Fin de notre tournée des vignobles belges avec une première évaluation du millésime 2019 par les vignerons eux-mêmes. Au nord du pays, le point de vue très éclairant des domaines Waes, Entre-deux-Monts, Meerdael, Hoenshof, Genoels-Elderen et Aldeneyck, six acteurs majeurs.

A Gand (Flandre orientale)

Priorité à Lodewijk Waes, actuel président des Vignerons flamands (qui s’appelle en réalité “Belgische Wijnbouwers” mais c’est un autre débat) et propriétaire du Wijndomein Waes, sur les rives de l’Escaut, à hauteur de Zwijnaarde (Gand). “Le début de la croissance a débuté assez tôt début avril et la vague de froid à partir de début mai n’a provoqué que quelques dégâts épars dus au gel, mais qui, dans la plupart des cas, a réduit les grappes et même provoqué des problèmes de floraison dans les variétés de cépages les plus sensibles. Durant l’été chaud et ensoleillé, la sécheresse a provoqué un stress hydrique, en particulier sur les sols plus sableux, mais en général, ce n’est pas trop grave. Par contre, les températures extrêmement élevées autour de 40°C à la fin du mois de juillet ont entraîné partout des pertes de récolte. La pression la plus élevée pour les infections fongiques vint du “vrai mildiou” qui a été très persistant à certains endroits.

Les conditions météorologiques favorables jusqu’à la mi-septembre ont permis de récolter dans des conditions optimales les variétés précoces pour les vins mousseux et tranquilles issus, avec des teneurs en sucre et en acidité presque parfaites. Après cela, une période variable avec beaucoup de précipitations a entraîné une certaine diminution de la teneur en sucre et dilué les jus. La récolte des variétés noires précoces, pour le vin rouge, et les variétés blanches, pour le vin tranquille, est quelque peu décevante en termes de teneur en sucre, car tout semblait très prometteur avant la pluie. Les variétés tardives ont été inévitablement touchées par le botrytis. De manière générale, les volumes de récolte sont inférieurs de 10 à 15% à ceux de 2018, qui était une année exceptionnelle dans tous les domaines. Mais on peut dire que 2019 a été une excellente année de qualité pour les vins mousseux et une année belge supérieure à la moyenne pour les vins blancs et rouges tranquilles. »

 

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Equipe de vendanges chez Martin Bacquaert (en bas à droite)

A Westouter (Flandre occidentale)

Au sud-ouest de Kortrijk, entre Comines et Poperinge, dans le Heuvelland, au domaine Entre-deux-Monts, Martin Bacquaert déplore des dégâts dus au gel printanier sur une parcelle en terrain plat et ce, pour la première fois en quinze ans! « Toutes les autres parcelles, notamment sur les coteaux, ont été épargnées », remarque-t-il. « Beaucoup de chaleur en été, et à nouveau une saison très sèche, sans stress de sécheresse préjudiciable, même s’il y a eu quelques dégâts dus aux coups de soleil (on parle d’échaudage). En juillet, nous avons eu des dégâts de moisissure sur le même terrain que celui où le gel printanier a frappé. Pour cette raison, nous avons dû faire une récolte en vert supplémentaire pour couper les raisins touchés. Résultat: -50% de rendement sur cette parcelle. Pendant la récolte, le plaisir a été presque gâché par la pluie, mais la qualité est finalement restée bonne.
Résultat global : une année qualitativement mûre avec plus de concentration que 2018. Le rendement est correct, à savoir 40 à 55 hectolitres par hectare, et inférieur à celui de l’année exceptionnellement productive 2018. Phénologiquement, les raisins étaient parfaitement mûrs avec un rapport sucre/acide plus élevé que 2018. En raison du rendement très élevé de l’année dernière, on relève toutefois moins de sucre et plus d’acides par kilo de raisin. Peut-être pouvons-nous même dire que 2019 sera meilleur que 2018? Attendons pour cela le résultat final. »

 

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A Oud-Heverlee (Brabant flamand)

