirs plus adaptés que d’autres, l’idée est d’amener ce côté local, de mettre en valeur ce patrimoine naturel qui n’est pas valorisé. Car le chêne de qualité merrain, la première qualité, n’est pas valorisé, il est habituellement transformé en meubles, alors qu’on peut le transformer en fûts.”
Dans le montage de son projet, Didier Mattivi est rejoint par Hugues De Pra, ingénieur civil en électronique et passionné de vin lui aussi, il est d’ailleurs l’organisateur du Championnat de Belgique de dégustation à l’aveugle et l’animateur du site lesvins.be. Ses influences sont même italiennes car sa famille importe des vins, des mousseux et grappas ainsi que des vinaigres de Vénétie.
“J’ai découvert le monde du vin, explique Hugues, en faisant les vendanges à gauche et à droite, en voyageant, sur le terrain. J’ai rencontré les membres de la Confrérie de Villers-la-Vigne, je suis investi dans certaines coopératives ou domaines, comme “Vin du Pays de Herve” ou le Domaine W. J’ai rejoint Didier dans ce projet, dans lequel j’aimerais également aider les vignerons à prendre des décisions. Aujourd’hui, tout est empirique: le vigneron goûte son vin et décide qu’à un certain moment il est assez boisé, mais la question qui se pose est surtout : “la barrique qui est en face de moi-t-elle encore un potentiel pour travailler le vin comme je l’entends.”
Boiser ou pas?
Peu de vignerons belges utilisent aujourd’hui des barriques et dès lors une des premières réflexions est de déterminer s’il faut ou non boiser le vin wallon ou flamand?
“C’est pour cela que l’on travaille avec un tonnelier champenois, répond Hugues, car ce genre de questions se pose aussi pour les champagnes. On va être sur du bois qui va apporter de la micro-oxygénation plutôt qu’un transfert fort de tanins. Et cela se travaille au niveau de la chauffe aussi. Certains chauffes vont amener du bois très fondu plutôt que des choses agressives, où le bois prend le pas sur le vin. C’est un travail collaboratif entre le tonnelier et le vigneron pour avoir le fût optimal par rapport à ce que la personne veut en faire a.
C’est pour cela que nous nous positionnons comme partenaire des vignerons qui ont envie de faire un bout de chemin avec nous, les écouter vraiment, les conseiller, les former, connaître le type de chauffe pour tel cépage, quel boisé pendant combien de temps,… Bref, conseiller pour mettre tout cela en place. Chez Barwal, nous serons attentifs au cycle de vie de la barrique et à sa traçabilité, elle sera équipée de QR Code permettant de l’identifier, d’enregistrer les vins qu’elle a contenus, etc.
La nature prend 150 ans pour faire un chêne, il faudra aussi pas mal de cycles pour optimiser tout cela. C’est une aventure qui commence. Et pas uniquement dans le vin, car nous avons déjà des demandes dans le monde de la bière, de l’alcool, des cidreries, c’est un contenant que l’on peut décliner…”
Et après?
Les neuf premières barriques ont donc été récemment délivrées. Notamment à Benoît Heggen au Domaine des Marnières à Warsage ou à la coopérative de Herve. Mais Barwal voit bien sûr plus loin et espère arriver rapidement à une fabrication de 100 barriques par an qui leur permettrait de créer une vraie tonnellerie locale en Belgique.
“Nous avons un partenaire scieur (Hontoir à Gesves), conclut Didier, qui a de la place pour stocker ce genre de produits, mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, il faut qu’il y ait un marché suffisant pour pouvoir justifier un investissement de 50 à 100.000 euros dans des machines ad hoc et environ 100.000€/an pour deux ouvriers. Nous sommes dans une démarche-passion, mais cela doit aussi être une démarche économiquement rentable.”
Actuellement, Barwal commercialise des fûts neufs de 228 et de 300 litres mais aussi des formats plus petits de 57 et 114 litres. Des fûts bourguignons et champenois d’occasion sont également disponibles en 228 litres (2 à 4 vins blancs ou rouges) et 350L (3 à 5 vins blancs)
Infos : barwal.be
Marc Vanel, 23/10/20 (entretien du 26/9) – Photos: Barwal