Planté en 2012 à Rhisnes, le domaine La Falize a toujours été discret. Sans doute à cause de la personnalité de son propriétaire, Frédéric de Mévius, mais aussi pour cause de production encore modeste. Visite.

Construit au XVIIe siècle et acquis en 1904 par le Baron de Mévius, le château de La Falize (dont le nom dérive de « falaise ») est en réalité une ferme fortifiée, au cœur d’une vaste propriété de 220 hectares, dont 70 de bois.

Elle est gérée aujourd’hui par Frédéric de Mévius, neuvième génération de la famille propriétaire d’AB-Inbev dont il a été administrateur de 1991 à 2004, année de la fusion d’Interbrew avec les Brésiliens de AmBev qui donna naissance au géant brassicole AB InBev.

En 2018, après 23 ans de services, il revend sa participation dans Verlinvest pour fonder Planet First Partners (une plateforme d’investissement dans des entreprises « Better for People & Better for the Planet ») et, notamment, se consacrer au développement du domaine viticole de La Falize qu’il a créé en 2012.

Homme d’affaires avisé, Frédéric de Mévius s’est appuyé dans son entreprise sur Peter Colemont, éminent vigneron du Clos d’Opleeuw dans le Limbourg et sur Sylvain Pellegrinelli, chef de culture du domaine Leflaive (en biodynamie) à Puligny-Montrachet. Sans oublier les recommandations du géologue Yves Hérody sur le profil des sols.

Un premier hectare de Chardonnay a été planté en 2012 sur trois parcelles : la parcelle “Fabiola” et “Le puits”, toutes deux sur la propriété, et une dernière à Flawinne chez le cousin de Frédéric de Mévius, Olivier de Spoelberch, un autre grand nom de la galaxie InBev.

Par la suite, quelque 200 pieds de Pinot noir ont également été plantés le long de la ferme ainsi qu’un deuxième hectare, toujours de Chardonnay, en 2015 ainsi que 40 ares de Savagnin plus récemment. Les vignes sont certifiées bio depuis l’origine du projet et conduites en biodynamie.

Les dernières plantations – © Vanel

Séquestrer le carbone

Ce projet ne tombe pas du ciel, il s’agit d’une véritable démarche entrepreneuriale pour cet ancien banquier : la Falize compte en effet quelque 150 hectares de terres agricoles certifiées depuis 2000 en bio. Grandes cultures (légumineuses et céréales principalement) mais aussi maraîchage (asperge, fraise, cerise, tomate, patate, douce, carotte) dont la gestion a été placée depuis 1,5 an sous la direction de Pierre-Yves van Haute, ex-avocat en fusions-acquisitions.

« Notre approche, explique-t-il, tant au niveau du vin que du maraîchage, est de faire de l’ultra qualitatif, de privilégier la qualité au rendement et d’appliquer à l’ensemble les méthodes de la biodynamie. L’agriculture biologique nécessite de lourds efforts pour éliminer les adventices en évitant l’usage de désherbants chimiques. A long terme, ces travaux risquent d’épuiser et de provoquer l’érosion des sols. Afin d’éviter ces problèmes, nos pratiques visent à renforcer naturellement la qualité des sols pour y séquestrer le carbone atmosphérique et à préserver leur fertilité en matière d’agriculture durable. Parmi les mesures appliquées, la plantation et l’entretien de plus de 10 km de haies favorisent la faune et la flore sauvages, ainsi que l’affectation de plus de 10% des surfaces cultivables en mesures agro-environnementales. »

Alice Danzin et Pierre-Yves van Haute – © Vanel

Biodynamie

En 2012, la plantation du vignoble de La Falize a permis d’ajouter aux pratiques agricoles du domaine les principes de la biodynamie qu’applique Alice Danzin, bio-ingénieure diplômée de l’UCLouvain avec la spécialisation « Ressources en eau et sol » et en charge du vin depuis deux ans.

Conseillée par Sylvain Pellegrinelli (pour le vignoble) et Peter Colemont (pour la cave), elle a eu la chance de commencer avec le millésime 2018, excellent comme on le sait.

« Nous récoltons et vinifions les raisins en parcellaire. Pour l’instant, on voit bien qu’une parcelle est plus ronde ou plus aromatique, c’est l’inverse pour une autre mais l’assemblage se complémente assez bien, on arrive donc à avoir un vin assez équilibré. Il faut goûter, suivre l’évolution de chaque parcelle, car une distance de 300m peut faire la différence, même si ce sont quasiment les mêmes clones, les mêmes techniques. »

 

La cuverie…

… et le chai à barriques (qui déménage prochainement- ) © Vanel

2018

Le Chardonnay est vieilli pour partie en cuves, pour partie en barriques et vu l’augmentation de production enregistrée en 2018, il a fallu acheter des barriques neuves, qui marquent légèrement plus le vin, mais à peine.

Le nez de ce 2018 est tout simplement magnifique, avec une belle aromatique, suivi par une bouche soyeuse, ample, avec des notes de poire et de pêche blanche, et très peu d’agrumes pourtant propres au Chardonnay. Un passage en carafe est à recommander car en s’ouvrant, le vin offre un joli gras et quelques notes florales supplémentaires, ce qui promet pour la garde. En fin de bouche, une étonnante (mais légère) touche de mandarine vient chatouiller le palais.

Un résultat plutôt étonnant en Belgique, qui fait évidemment penser aux grands blancs bourguignons, mais plus Meursault que Chablis. « Le 2018, commente Alice, est chaleureux, je dirais même que l’on sent le soleil, les millésimes précédents étaient plus légers, plus cristallins. 2018 offre une bonne acidité, et il a évolué de manière plus intéressante que 2017. »

A côté de ce vin blanc dont les 5000 bouteilles sont vendues sur allocations (±40 euros) aux amis ainsi qu’à certains cavistes et restaurateurs, La Falize a fait distiller une tonne de marc au Château de Bousval qui dispose d’un superbe alambic. L’eau-de-vie de vin produite vieillit actuellement en fûts.

Pour ce qui concerne les 40 ares de Savagnin récemment plantés, la récolte devrait permettre de produire un vin de macération, comme en témoigne la jarre en terre cuite qui n’est pas encore déballée.

Et enfin, pour être complet, signalons que quelques bouteilles de Pinot noir sont produites, mais elles ne sortent de la propriété qu’au compte-gouttes. Les premiers résultats étant prometteurs, de nouvelles plantations pourraient suivre. Cela tombe bien, il y a justement de la place…

Contact : lafalize.com – La Falize 1 à 5080 Rhisnes

Marc Vanel, 29/10/20 Photo du haut: © La Falize