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Planté en 2013 non loin de Saly au Sénégal, le Clos des Baobabs est l’unique vignoble d’Afrique de l’Ouest. Les premières bouteilles viennent de sortir fin novembre.
Planter un vignoble au milieu de nulle part dans un pays tropical, de surcroît majoritairement musulman, relève bien sûr de la gageure, mais cela n’a pas découragé le Français Philippe Franchois (70 ans) et son associé franco-canadien François Normant (56 ans), deux « toubabs », comme on dit ici.
Pour Philippe Franchois, longtemps actif dans le secteur de l’assurance et passionné de vin, ce projet est l’aboutissement d’un long processus. « J’ai passé une trentaine d’années en Bourgogne où j’avais tout un réseau d’amis viticulteurs, mais je suis en fait natif du Sénégal et je voulais revenir avec un projet agricole un peu décalé. Tous ces liens se sont croisés et l’idée a mûri après avoir observé que l’on faisait du vin partout en Afrique, sauf en Afrique de l’Ouest. »
L’homme s’associe alors avec François Normant, docteur en chimie, installé en 2008 à Nguékhokh avec son épouse sénégalaise et qui avait acheté une vaste propriété dans le but d’y développer un projet agricole innovant. Mis en relation par des amis communs, les deux hommes unissent leurs forces et lancent en 2013 un vignoble expérimental avec une dizaine de cépages.
Une première parcelle de 0,5 ha a permis de tester de 20103 à 2017 plusieurs variétés (Cabernet sauvignon, Sangiovese, Grenache, Cinsault, Syrah), puis Petit Verdot, Carignan et Malbec dans un second temps, mais seul le Grenache (d’abord palissé, puis taillé en gobelet) a donné des fruits, il règne désormais seul sur l’exploitation qui compte deux hectares, surface qui sera doublée en 2022. « D’un vignoble expérimental, se réjouit M. Franchois, nous passons maintenant à un domaine viticole naissant, embryonnaire mais qui est réel. Depuis fin novembre, nous grâce à l’agrément alimentaire des autorités sénégalaisesl, nous commercialisons deux millésimes, 2019 et 2020, en rouge et en rosé. 2021 est dans les cuves. »
Soleil, soleil
Nous sommes ici à environ 90km au sud de Dakar et à 25km de la Petite Côte, connue pour ses activités touristiques, notamment autour de Saly. A deux pas de la célèbre réserve animalière de Bandia, une piste mène à une propriété que rien ne signale, sinon une vieille plaque rouillée. Point d’électricité, mais malgré tout un puits avec une pompe alimentée par un groupe électrogène qui permet d’arroser au goutte à goutte les pieds de vigne pendant son cycle actif.
Tout comme dans d’autres pays tropicaux, il est possible de faire ici deux vendanges par an, mais cette possibilité a vite été abandonnée : « Le cycle de la vigne, explique Philippe, est de 130 jours et va de janvier à fin mai, avec des vendanges début juin. Lors de la mousson en été, il pleut beaucoup, cela amène des maladies. Nous avons fait à nos débuts quelques tests de vendanges hivernales, mais cela ne donne pas de beaux raisins. Le vin n’était pas à la hauteur de nos espérances. Nous mettons alors la vigne en hivernage en arrêtant l’irrigation jusque janvier. Nous sommes les seuls à faire cela en Afrique, pour compenser l’absence de froid. »
Mais le climat n’est pas le seul défi de ce petit vignoble, confie Abdoulaye Ndiaye, chef de culture : « Les termites sont l’ennemi n°1 (pour tout ce qui est végétal d’ailleurs), nous avons beaucoup de dégâts, sans parler des pythons et des singes, grands amateurs de raisins… Il faut mettre des filets, sinon il ne reste rien. Un pied de vigne vit ici 10 à 15 ans, bien moins qu’en Europe, il faut toujours replanter, nous faisons nos propres boutures et on voit qu’elles tiennent mieux que les pieds qui viennent de France, car elles sont nées ici. Pendant l’hivernage, nous enlèvons quelques grappes, pour ne pas fatiguer la vigne. »
Cela permet de produire actuellement 800 à 1000 bouteilles vendues dans le pays au prix de 24.000 CFA, soit ±36€, ce qui est relativement cher dans un pays où le salaire moyen tourne autour de 150€. Pour avoir dégusté le rouge, il faut reconnaître que le produit a beaucoup de charme, est bien fruité, même si léger, faisant penser à un Pinot noir ou un Cinsault mais ne boudons pas notre plaisir, il est réussi et pour le moins original.
Mais comment vendre du vin dans un pays musulman à plus de 85% ? « Nous visons la diaspora sénégalaise, conclut Philippe Franchois, et les Sénégalais qui connaissent un peu le vin. Nous avons pour objectif de développer un domaine pérenne de 5 à 10ha productifs, toujours avec le Grenache, c’est ce que la nature nous donne de mieux. »
Infos : page Facebook : closdesbaobabs • Infos: pfranchois@clos-des-baobabs.com
Marc Vanel