Début juillet s’est déroulé à Cortina d’Ampezzo en Italie, le colloque VinoVip qui a fait le point sur les “nouvelles compétences” dans la viticulture. Eugenio Sartori, DG de VCR, a présenté les grandes tendances variétales en Europe ainsi que les nouveaux cépages résistants.

[Article paru le 29/9 dans Le Sillon belge – Photo ci-dessus Civilta del bere]

Plus grande pépinière mondiale, excusez du peu, la coopérative Vivai Cooperativi Rauscedo, produit 80 des 130 millions de boutures de pieds de vigne achetées chaque année en Europe, dont 2,3 millions de boutures de variétés résistantes. VCR multiplie quelque 646 variétés, dont une soixantaine destinées à la table. Près de la moitié de sa production est exportée, c’est dire l’importance de la pépinière dans le vignoble mondial.

Parmi les orateurs invités par Civilta del bere, Eugenio Sartori, directeur général de VCR, a dressé le portrait des tendances en Italie et en France, une comparaison intéressante et riche d’enseignements que nous complétons avec quelques considérations sur la Belgique.

Dans la Botte tout d’abord, le top 10 des cépages les plus utilisés est constitué dans l’ordre de: Glera (cépage principal du Prosecco), Pinot grigio, Sangiovese, Primitivo, Chardonnay, Barbera, Trebbiano toscan (l’équivalent de l’Ugni blanc), Merlot, Montepulciano et Vermentino. Ces dix variétés correspondent à 55% des boutures produites contre 484 variétés pour les 45% restants !

Un bémol à ce tableau: le trio de tête est passé de 37 millions en 2016-17 à 17,7 millions en 2021-22! La Glera accuse l’un des plus importants reculs avec une perte de 64% en cinq ans. La seule variété qui progresse vraiment est le Primitivo, cépage iconique des Pouilles notamment (+78,6%).

 

© Eugenio Sartori – VCR

 

Mouvements dans les rouges

Toujours en Italie, les variétés rouges internationales que sont le Merlot, la Syrah et le Cabernet sauvignon ont détrôné le Pinot nero (Pinot noir). Comme le souligne Sartori, “la préférence actuelle en Italie est aux variétés à fertilité élevée pour assurer un potentiel de production plus élevé. De plus, vu les changements climatiques, on note un intérêt croissant pour les cépages tardifs à haute résilience aux températures élevées, comme le Cabernet sauvignon, le Carignan ou l’Aglianico qui se plaît dans les climats particulièrement ensoleillés du sud du pays”.

© VCR

Dans le centre et le sud de l’italie, l’influence du changement climatique sur le choix des variétés est forte. Suite à des étés très chauds, le Sangiovese a perdu du terrain en Toscane au profit du Merlot qui, par contre, a été abandonné en Sicile aux hausses de température trop importantes et en partie remplacé par le Nero d’Avola et la Syrah.

Enfin, dans les régions plus fraîches du nord et nord-est de l’Italie, on assiste à la propagation du Merlot, du Refosco (et ses déclinaisons) et de la Carmenère qui, grâce à l’augmentation des températures donnent des vins plus doux et moins herbacés que par le passé.

 

Dans les blancs

Les cépages blancs italiens sont assez constants depuis 2004. Les principales variétés indigènes sont la Malvasia di Candia, le Trebbiano toscano, Trebbiano romano et le Vermentino. Cultivé surtout en Sicile, le Cataratto est en chute libre.

Du côté des variétés internationales, sept variétés se partagent le marché italien: Chardonnay, Pinot grigio (qui est bien un cépage blanc), Sauvignon, Traminer, Moscato, Pinot bianco et Viognier. Parmi les autres cépages blancs connus chez nous, relevons-en six : Falanghina, Pecorino, Garganega, Greco di Tufo, Passerina et Fiano.

 

Trebbiano romano dans les Abruzzes – © Vanel

 

Comme pour les rouges, les viticulteurs se tournent désormais vers des cépages plus tardifs, avec une haute acidité et un large profil aromatique (Vermentino, Viognier, Grillo, Durella). Toutes les variétés précoces sont en recul.

