Planté en trois phases depuis 2018, le Domaine de la Portelette a résolument opté pour la permaculture et la certification bio. Entretien avec le président de la coopérative, Bertrand Halbrecq.

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La visite remonte à la mi-mai, juste après les fameuses journées de gel des Saints de Glace qui ont causé ici des dégâts importants. Pas facile, quand on est un jeune vignoble, mais pas insurmontable, estime Bertrand Halbrecq. « On est descendu à -2°C pendant deux jours, cela fait mal au cœur, mais une partie des pieds vont se remettre, il faut attendre un peu. L’année passée aussi, les 6 et 7 mai, nous avions commencé à désherber les quatorze premières lignes pour dégager les pieds mais ce sont les seules qui ont gelé ! Et pas les autres qui étaient encore protégées par le couvert végétal abondant comprenant un mélange d’avoine, de trèfle et de colza. Cela nous a confortés dans notre option de la permaculture. »
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Les vignes ont bien récupéré sur le haut de la parcelle. ©DP

Association de plantes qui collaborent entre elles pour en tirer avantage, on parle ici de collaboration plutôt que de compétition : « Ce sont des plantes auxiliaires, poursuit le vigneron, qui aident et s’entraident. L’avoine va structurer le sol, le trèfle apporter de l’azote et les brassicacées comme le colza, le radis ou le navet, compléter les besoins en carbone lent et rapide. Il faut que le sol soit couvert pour limiter l’érosion, qu’elle soit éolienne ou hydrique (en cas de pluies intenses). La permaculture est une vue d’ensemble : la vigne et ses plantes, la vigne et la biodiversité des alentours, ainsi qu’au niveau des insectes auxiliaires. 

Dès la première année, nous avons utilisé des copeaux et du paillage pour développer les micro-organismes du sol et faire travailler les lombrics et les autres bactéries qui peuvent produire des éléments nutritifs pour la vigne, c’est aussi une défense contre d’autres pathogènes. Car si la place est prise par les bons, les mauvais ne viennent pas… »

Enfin, si le couvert végétal permet d’éviter certains dégâts du gel, en été, il permet aussi de conserver une humidité relative à hauteur des vignes protégées par cet ombrage. La méthode a fait ses preuves durant l’été 2018 lors de la canicule.
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Bertrand Halbrecq

Les débuts

Installer des vignes sur les terres familiales est une idée qui a dû faire son chemin. Après une rencontre décisive avec Pierre Conreur, un des fondateurs du projet, le défi était lancé. Il a fallu entamer des démarches techniques et administratives importantes avant de planter le premier pied de vigne ! « Les analyses de sol nous ont appris que celui-ci convenait parfaitement. On n’est pas sur la craie ou de la marne comme d’autres vignobles des environs, mais sur un sol limoneux-argileux avec une base de grès et de schiste sur cette parcelle, et avec une base schisto-gréseuse sur la nouvelle partie de l’autre côté de la route. Cette seconde parcelle qui vient d’être plantée est protégée par un mur de l’abbaye arrivant sur la “portelette”, ancienne porte d’accès au monastère.

L’idée de la coopérative

Afin d’assurer une base financière et humaine au projet, le choix se porte sur la création d’une coopérative, avec un troisième partenaire indispensable au niveau légal. Ce sera Cosimo Secundo qui apporte une dimension marketing à l’affaire. « La coopérative permet de partager les expériences car on ne voulait pas faire cela seuls dans notre coin. Elle a aussi une dimension socio-culturelle, souligne Bertrand Halbrecq, elle permettra de dynamiser le lieu, notamment au niveau touristique. »

Après une première plantation d’un hectare et demi en avril 2018, le trio de base fait appel à l’épargne privée, d’abord auprès des amis, puis élargit la coopérative via de nombreuses séances d’information. Deux ans plus tard, la structure compte un peu plus de 200 coopérateurs et a décroché diverses aides publiques wallonnes pour les entreprises d’économie sociale et les coopératives, notamment la Sowecsom via son levier financier « Brasero ».

Le Conseil d’administration actuel est composé de 5 membres (Sophie Dupont, Hélaine Dumonceau, Guillaume Grawez, Cosimo Secundo et Bertrand Halbrecq) présents depuis le début de l’aventure, qui poursuivent la gestion collaborative du vignoble et dynamisent la coopérative. Et ce, tant au niveau des phases de plantation que des projets à venir comme le chai qui ne sera installé que dans trois ans, vu l’étalement des plantations (le plein rendement n’est prévu que pour 2024-25) et l’accueil possible chez d’autres vignerons d’ici là.

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© Vanel

Résistants et classiques

Au premier hectare et demi de 2018, sont venus s’ajouter 1 ha en 2019 et 2,2 ha tout récemment. Etant donné la volonté de développer un vignoble bio (la coopérative est suivie par Certisys depuis le début) et le choix de la permaculture, la coopérative du Domaine de la Portelette a opté pour des cépages résistant aux maladies, mais pour trois de ses variétés seulement.

Le cépage le plus important est le Johanniter (10.000 pieds), le Riesling (4000 pieds), puis le Muscaris, le Souvignier gris et le Pinot Meunier (3000 pieds chacun).« L’objectif est de faire des vins blancs tranquilles mais nous allons essayer de faire quelques bulles avec une première récolte en 2020 pour que nos coopérateurs puissent les goûter l’année prochaine. Selon les conditions climatiques, nous prévoyons une rentabilité d’ici 8 à 10 ans. »

Infos: www.domainedelaportelette.be – Adresse du vignoble : rue de l’Abbaye à 6540 Lobbes.

Marc Vanel, 10/06/20