Durant l’été, l’Office du Tourisme de Huy organise des visites de vignobles de la ville qui peut revendiquer un riche passé en la matière. Après le Clos Bois Marie, c’est au tour du Clos des Prébendiers ce dimanche 26 juillet. Visite sur inscriptions.
En 2011 déjà, j’avais écrit un article sur Jacques Mouton, le voici légèrement actualisé.
Plusieurs fois échevin des Finances de la ville de Huy, directeur d’école à la retraite, colombophile et mannequin pour des publicités « seniors », arbitre de foot en Juniors Nationaux, Jacques Mouton, la septantaine bien portée, est également… vigneron. Son vignoble, le Clos des Prébendiers, domine la Meuse depuis 1991.
Situé à deux pas de la chaussée de Waremme à Huy, ce clos porte une haute connotation historique. Il se situe en effet sur le Thier des Malades, anciennement dénommé Thier des Lépreux, qui faisait partie de la léproserie des Grands Malades qui exploitait un gigantesque vignoble sur ce coteau exposé plein sud.
“Le Thier des Malades, explique Jacques Mouton, serpente à travers la colline et marque la séparation entre le schiste et le calcaire. A deux pas d’ici, dans le vignoble du Clos du Bois Marie, chez Charles Legot, le sol est schisteux, ici c’est calcareux.
A l’époque, on ne le savait pas et l’on pensait que les vignes plantées ici étaient de mauvaises vignes, car le vin était différent de tous les autres vins. Le calcaire étant basique, il neutralise en effet l’acidité.
Cette partie-ci du vignoble des Grands Malades fut ainsi mise à disposition des serfs de la léproserie pour leur production personnelle, parcelle qu’ils ont baptisée “lopin des prébendiers”, du mot “prébende” qui est la première taxe ecclésiastique mondiale.”
Lorsqu’il achète cette propriété en 1974, ce n’était qu’une pinède et Jacques Mouton n’a encore aucune intention de faire du vin. Mais c’était compter sans son voisin, Charles Legot, un architecte qui relança la viticulture à Huy et même en Wallonie.
“Je voyais Charles Legot au Rotary, se souvient le vigneron, et il m’a littéralement cassé les pieds pour que je plante et que je me lance là-dedans. J’avais déjà du travail par dessus la tête, je ne voyais pas où trouver du temps pour le faire. Finalement comme j’avais défriché une bonne partie du terrain pour avoir de la lumière et vue sur la Meuse, j’avais décidé de planter… des petits sapins de Noël. Et un jour, en les remontant un à un, j’ai fait une crise cardiaque et j’ai abandonné donc tout cela.
Legot est alors revenu à la charge et j’ai fini par planter quelques pieds en 1991. Les trois ou quatre premières années, comme il n’y a pas grand chose à faire, on se dit que c’est facile et du coup, on en replante plus. J’ai racheté le terrain voisin dix ans plus tard, je l’ai défriché et planté par petits morceaux.”
Aujourd’hui, le Clos compte un peu plus de 1000 pieds. “Au début, je n’avais mis que du Müller-Thurgau, mais même si c’est un bon cépage, il manque un peu de corps, avec lui c’est plutôt la quantité que la qualité. Après deux ans, je me suis rendu compte que j’allais droit dans le mur et d’année en année. J’ai donc remplacé une ligne sur deux par de l’Auxerrois.
Actuellement, j’ai 55% de Müller-Thurgau, 40% d’Auxerrois et le reste de Pinot gris qui donne un peu de coloration et de goût à l’Auxerrois. Je vinifie le Pinot gris séparément et j’assemble une partie avec les deux autres cépages. Avec le reste, j’essaie un peu de mousseux, et je pense avoir trouvé maintenant la bonne carburation. Pour l’instant, je n’ai toutefois fait l’essai que sur 36 bouteilles…”
Si le terrain présente une déclivité extraordinaire, digne de certains coteaux rhodaniens, le vignoble est toutefois remarquablement exposé plein sud. “Ce qui permet à la vigne de débourrer (éclosion des bourgeons) plus tôt qu’ailleurs et donc de t’être taillée plus tôt également avec le risque éventuel d’être exposée aux gelées printanières. Je commence à tailler fin janvier, au plus tard début février, car j’ai remarqué que si on taille un peu plus tard, la vigne « pisse », comme on dit. Et s’il gèle au printemps, je fais brûler du bois vert toute la nuit pour former un écran de fumée et ainsi protéger les raisins en gestation.”
Bon an, mal an, 600 à 900 litres de vin blanc sont produits au Clos des Prébendiers. Depuis 1997, la production est vendue aux amis et connaissances mais la majeure partie part dans les magasins et restaurants de Huy et environs. Mais le travail est dur, souligne l’ancien échevin, et “quand mes enfants voient le travail que cela demande, ce n’est pas eux qui vont le reprendre. J’ai toujours fait ce travail pour perpétuer, défendre et préserver un patrimoine public. Cet endroit était viticole depuis 850 ans, il y a presque un devoir d’y maintenir la viticulture. Je sais que des Bordelais aimeraient racheter ces vignes, mais je ne suis pas perdre à perdre mon âme…”
Marc Vanel, 2011 et 20/07/20
Inscriptions : Office du Tourisme de Huy au 085 21 29 15. Prix : 4€
Prochaine visite : le 9 août au Clos de la Buissière.