“La Glera connaît une évolution avec des hauts et des bas depuis une quinzaine d’année, souligne Eugenio Sartori, elle est surtout cultivée dans l’aire d’appellation du Prosecco, mais aussi dans la vallée du Valbelluna ou dans les zones de pré-montagne des Dolomites. Il y a 20 ans, on n’y pensait même pas.”

 

© VCR

 

Dans l’Hexagone

La situation, toujours d’après Eugenio Sartori, est plus stable en France où les dix variétés les plus utilisées sont ici : Chardonnay (en recul de 8% toutefois), Ugni blanc (+80% sur les cinq dernières années), Merlot (-43%), Grenache, Syrah, Pinot noir (+14%), Cabernet sauvignon (-21%),  Sauvignon (-22%), Cabernet franc et Cinsaut (+43%). Ce groupe de dix représente lui quasiment 70% de l’ensemble des variétés nouvellement plantées. Quelque 304 cépages se partagent les 30% restants! Diversité, quand tu nous tiens…

 

Et chez nous?

En Belgique, on retrouve deux catégories de cépages. D’une part, les cépages de type Vitis vinifera comme les variétés françaises citées ci-dessus, avec une large prédominance du Chardonnay (plus de 230 ha dans les deux régions) et du Pinot noir (83 ha). Et d’autre part, les vignes résistantes aux maladies cryptogamiques de la vigne et souvent évoquées dans ces pages. Représentant 40% des superficies, il s’agit des Johanniter, Solaris, Regent, Muscaris et autres Pinotin.

Jusqu’à présent quasiment inconnus en France en raison d’un certain protectionnisme des appellations, ces variétés font à présent leur apparition chez nos voisins français, notamment grâce à quelques champs d’expérimentation, mais le chemin sera encore long. Par contre, d’autres projets, comme le projet KIM également présenté au VinoVipCortina, ont permis à certaines variétés étrangères considérées comme plus résistantes au changement climatique de faire leur apparition hors de leurs frontières. La France a ainsi permis l’introduction du Xinomavro et de l’Agiorgitiko provenant de Grèce, le Saperavi géorgien, l’Albariño espagnol ou le Nero d’Avola italien.

© Vanel

“L’objectif des 400 chercheurs impliqués à divers titres dans l’étude française, a expliqué le patron de VCR, est de créer une série de parcelles d’aptitude, non seulement dans les 10 départements viticoles français, mais aussi dans des départements non viticoles, comme la Bretagne et la Normandie. La priorité est toutefois donnée aux régions françaises du sud, plus exposées aux problèmes d’aridification, c.à.d. le changement de climat graduel ou brutal conduisant à une situation d’aridité.”

Mais les vignes résistantes font doucement leur chemin. En 2015, VCR a entamé avec l’Université d’Udine un programme de croisement pour obtenir des nouveaux cépages résistants au mildiou et à l’oïdum avec un potentiel œnologique élevé, pour le raisin de cuve ou de table ainsi que des variétés autochtones améliorées (VAM). La pépinière commercialise déjà une vingtaine de ces nouvelles variétés.

Si le Johanniter, Muscaris, Bronner, Regent et Cabernet Cortis sont déjà bien implantés en Belgique, surtout en Wallonie, d’autres sont dans les starting blocks et devraient remporter un vif succès dans les prochains mois, car basés sur des variétés très connues comme le Cabernet, le Merlot ou le Pinot. Vin de Liège a planté quelques rangs de ces variétés pour les tester. Plus récemment, soit au printemps dernier, Matthieu Roy a lui aussi planté quelques hectares de Sauvignac, de Pinot Kors et de Merlot Khorus à Villers-la-Ville, c’est l’un des premiers à le faire à cette échelle avec des cépages aussi récents, il va ouvrir une nouvelle voie.

Marc Vanel, 4/10/22

Merci à Eugenio Sartori pour ses précieux renseignements et son powerpoint “Le tendenze varietali” aimablement mis à disposition. Toutes les interventions à VinoVip sont accessibles sur le site civiltadelbere.com.