Le projet a pris du retard avec la crise du corona, mais Katrien et Joris Dubois ont enfin ouvert leur chai urbain et magasin à la rue St-Hubert à Liège. Et le projet est ambitieux.

Lorsque Marc Dubois, co-concessionnaire du Casino de Chaudfontaine, décida d’acheter une belle résidence secondaire à Chevron en 1992, il ne se doutait pas que ses enfants allaient y planter un vignoble quelques années plus tard. « Nous venons de Bilzen et nous avons grandi à Hasselt, explique Katrien, nous avons passé une grande partie de nos week-ends ici depuis trente ans. Il n’y avait qu’une heure de route depuis Hasselt, mais aujourd’hui, nous habitons tous deux au centre de Liège.

Notre idée était de valoriser les terres autour de la maison de Chevron. A une certaine époque, nous avons eu des chevaux de trait, mais plus maintenant. Etant ingénieure industrielle en agronomie et ayant suivi des cours du soir de viti- et viniculture avec Geurt Van Rennes à Syntra, nous avons eu envie de créer un petit vignoble de 400 pieds, qui sont vite devenus 800, puis 1500. Mais après avoir visité une foire en Allemagne, c’était devenu exponentiel, sourit la jeune vigneronne, nous avons opté pour 3000 pieds et mon père en a commandé bien plus… »

Ayant été formés par Geurt van Rennes, très peu favorable aux variétés résistantes, le premier choix des Dubois se porta dès lors sur les cépages destinés à la production d’effervescents – Chardonnay, Pinot noir, Pinot meunier et Pinot auxerrois.

Détenteur d’un Master en Business et travaillant dans le domaine des jeux de casino, Joris se retrouve souvent sur les routes. Lors d’un passage en Suisse, près de Morges au bord du Léman, il est séduit par les belles parcelles de Chasselas et décide d’en ramener 200 pieds. « Si cela marche là-bas, cela devrait aussi convenir chez nous. Mais c’est une petite quantité, nous ne ferons pas les noces de Cana avec cela… »

 

Une des parcelles autour de la maison – Juin 2021 © Vanel

 

Rock’n’roll

Les différents cépages ont été plantés en plusieurs étapes depuis mai 2019 sur la propriété de Chevron et le but est ici de sortir des vins effervescents en méthode traditionnelle.

Les vignes n’étant pas encore productives l’an dernier, le duo achète la production de raisins d’un domaine du Brabant wallon ainsi que du domaine de Céliandre (aujourd’hui repris par le CPFAR) pour tester diverses combinaisons.

Avec les conseils de Gianluca di Taranto (Meilleur sommelier de Belgique 2019), ils ont par exemple assemblé du Regent (de Flémalle) avec du Gamay (de Loire) pour en faire un étonnant vin rouge baptisé « Zinc rouge ». L’œnologue Véronique Lidby apporte elle aussi son expertise à l’équipe et suit le projet depuis quelque temps déjà.

« Nous voulons faire des assemblages uniques, expliquent les frère et sœur, nous voulons amener des choses intéressantes qui n’ont pas forcément déjà été explorées, car n’entrant pas dans le cahier de charges des appellations wallonnes. Nous allons par exemple assembler quatre Pinots noirs provenant de Bourgogne, de Hongrie, de Belgique et du Luxembourg.

C’est très réfléchi, nous ne faisons pas n’importe quoi, nous voulons obtenir plus de fruit, de subtilité, etc. Il ne faut pas assembler pour assembler, mais jouer avec les barriques pour créer une plus-value. Il faut innover en Belgique, on est assez rock’n’roll, souligne Katrien en riant.

 

Les caves classées du XVIe siècle qui peuvent être louées pour des événements – © Luyck/Halostudio.be

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Restait à trancher la question du chai encore inexistant. Dans un premier temps, le duo utilise un chai à Tongres dans un zoning industriel et une fois les fermentations terminées, transfère les vins pour élevage en barriques dans une cave en deux niveaux souterrains sous la Cour Saint-Hubert au centre de Liège.

Au cœur d’un vaste projet immobilier de la fin des années 1990 prévoyant la construction de deux hôtels de luxe (dont le Crown Plaza devenu aujourd’hui Van der Valk Hotel Selys), le quartier connut une lente dégradation depuis la fin des années 1990.

Datant du XVe siècle, les caves de la Cour Saint-Hubert finissent par être classées en 2001, mais ont toutefois été laissées quasiment à l’abandon. En achetant le lieu juste avant la crise de la Covid-19 et en sortant ces caves de leur léthargie, nul doute que la famille Dubois fait œuvre plus qu’utile.

Halostudio.be

Entièrement rénové, le lieu accueille désormais 28 barriques en sous-sol ainsi qu’un magasin au rez-de-chaussée où se trouve une cuverie en inox. L’espace souterrain peut être loué pour des événements.

LUYCK utilisera ses propres raisins, mais en achètera également dans d’autres vignobles ainsi que du vin en vrac. Les assemblages se feront sans tenir compte des origines.

Faisant en quelque sorte la synthèse entre Gudule Winery à Bruxelles et le chai urbain des Vintrépides, le projet de Luyck est probablement révélateur d’une époque qui veut casser les codes et aller au-delà des appellations. Certains crieront peut-être au scandale, voire à une concurrence déloyale pour les vignerons belges, comme ce fut le cas pour Gudule, mais tant que tout est clairement expliqué au consommateur, il devrait y avoir place pour tout le monde…

Infos : rue Saint-Hubert 25 – 4000 Liège – Dégustation de 5 vins et visite des caves le jeudi à 17h30 et le samedi à 12h – Plus de détails sur la page Facebook et sur luyck-urban-winery.be

Marc Vanel, 11/8/2021