Pour Paul Vleminckx, au domaine Chardonnay Meerdael, la vendange s’est déroulée du 18 septembre au 2 octobre, après une saison sans maladie ni échaudage. « Le rendement est très bon », déclare ce pionnier des vins effervescents en Belgique (il a démarré en 1998! – ndlr), « mais le volume ne peut être comparé à la récolte de 2018, cette dernière étant exceptionnelle. La teneur en sucre naturel est de 1080 g/l ou 10,5 degrés d’alcool. »

 

Ghislain Houben - © Vlaanderen Lekkerland (archives)

Ghislain Houben – © Vlaanderen Lekkerland (archives)

A Hoepertingen (Limbourg)

Responsable avec son fils Jerom du Wijndomein Hoenshof, le Prof. dr. Ghislain Houben est très actif dans le domaine de la viticulture en Belgique et référent du SPF Economie en la matière, son rapport est forcément détaillé, je vous livre sa traduction en quasi intégralité, c’est le plus complet reçu.

« L’encre des articles de presse lyriques sur la grande année de récolte 2018 est à peine sèche que la récolte 2019 est déjà terminée. Le millésime 2018 a été sans aucun doute l’une des meilleures années en termes de quantité et de qualité. La production de vin belge a dépassé les 2 millions de litres et a plongé tout le monde dans un état d’euphorie face à l’essor de la viticulture belge. Si ces résultats résultent des conditions météorologiques favorables propres à l’année 2018, en revanche, c’est totalement différent en 2019. Plusieurs viticulteurs ont été touchés par le gel printanier au cours des premières semaines de mai. Ce phénomène météorologique est désastreux et détermine l’avenir de la viticulture belge. Les conséquences de ces nuits glaciales limitées se sont immédiatement fait sentir sur les parcelles pouvant être qualifiées de sensibles au gel en raison de leur emplacement plus bas.

Nous avons ensuite eu une période de sécheresse plus longue en juin et juillet, entraînant un retard de développement tant des feuilles que du fruit de la vigne, gommant toute avance de la croissance existante. En août, la viticulture belge a été confrontée à des records de chaleur jamais vus à plus de 40 degrés. Un raisin est une plante du soleil mais “trop” signifie parfois “beaucoup trop”. Selon le cépage, cela a provoqué des coups de soleil (échaudage). Des cépages tels que le Pinot blanc et le Cabernet cortis ont eu du mal à faire face à cette situation et les dommages sur les grappes ont été considérables. Comme si cela ne suffisait pas, au début d’octobre, deux semaines de pluie continue ont accompagné toute la récolte et causé cette fois dommages dus au botrytis et beaucoup de stress au vigneron pendant les vendanges.

Si nous devons faire une estimation de la quantité de raisins récoltés, cela correspondra à environ 70% d’une récolte normale. La convertir en un nombre concret de litres est actuellement un exercice difficile en Belgique. Nous devons prendre en considération une augmentation annuelle de la superficie viticole d’environ 15%, puis des nouveaux vignobles de ces dernières années qui gagnent progressivement en maturité, mais le plafond de 2 millions de litres ne sera donc certainement plus atteint en 2019.

Nous avons cette année été confrontés à une faible teneur en sucre et à une teneur élevée en acide, mais ces valeurs sont en grande partie revenues à un niveau normal au cours des dernières semaines précédant la récolte. La situation météorologique de 2019 montre clairement que les dieux de la météo jouent un rôle très déterminant dans la viticulture belge, et ce malgré toutes les améliorations technologiques visant à rendre le viticulteur moins dépendant du climat. »

 

Le magnifique chai de Genoels-Elderen

Le magnifique chai de Genoels-Elderen

A Riemst (Limbourg)

