Dans les prochains jours, le Domaine Mont des Anges va planter 3000 pieds de Voltis sur sa nouvelle parcelle de Havay, un des quatre cépages résistants mis au point en France par l’INRA lors d’un processus qui a pris près de 20 ans.

Si les vignerons septentrionaux connaissent plutôt bien les cépages résistants aux maladies cryptogamiques (mildiou, oïdium…) qu’ils cultivent depuis de nombreuses années, ce sera peut-être bientôt le cas des vignerons français grâce à quatre variétés mises au point par l’INRA : Voltis et Floreal en blanc, Vidocq et Artaban en rouge, mais il a fallu le temps.

Pour diverses raisons. Tout d’abord parce que les cépages résistants doivent suivre un très long processus d’expérimentation, mais surtout parce que leur présence dans un assemblage est interdite dans tous les cahiers de charges des AOP françaises. Celui qui opte pour une de ces nouvelles variétés ne peut donc sortir son vin qu’en « Vin de France », autrefois VSIG, vin sans indication géographique… Ce qui est relativement peu commercial, sauf dans des pays où l’appellation a moins de poids.

Pour que les cépages résistants soient inscrits dans les cahiers de charges des AOC et des IGP, les syndicats doivent demander l’accord de l’INAO. Pour l’heure, les candidats sont encore rares. La demande pour le Voltis a toutefois déjà été faite pour les IGP Gard, Pont du Gard, Cévennes et Var, et ce n’est sans doute qu’un début.

En attendant une décision future de l’INAO, les AOP ont le droit de planter des cépages expérimentaux, mais ceux-ci ne peuvent dépasser 5% des surfaces plantées et 10% d’un assemblage.

Un long processus

Dans les années 2000, l’INRA, l’institut français de la recherche agronomique, a lancé un vaste programme intitulé « INRA-ResDur » afin de favoriser le développement d’une viticulture durable, plus respectueuse de l’environnement en développant des cépages certes résistants mais aussi d’une bonne qualité organoleptique.

La Champagne a participé à ce programme dès 2010. Le Comité Champagne a d’ailleurs parfaitement résumé les diverses étapes dans son dossier de presse « S’adapter au changement climatique en Champagne » en 2019 dont sont extraites les informations qui suivent:

  • Etape 1 – 3 ans : pour obtenir 4 à 5 variétés à la fin du processus, 4 000 pépins sont mis en germination. Une fois les plantules développées, elles sont triées par génotypage à partir de l’ADN d’une de leurs feuilles.
  • Etape 2 – 6 ans : sélection intermédiaire dans le vignoble expérimental du Comité Champagne ainsi qu’en Bourgogne de 200 « individus » afin de, notamment, vérifier l’efficacité des résistances.
  • Étape 3 – 6 ans : évaluation sur min. 90 ceps de 15 à 20 variétés plantées sur deux sites au moins et deux porte-greffes. Cette étape permet d’aborder la durabilité de la résistance et d’établir de façon précise les aptitudes culturales et technologiques de chaque variété, en comparaison avec des variétés témoins.
  • Étape 4 : une fois les variétés retenues (4 ou 5), les démarches administratives sont entreprises pour l’inscription des variétés de vigne au catalogue français et enfin au cahier des charges de l’AOC.

© Photo INRA

20 ans d’expérimentation

Parmi les variétés retenues (et désormais inscrites au Catalogue officiel) figure donc le Voltis, obtenu en 2002 d’un croisement interspécifique complexe entre le Villaris et un descendant de Muscadinia rotundifolia. Il se caractérise par une résistance très forte au mildiou et totale à l’oïdium.

Comme le souligne l’INRA, « son degré de maturité dépend fortement du terroir et du mode de conduite. Avec un rendement limité, la richesse en sucre et l’acidité sont comparables au Chardonnay. Lorsque le rendement est plus élevé, la richesse en sucres est en retrait et l’acidité un peu supérieure, ce qui peut être compensé en partie par une récolte plus tardive. »

Son volume en bouche et sa faible typicité le rendent parfaitement adapté à des vins d’assemblage, comme par exemple les effervescents tels qu’on les élabore en Wallonie au Domaine Mont des Anges ou dans d’autres régions d’Europe. Ses arômes sont d’ailleurs assez proches du Chardonnay.

© Antoine Melis/Mont des Anges

Divisé en deux parcelles à Nouvelles (4,2ha) et à Havay (1,6ha), le Domaine Mont des Anges a été créé en 2018 par Vincent De Busscher et Laurianne Lejour, sa première « vraie » cuvée est sur lattes et sortira soit à la fin de cette année, soit début 2022 selon la durée du vieillissement.

D’ici là, le duo franco-belge a décidé de planter mi-mai quatre hectares supplémentaires à Havay, avec du Meunier, du Chardonnay et du Voltis.

« Nous étions à la recherche d’une variété qui nous distinguerait des autres produits, expliquent Laurianne et Vincent, mais qui donne aussi un vin de base assez neutre au niveau aromatique, avec une faible typicité mais une bonne acidité et de la finesse.

Nous souhaitons réduire notre empreinte carbone, réduire notre fréquence de traitement, et ce cépage peut nous y aider. Sans compter que le Voltis est plus tardif de sept jours que le Chardonnay, il est donc plus résistant aux gelées de printemps.

Enfin, le Voltis va nous aussi permettre d’innover et de sortir d’un certain copié-collé des vins champenois. Nous avons passé un accord d’exclusivité avec un pépiniériste français, nous serons les seuls à avoir cette variété durant les deux prochaines années. »

Marc Vanel, 01/05/21