Au Wijnkasteel Genoels-Elderen, leader de la viticulture en Flandre, Joyce van Rennes et son mari Stefan Kékkö se réjouissent de la qualité du millésime, même si les quantités n’y sont pas. « En effet », explique Joyce van Rennes, « les chaleurs caniculaires de l’été ont littéralement séché les raisins de Pinot noir, qui sont les plus exposés au soleil dans la propriété. Première conséquence : pas de vin rouge, ni de rosé cette année, mais les raisins rescapés vont malgré tout nous permettre de produire un blanc de noirs. »

Même si les effervescents de Genoels-Elderen ont largement contribué à la renommée du domaine, il ne faut pas oublier que les vins tranquilles sont le véritable cœur de cible du domaine. « Lorsque nos raisins atteignent une maturité élevée et donc une acidité basse, explique-t-elle, nous élaborons avant tout des vins tranquilles. Les bulles ne sont possibles que si l’année a été fraîche. Tout comme en 2016, ce ne fut pas le cas cette année, il n’y aura donc pas de bulles en 2019. Et l’an dernier, ajoute-t-elle, on avait même vendangé fin août les raisins destinés aux effervescents, soit un mois avant les vins tranquilles ! »

 

Karel Henckens et son épouse

Karel Henckens et son épouse

Dans la Maasvallei Limbourg (Limbourg)

Non loin de là, à Maaseik, Karel Henckens est l’heureux propriétaire du Wijndomein Aldeneyck et l’initiateur de la dernière appellation belge en date : la BOB Maasvallei Limburg qui a la particularité d’être transfrontalière, puisqu’elle concerne aussi un vigneron hollandais. Il fait le point sur la vendange dans la partie la plus septentrionale du vignoble belge.

« Le millésime 2019 est une nouvelle année spéciale dans la vallée de la Meuse, différente de 2018, mais avec un certain nombre de similitudes. Comme vous le savez peut-être, il y a huit stations météorologiques en Flandre suivies par le Proefcentrum Fruitteelt à Saint-Trond, dont une dans la Maasvallei Limburg. Grâce au système Viti-Meteo, nous pouvons prévoir l’oïdium et la peronospora (champignons) et suivre les chiffres enregistrés année après année.

En 2019, après un hiver relativement doux et un printemps sec, la période de floraison a démarré à partir du 10 juin, soit 1 à 2 semaines plus tard que 2018 mais 1 à 2 semaines plus tôt que la moyenne à long terme. Il faut donc ajouter 100 jours à cette date pour connaître le début de la récolte! L’été a été sec avec un peu de stress hydrique, mais aussi chaud, trop chaud même, avec plus de 40 degrés ici les 24, 25 et 26 juillet, entraînant de graves brûlures des raisins sur le côté exposé l’après-midi (les rangs sont plantés nord-sud pour que le soleil tourne autour de la vigne). Le côté du matin est heureusement complètement intact. Nous avions effeuillé à la machine deux semaines avant, mais dans ce cas, ce ne fut pas une bonne chose. En 2016, nous avons également eu un peu de brûlure, mais cette fois, ce fut vraiment grave. Le Pinot Gris, le Riesling et une partie du Pinot noir sont particulièrement délicats, mais le Pinot Blanc et le Chardonnay supportent beaucoup mieux la chaleur.

Après cela, nous avons eu des conditions météorologiques exceptionnelles jusqu’à la récolte, pratiquement aucune pluie, aucune pression de moisissure et, comme en 2018, très peu de protection végétale et une récolte qui commença le 15 septembre. En termes de volume, nous n’avons pu récolter que 70% d’une année normale, uniquement à cause de l’échaudage. En raison du faible rendement, la qualité est très bonne, avec des sucres élevés, inférieurs à 2018 mais des acidités plus hautes. À la moitié de la vendange, la pluie est venue gâcher notre plaisir, nous avons donc dû récolter quelques hectares à la machine pour obtenir les raisins secs, ce que nous avons également réussi! Tout est encore en cours de fermentation, c’est bon et lent et les attentes sont très grandes! »

Merci à tous les vignerons qui ont contribué à ce bilan ! Rendez-vous au printemps pour la dégustation.

Marc Vanel, 08/11/19